Humanités numériques et consciences disciplinaires

Françoise Cahen
40 min readJun 9, 2017

Table des matières :

Introduction ………………………………………………………………………

I. Présentation d’articles ……………………………………………………

A -”Quelles humanités numériques?” de Milad Doueihi (Revue Critique, 2015/8, n°819–820, éditions de Minuit) https://www.cairn.info/revue-critique-2015-8-page-704.htm#no1 ….

B — “L’impératif numérique” de Michel Wieviorka (CNRS éditions. 2013)

C — « La conscience disciplinaire » de Yves Reuter, dans Education et didactique, volume 1, n°2, septembre 2007 https://educationdidactique.revues.org/175

II. Une problématique utile en situation de formation

A. Créer une formation en ICN (Informatique et Création Numérique) commune à des champs disciplinaires différents

B. Comment intégrer les Humanités Numériques aux formations disciplinaires de lettres?

C. Quels objectifs pour les GREID « Humanités Numériques » ?

Conclusion générale

Introduction :

Durant cette année scolaire 2017–2018, dans l’académie de Créteil, se créent conjointement deux GREID « Humanités numériques » et une formation au Plan Académique de Formation à propos d’un nouvel enseignement au lycée « Informatique et création numérique » (ICN). Ces créations se veulent transdisciplinaires et allient des formateurs de matières très variées. On note parallèlement, dans l’enseignement supérieur, la multiplication des diplômes en Humanités numériques, notamment à partir de cursus littéraires : Masters[1], parcours spécifiques fleurissent dans de nombreuses universités…

En tant que formatrice, je suis engagée à la fois dans un GREID « Humanités numériques » et dans la formation ICN du Plan académique de formation. Je me rends compte que ce nouvel enseignement se heurte au concept de conscience disciplinaire : nous avons du mal à intéresser d’autres professeurs que les enseignants des matières technologiques ou scientifiques à la formation ICN, à faire en sorte que ceux-ci différencient cet enseignement de l’ISN, pour s’adapter à un public de première L par exemple, mais nous avons également beaucoup de peine à intéresser les professeurs des matières littéraires ou artistiques à cette nouvelle option. Nous éprouvons également des difficultés à intégrer les Humanités Numériques dans nos formations disciplinaires plus générales. C’est pourquoi j’ai jugé intéressant de confronter dans ce mémoire des articles qui définissent les Humanités Numériques et mettent en valeur la nécessité de leur enseignement (c’est le cas de l’article de Milad Doueihi et de celui de Michel Wieviorka) à un article d’Yves Reuter qui définit le concept de conscience disciplinaire. Il m’a semblé que les Humanités numériques nous poussent à reconsidérer la conscience disciplinaire de la matière que nous enseignons, nous invitant à un véritable déplacement conceptuel. Comment, en tant que formateurs, pouvons-nous accompagner nos collègues dans cette remise en cause de taille de notre identité disciplinaire? C’est un enjeu d’importance et j’espère que ce mémoire permettra de répondre en partie à cette question.

I. Présentation d’articles

A. -”Quelles humanités numériques?” de Milad Doueihi (Revue Critique, 2015/8, n°819–820, éditions de Minuit)

Milad Doueihi est un philosophe, détenteur d’une chaire d’Humanisme numérique à Paris IV et c’est une personnalité incontournable quand on évoque ce domaine. J’ai lu par ailleurs son œuvre majeure Pour un Humanisme numérique[2], et j’ai choisi cet article synthétique de la revue Critique parce qu’il aborde la question des disciplines et de l’enseignement des Humanités numériques. On ne peut donc pas dire qu’il s’agisse directement d’un article de sciences de l’éducation mais il aborde bien la question des Humanités numériques en évoquant notamment la question de l’éducation, des apprentissages.

1. Cadre théorique

Milad Doueihi est à l’origine un philosophe spécialiste de l’histoire des religions, et sa façon d’aborder le numérique, influencée par son parcours, prend beaucoup en compte l’étude précise de l’histoire (celle, assez récente de la révolution numérique), qu’il analyse pour en tirer une interprétation critique s’appliquant à la compréhension du monde d’aujourd’hui. C’est donc une approche épistémologique. Les références de cet article sont essentiellement américaines et concernent l’histoire du numérique, avec le livre de R. Siemens et S. Schreibman, A Companion to Digital Literary Studies, Oxford, Blackwell, 2008. Il évoque également un ouvrage français qui présente les textes d’Alan Turing La Machine de Turing, par Jean-Yves Girard, aux Éditions du Seuil, « Points Sciences », 1995. Mais Milad Doueihi est un précurseur et c’est lui qui contribue à créer véritablement actuellement un cadre théorique pour penser les Humanités numériques.

2. La synthèse de l’article

Introduction : La place des Humanités Numériques est vue comme un problème dans le paysage intellectuel. On a tendance à les présenter comme une rupture radicale avec le passé. L’article se propose de débattre sur leur cohérence épistémologique : comment les positionner?

I. Genèse des Humanités Numériques : Elles sont nées de la rencontre des sciences de l’interprétation avec l’informatique.

A. L’expérience de Roberto Busa : c’est un Jésuite, spécialiste de Saint Thomas d’Aquin, qui obtient l’autorisation en 1949 d’utiliser les ordinateurs d’IBM pour produire son Index Thomisticus.

a. Philologie numérique. Cette rencontre entre l’étude philologique des textes et l’informatique constitue la première expérience en matière d’Humanités numériques ( Humanities computing ou bientôt digital Humanities). On voit apparaître un travail de numérisation du patrimoine littéraire : méthodes d’encodage permettant des éditions savantes, apparition d’un travail collaboratif.

b. Transformation expérimentale du texte, fragmentation : éclaté, le texte est analysé comme une somme de données quantitatives. Le traitement numérique du texte permet de valider une hypothèse de lecture.

B. L’expérience d’Alan Turing

a. Le concept de « machine pensante » : Alan Turing décrit en 1950 une machine capable d’apprendre. Les ordinateurs sont comme des enfants et évoluent avec les années, interagissent avec leur environnement ; il y a une circulation des apprentissages, qui est au départ des Humanités numériques.

b. La machine a des limites mais elle peut aussi dépasser l’homme : certes les machines ne font qu’appliquer ce que lui imposent les humains, mais peuvent promettre aussi de nouveaux savoirs, selon Turing. C’est ce qui se passe avec les mutations des disciplines, les nouveaux modes de production et de partage des connaissances induites par le numérique.

c. Le provisoire et l’éphémère comme modèles de l’apprentissage et de la pensée. La validité des algorithmes ne dure pas. Il y a une ambition sans limite du numérique qui aspire à une connaissance totale du monde, mais la dynamique du code impose une modification constante de son écriture. Le code nous modifie aussi au fur et à mesure.

d. La dimension collaborative des Humanités numériques. Cette dimension va de pair avec la diversité des objets étudiés, leur complexité, qui conduit à ce que des spécialistes de différentes disciplines s’allient dans des groupes de recherche. Le code n’est qu’un aspect des Humanités numériques, et tout chercheur dans ce domaine ne doit pas être programmeur, mais doit se familiariser avec certains outils, comprendre la pensée algorithmique.

II. La place des Humanités numériques aujourd’hui

A. La transdisciplinarité des Humanités numériques : une reconfiguration du monde savant par la culture numérique. Il faut penser l’informatique dans son rapport au contexte socio-culturel plus large. Il ne s’agit pas d’une simple numérisation d’archives ; et c’est la tradition humaniste qui peut servir de référence. Les humanités numériques éprouvent des difficultés à s’imposer, de façon institutionnelle : ce n’est pas facile de créer des laboratoires qui introduisent l’informatique dans les champs humanistes. Il se développe heureusement dans les sciences humaines et sociales une culture du projet. Le système français comprend cependant une organisation disciplinaire stricte : les structures académiques ne sont pas adaptées à la circulation des savoirs numériques. Le numérique n’est pensé que comme phénomène culturel par les institutions.

B. Indissociabilité des concepts de code informatique et de texte

Le code est lui-même un texte, sans cesse relu et annoté. Les pionniers du numérique avaient appelé le code « Literate programming ». L’hypertexte était considéré au départ comme une activité lettrée et érudite, d’annotation.

C. Deux visions opposées de l’évolution du texte :

a. L’informatique facilitateur de recherche et d’indexation pour la production de textes classiques. On voit l’informatique comme un outil pour classer par mots clés, c’est le modèle de l’imprimé qui domine.

b. La culture de l’hyperlien et la complexification dynamique du texte, qui s’impose depuis le Web. C’est le nouveau modèle de texte et d’hypertexte qui s’impose actuellement.

CONCLUSION : On a vu l’arrivée progressive de la notion de texte dans l’informatique, et le passage de l’informatique au numérique (de la technicité à la sociabilité en ligne). Milad Doueihi insiste pour finir sur la prise en compte nécessaire des usages populaires du Web dans le champ des Humanités Numériques.

B. L’impératif numérique de Michel Wieviorka

1. Présentation et cadre théorique

Il ne s’agit pas à proprement parler d’un article, mais d’un petit livre d’une cinquantaine de pages, publié aux éditions du CNRS, qui se présente sous la forme d’un manifeste. Michel Wieviorka est un sociologue. Il s’adressait principalement à ses collègues chercheurs de la Maison des sciences de l’Homme, mais le succès de ce manifeste a complètement dépassé cette sphère pour devenir un support efficace de la cause numérique dans l’enseignement. Ce petit livre est nourri de nombreuses références à des essais majeurs et récents qui réfléchissent aux Humanités numériques comme Pris dans la toile. L’esprit au temps du Web, de Raffaele Simone[3], Read/write Book[4], un ouvrage collectif en deux tomes, ou La démocratie internet[5] de Dominique Cardon. Les auteurs de ces ouvrages sont aussi des sociologues, qui étudient les mutations de la société ou de la lecture avec le numérique. Le ton de Michel Wieviorka est intéressant pour nous car il s’adresse spécialement aux sceptiques, dans le but de convaincre, ce que nous sommes souvent amenés à faire en tant que formateurs. Là encore, il ne s’agit pas directement d’un texte tiré directement des sciences de l’éducation, mais d’un texte issu de la recherche en Humanités numériques s’adressant aux chercheurs, aux enseignants…

2. La synthèse de L’impératif numérique

Introduction : Ne sommes-nous pas en train de vivre une rupture radicale d’ordre anthropologique, avec le numérique ? Les sociologues sont à la traîne pour apprécier le phénomène. Techniques de travail et de recherches inédites, culture liée au Web: c’est une nouvelle ère qui s’ouvre.

A. Lire et écrire. L’idée de rupture culturelle occasionne deux attitudes : l’enthousiasme de certains, et l’inquiétude d’autres. Raffaele Simone est pessimiste : le numérique privilégierait une forme superficielle de réflexion ou favoriserait le simulacre par rapport à la réalité. Les discours sur le net ne seraient pas organisés, réduiraient les débats, antidémocratiques. Ce point de vue est excessif et fait penser aux condamnations de l’imprimerie à ses débuts. Mais les changements actuels complexes modifient nos façons de penser et de vivre, peut-être même notre cerveau. Prolifèrent aussi bien des louanges du numérique (lecture moins solitaire en réseau, démocratisation de la culture, émergence de personnalités fortes) que de nombreuses accusations : diminution de la concentration, perte du monopole des enseignants dans l’éducation et l’accès aux connaissances, accroissement de la triche avec le copié-collé, appauvrissement culturel généralisé, fracture numérique, éloignement des livres, isolement accru des jeunes. La propriété intellectuelle est aussi remise en cause.

Trois voies sont possibles pour les chercheurs :

a -Faire des liens entre les changements généraux et les potentialités techniques

b –Lier les transformations sociales à l’informatisation de certains secteurs

c — Etudier les nouveaux modes de création ou d’acquisition des connaissances.

La première voie (a) est celle qu’explorent les Humanités numériques. Le livre devient de plus en plus réinscriptible et réticulaire. Le principe du travail devient collaboratif (sans obligation), la création devient ouverte et protéiforme.

La deuxième voie (b) est explorée par Manuel Castells : il analyse la globalisation capitaliste, les logiques financières, les crises, les révolutions sous le prisme des changements dus à internet et au numérique.

La troisième voie © est explorée par Yves Jeannerey et Emmanuel Souchier, qui étudient l’informatisation des médias.

B. La fin d’une Histoire — l’entrée dans une nouvelle histoire

L’histoire se globalise et s’individualise à la fois : les individus peuvent s’inscrire dans une histoire mondiale, nationale, communautaire ou personnelle (il existe des « banques de mémoires » en ligne). Cela génère de nouveaux questionnements, de nouvelles méthodes.

C. Utiliser les données

Les plus anciennes bases de données existaient avant le Web, comme celle du père Busa sur Saint Thomas d’Aquin ou le Thésaurus Linguae Graecae, projets pionniers qui n’ont jamais été lancés par l’Université française mais par les Anglais ou les Américains. Maintenant des corpus très spécialisés sont mis en accès libre. On peut étudier la présence et l’évolution d’un thème, de personnages, de mots, travailler sur les variantes d’un texte, valider ou informer des hypothèses par des chiffres. Google books a numérisé 12 à 15 millions de livres. On peut mesurer des occurrences dans l’ensemble de ce corpus. On peut aussi élargir son corpus en faisant appel au réseau. Jusqu’ici, ces outils ont servi surtout aux linguistes, mais pas assez au débats historiques, anthropologiques, sociologiques. Il y a un risque à limiter les recherches en humanités numériques à de la quantification sans intérêt, alors que leurs développements peuvent conduire à une nouvelle Renaissance.

D. Le paradoxe des Big Data

La numérisation des données et la capacité de les traiter et de communiquer constitue un bouleversement. On connaît mieux les grands mouvements d’ensemble et conjointement chacun peut mieux connaître individuellement son passé ou son avenir. François Ewald parle de « grande révolution des données » dans des domaines divers : médecine (avec des études prédictives concernant l’ADN), industrie, marketing… On sait mieux aussi définir ce qui singularise chacun : quelles limites à donner à ces prédictions d’achat cernant de plus en plus près les individus ? Dominique Cardon, dans La Démocratie internet étudie les liens entre démocratie, données publiques et Web.

E. L’heure des SHS ?

La figure de l’intellectuel classique apparaît inadaptée et les Sciences humaines et sociales ont un rôle critique et constructif à jouer. Il faut étudier ce que nous allons faire de la massification des données aussi bien en biologie qu’en physique, en médecine ou dans les finances. Les SHS ne sont pas seulement un outil d’analyse de cette mutation, mais doivent être aussi l’objet de cette réflexion. C’est ici l’occasion d’un renouveau des humanités, pour faire face au déclin des disciplines si importantes comme la littérature, la philosophie, les langues anciennes. On a pu dire que l’expression Humanités numériques constituait un oxymore, mais c’est surtout une espérance.

F. Echanger, communiquer, travailler de manière collaborative

La mise en réseau est essentielle dans le Web2, et la recherche est profondément influencée par cette réalité pour diffuser les données, les stocker, travailler autrement, discuter des problèmes. D’où une démocratisation de la recherche, y compris hors des sphères enseignantes ou étudiantes : cette ouverture interactive, parfois critiquée, permet une circulation plus libre de la parole et du savoir, sur le modèle de Wikipedia. Il se produit un véritable renouvellement des disciplines, comme pour le Dante Project de Princeton. En histoire, on voit fleurir des archives participatives. Les Humanités numériques doivent permettre de se demander comment le numérique peut devenir un moyen d’émancipation et de démocratisation, avec l’open data et le web participatif qui créent une vraie communauté sans frontières. Il faut que les SHS s’inscrivent dans ce mouvement.

G. Nouvelles méthodes

Le Web est aussi en lui-même une donnée à investir : ses réalités constituent la vie sociale, qu’on peut observer et analyser. Il faut cependant prendre des distances avec l’abondance des données qui pourrait donner lieu à un quantitativisme excessif : le traitement des chiffres ne suffit pas, il ne faut pas abandonner à son profit la réflexion. Le web permet aussi un bouillonnement des idées. L’étude de la culture numérique familiale, l’examen des vidéos postées sur le net avant et après certaines tueries, le rôle du web dans les émeutes, la connexion des migrants entre eux sont autant d’objets d’études passionnants.

H. Une nouvelle économie scientifique

Les changements souhaitables pour s’adapter à l’ère numérique n’ont pas lieu à cause de problèmes institutionnels et financiers. Tout est modifié, notamment la façon de faire équipe. Le système actuel freine les chercheurs qui participent à la culture numérique en ne favorisant pas l’innovation. La fermeture disciplinaire est regrettable. Des universités mettent en place des centres de digital humanities aux Etats Unis et des réseaux autour de projets précis, qui développent des plateformes d’accès à des documents numériques de toutes sortes. En France c’est problématique.

I. Les conflits du numérique

Il y a un antagonisme entre ceux qui veulent ouvrir le système universitaire au numérique et ceux qui veulent le conserver tel qu’il est. Web designers, ingénieurs, programmeurs, doivent collaborer avec les chercheurs. Les enjeux sociaux sont importants : veut-on que les Big Data ne servent qu’au secteur privé pour le marketing ou aux groupes d’individus pour se construire en sujets de leurs existences ? Les Big Data peuvent être aussi bien un instrument de coercition qu’un instrument d’émancipation. Les chercheurs doivent réfléchir aux usages possibles du numérique dans la société. Les liens entre numérique et pouvoir sont très sensibles et méritent toute leur attention. Avec le numérique, il faut alors dépasser l’opposition entre intellectuels et professionnels : le chercheur en Humanités numériques n’est pas qu’un expert, il a un rôle politique en rendant accessible à tous ses études, en développant l’interconnaissance. En comprenant l’impératif numérique, l’apport des SHS à la vie de la Cité peut contribuer à changer le monde.

C. « La conscience disciplinaire, présentation d’un concept », Yves Reuter

1. Choix de l’article et cadre théorique

L’objectif de ce mémoire est de confronter les articles qui présentent les Humanités numériques à un concept didactique qui permette de discuter ensuite les problèmes liés à leur insertion dans l’enseignement secondaire. Le concept de conscience disciplinaire présenté par Yves Reuter qui est un sociologue de l’éducation semble à cet égard très opérant. C’est lui qui a défini la notion (on la voit apparaître dans ses propres publications en 2003) et cet article d’une douzaine de pages datant de 2007 en précise les contours. On voit qu’il s’inspire de nombreux travaux d’autres sociologues de l’éducation, comme M. Chambon, M. Brossard, B.Lahire, d’historiens de l’éducation comme A. Chervel ou de mémoires de master ayant eu pour objet l’étude de la représentation qu’avaient les élèves des différentes matières scolaires sur des publics très précis à partir d’enquêtes de terrain.

2. Synthèse de l’article

A Eléments pour une définition La conscience disciplinaire peut être définie par la façon dont les acteurs de l’école construisent les disciplines scolaires : aussi bien les élèves, les professeurs, les parents, les formateurs, l’inspection, et même les chercheurs… Il faut tenir compte de la diversité des formes que peuvent avoir ces représentations et leur plus ou moins grande clarté.

B Eléments de genèse Des élèves de primaire n’arrivaient pas à comprendre à quelle discipline se référaient certains cours ou contrôles, alors que c’était évident pour leurs enseignants, qui avaient du mal à admettre la réalité courante de ce flottement pour les enfants. Dans le secondaire, certains élèves n’arrivent pas trop à comprendre l’objet des cours de français, réduit parfois à une sorte de bavardage inutile. Y. Reuter a mis en lien ces constats avec des travaux de chercheurs (Colomb, Lautier, Jaubert) qui ont travaillé sur l’image des disciplines, en démontrant que la représentation que s’en font les élèves est essentielle. D’autre part, Y.Reuter a fait le constat des difficultés de transfert d’une compétence d’une discipline à l’autre (par ex la description utilisée en français et en maths). La représentation de l’écrit varie selon les disciplines (importante en français où le contenu semble secondaire, alors que l’écrit semble secondaire en maths où c’est le contenu qui prime.) Les travaux de M. Brossard montrent de leur côté que l’échec scolaire est lié aux variations de clarté des situations d’élèves face à des énoncés cloisonnés les uns par rapport aux autres dans leur vie scolaire, sans signification au-delà de la réalisation d’une consigne. L’organisation des enseignements par disciplines est-elle donc un frein ou une aide aux apprentissages ?

C Eléments pour une opérationnalisation méthodologique Yves Reuter a collecté des données à partir de questionnaires donnés à des élèves du CE1 à la première et à des enseignants.

D Premiers résultats

a. Variations de la conscience disciplinaire selon les disciplines Avant la sixième les matières ne sont pas très bien reconnues, en CM2 les élèves citent français, mathématiques, sport et langue. Les contenus des matières sont reconnus à partir de principes d’organisation qui leur sont propres (orthographe grammaire conjugaison, etc… en français ou opérations, mesures, géométrie,… en mathématiques) des activités ou des savoirs. Les objectifs des disciplines sont moins bien perçus que les contenus et leur mode de repérage est variable. On note des différenciations disciplinaires pour effectuer le même type de tâche (décrire en mathématiques n’est pas la même chose qu’en français). Et les matières semblent étanches les unes aux autres.

b. Variations de la conscience disciplinaire selon élèves et enseignement

On peut parler d’acculturation disciplinaire car plus on avance en âge, plus la conscience disciplinaire des élèves progresse. On peut établir un lien entre conscience disciplinaire et niveau scolaire, les bons élèves identifiant mieux les contenus, c’est aussi le cas pour les élèves appartenant aux milieux sociaux les plus favorisés. La conscience disciplinaire varie aussi selon les méthodes pédagogiques adoptées, les écoliers ayant suivi une méthode Freinet citent moins les disciplines officielles mais saisissent mieux les enjeux de leur travail.

E De quelques problèmes

a. Désignation et sens L’expression « conscience disciplinaire » peut poser problème car on n’est pas forcément très conscient de sa propre conscience disciplinaire, et on juge de sa pertinence en ayant des repères qui relèvent eux-mêmes d’une construction (celle des chercheurs, des inspecteurs, des instructions…) qu’il faut apprendre aussi relativiser.

b. Conscience disciplinaire/discipline La notion de discipline est complexe, et on peut retenir la notion de configuration disciplinaire pour parler des modes d’actualisation des disciplines, (prescriptions, recommandations, pratiques, représentations) selon les filières, les pays, les époques. Les disciplines existent dès l’école primaire et s’affirment de plus en plus dans le secondaire : l’acculturation disciplinaire semblerait être une des fonctions principales de la scolarité !

c. Problèmes méthodologiques Yves Reuter pointe les problèmes dûs à ses méthodes d’investigation, les déclarations sollicitées n’étant pas forcément révélatrices d’un vécu ordinaire, le mode de recueil s’avérant imparfait tout comme le traitement des données.

d. Les relations établies Il faut relativiser la relation entre niveau scolaire et conscience disciplinaire car les évaluations des élèves ont été sommaires et il faut aussi tenir compte de ce que le chercheur estime lui-même crucial.

F La conscience disciplinaire, intérêts en didactique et en didactique comparée

a. Le projet de connaissance des didactiques et de la didactique comparée

Les didactiques sont les disciplines de recherche qui analysent des objets d’enseignement et d’apprentissage, se référant à des disciplines scolaires. La didactique comparée permet de comparer les disciplines scolaires et de construire des outils communs qui permettent de voir à la fois les orientations similaires et les spécificités des disciplines.

b. Conscience disciplinaire et appareillage conceptuel des didactiques. La conscience disciplinaire participe à l’appareillage conceptuel des didactiques, déterminant leur identité. Il faut toujours prendre en compte les représentations d’ensemble des disciplines quand on étudie la relation des acteurs à certaines pratiques. Il ne faut pas étudier un objet précis sans voir la façon dont il s’insère dans un ensemble disciplinaire.

c. Conscience disciplinaire et outillage méthodologique On peut organiser la comparaison des disciplines autour de trois axes : premièrement les variations des représentations, deuxièmement les variations disciplinaires sur le plan des prescriptions, des recommandations et des pratiques, et enfin l’appréhension des pratiques car les déclarations des gens permettent d’avoir une idée de leurs pratiques.

G Conscience disciplinaire et instrumentation heuristique

a. Le paradoxe des modes de repérage. L’idée était que les meilleurs élèves, a priori, devaient savoir mieux définir une discipline d’après son contenu, or, pas du tout, ils ont mieux su la définir par sa dimension matérielle (supports, outils…)

b. Modes d’enseignement et conscience disciplinaire La pédagogie Freinet qui ne découpe pas les matières de façon aussi académique facilite-t-elle les apprentissages et la poursuite d’étude au collège ? L’éducation civique, en termes de conscience disciplinaire, n’est pas très bien identifiée et pourtant les activités qui y sont liées sont appréciables.

c. Les sources de construction de la conscience disciplinaire Deux directions sont explorées : les pratiques extrascolaires et la conscience disciplinaire des familles.

II Une problématique utile en situation de formation

A. Créer une formation en ICN (Informatique et Création Numérique) commune à des champs disciplinaires différents

a. Présentation de la situation de formation et des problématiques rencontrées

L’enseignement d’exploration ICN[6] — informatique et création numérique- est pour l’instant lancé de façon expérimentale dans une série de lycées, à destination des élèves de seconde. Il se développe également en première cette année, et en terminale l’année prochaine, dans quelques-uns des établissements qui l’ont introduit en classe de seconde sous la forme d’une option[7]. L’originalité de l’option est de s’adresser non pas aux classes scientifiques mais aux bacs L et ES. Les professeurs qui choisissent d’intervenir dans cette option peuvent appartenir à différentes disciplines. C’est un enseignement qui est appelé à se développer. Il faut monter une formation d’enseignants. Dans mon lycée, j’enseigne l’ICN en seconde avec une collègue de mathématiques, à part égale, et j’ai été appelée par Daniel Guillaume, IPR de lettres, à participer au montage d’une formation interdisciplinaire, car dans l’académie de Créteil l’accent a été vraiment mis sur l’aspect pluridisciplinaire de cette option.

Avec une collègue, professeure d’économie-gestion, Catherine Jeannin, j’ai eu la chance de participer à un Plan National de Formation à Poitiers, qui lançait en quelque sorte la nouvelle option ICN, en se fondant sur les premiers bilans de l’enseignement d’exploration en seconde. J’ai été assez surprise de constater que nous n’étions que trois professeurs de lettres, une professeure d’arts plastiques, un ou deux professeurs de langue, sur la foule d’enseignants présents, qui étaient pratiquement tous professeurs d’ISN de longue date, enseignant à l’origine en mathématiques ou dans des matières technologiques en majorité. Nous tentions de discuter avec eux, mais malgré un discours général ouvert à toutes les matières, l’ouverture promise semblait à ma grande surprise beaucoup plus relative dans les faits, voire presque uniquement théorique. Lorsque j’interrogeai la responsable de la commission qui avait écrit le programme d’ICN sur la véritable place que des professeurs issus de matières plus littéraires, comme moi, pouvaient avoir, la réponse fut assez sèche, on me répondit que de toute façon, il fallait savoir programmer. Je me demandais même si plutôt qu’une véritable réflexion sur les enjeux et la nature des Humanités Numériques, il ne se jouait pas là une sorte de guerre d’influence politique entre matières, qui me dépassait complètement. Plutôt qu’une véritable ouverture numérique aux sections ES et L, j’ai perçu ce stage comme une sorte de conseil de résistance pour garder ou conquérir des heures d’enseignement sans forcément beaucoup s’interroger sur la façon dont on pouvait proposer des choses adaptées à un nouveau public, moins scientifique, ni sur la manière d’enrôler les enseignants des autres matières. Heureusement, j’ai pu assister à quelques ateliers qui tentaient d’aborder la question, et j’ai rencontré notamment une professeure d’histoire-géographie qui avait étudié avec un professeur d’informatique la fréquentation des gares, pour faire avec leurs élèves toute une étude statistique. Mais à table, invariablement, avec ma collègue, nous nous trouvions au milieu de professeurs d’informatique qui parlaient de programmer des robots ou des jeux de tennis, un peu loin de la notion d’Humanités numériques, indifférents à notre profil moins technique.

Cependant, motivée très tôt par l’idée que les professeurs de lettres doivent s’investir dans l’ICN, ayant pris position à ce sujet sur un blog personnel dans un article[8] qui avait été beaucoup partagé (notamment dans le Café pédagogique[9]), je n’ai pas pris à la légère les propos de la responsable de la commission qui avait conçu les programmes d’ICN, et malgré son ton assez peu chaleureux et engageant, j’ai trouvé une formation en Humanités numériques qui m’a semblé adaptée à l’EPHE, accessible aux auditeurs libres, moyennant quelques droits d’inscription. Je n’ai pas pu participer à tous les cours auxquels j’aurais aimé aller, mais j’ai pratiquement pu assister à tout le cycle de cours donnés par l’une des plus grandes spécialistes internationales de la programmation TEI, Elena Pierrazzo, spécialiste à l’origine de la littérature italienne de la Renaissance. Je considère, à titre personnel, qu’il faut en effet que le professeur de matières littéraires se forme s’il veut s’investir dans l’enseignement d’ICN. Depuis, je suis également des formations en ligne pour apprendre à programmer. J’ai choisi un langage, le javascript. J’accompagne les élèves en ayant seulement quelques heures d’avance sur eux dans les TD et c’est passionnant, car je vis les mêmes problèmes qu’eux au même moment, pratiquement.

Par chance, dans l’académie de Créteil, nous ne sommes pas du tout soumis au même état d’esprit que le PNF dont j’étais sortie assez découragée, et dès le départ, un comité réunissant des IPR et des formateurs de matières très diverses (éco-gestion, lettres, mathématiques, technologie) a pu se réunir et réfléchir à la création d’une formation au Plan Académique de Formation, concernant l’ICN. J’ai même été chargée d’en concevoir le planning, avant qu’on se réunisse pour rediscuter de la formation. Très vite un problème est apparu pour monter la formation : ne s’y sont inscrits que des enseignants déjà experts en ISN. Comment faire pour que ceux-ci s’ouvrent à ce que peuvent être réellement les Humanités numériques ? Et comment faire pour attirer aussi les professeurs des matières plus artistiques et littéraires vers l’ICN ?

b. Présenter les Humanités Numériques et dépasser les consciences disciplinaires

Face à ces problématiques, le fait de donner une meilleure connaissance à chacun –professeurs scientifiques et informaticiens d’origine, comme aux professeurs appartenant à des champs disciplinaires plus artistiques ou littéraires — de ce que sont en réalité les Humanités numériques est une bonne piste. Je prépare une partie de la formation du plan académique avec une collègue d’économie-gestion, qui vient du monde de l’entreprise et qui est titularisée cette année : l’idée de former des binômes de formateurs issus de disciplines variées a été émise par les inspecteurs et peut favoriser la naissance de cet esprit transdisciplinaire que nous aimerions créer pour l’option. Avec Catherine Jeannin, nous travaillons en bonne entente et nous allons montrer bien sûr aux collègues, de façon très pratique, ce que nous faisons concrètement avec nos élèves, mais je prévois aussi une présentation un peu plus générale des Humanités numériques, sous la forme d’un diaporama, qui pourra être nourrie des articles de Milad Doueihi et du petit essai de Michel Wieviorka.

On pourra notamment reprendre des éléments sur l’histoire des Humanités Numériques, avec les exemples précis donnés par Milad Doueihi, (autour du père Busa ou de la machine de Turing) : le philosophe démontre combien les premiers travaux en Humanités numériques ont demandé une collaboration entre des spécialistes du code et des universitaires de disciplines variées pour former des équipes mixtes. C’est aussi ce que démontre Michel Wieviorka : il donne lui aussi quelques exemples intéressants comme le Dante Project. Je pense ajouter à ces exemples d’autres exemples que j’ai rencontrés dans les cours d’Elena Pierazzo à l’EPHE, qui sont vraiment très intéressants, comme le site autour de Beckett, qui comprend la numérisation de toute sa bibliothèque annotée de sa main et enrichie avec des repères renvoyant à toutes les références à son œuvre. Le site autour de Jane Austen[10] pourra être cité également ou The Parker Library[11]. Le site « Voyant Tools »[12] est aussi un site magnifique pour montrer aux enseignants l’utilité des statistiques lexicales dans l’étude des textes : imiter ce genre de projet grâce à la programmation (plus modestement) permet d’associer à merveille professeur d’informatique et professeur de matière littéraire. On pourra insister sur la convergence des discours de Doueihi et Wierviorka : ce dernier affirme en conclusion de son essai que Web designers, ingénieurs, programmeurs, doivent collaborer avec les chercheurs, c’est exactement ce que pense Milad Doueihi également.

Il nous faut créer, je le pense très sincèrement, une sorte de culture commune des Humanités numériques, et cela passe aussi par le fait de raconter leur histoire, de la fixer dans l’évolution de la recherche et des disciplines. En tant que formateurs, cette responsabilité nous revient en partie. Yves Reuter insiste d’ailleurs sur le fait que pour créer une conscience disciplinaire, les recommandations des formateurs sont des éléments importants, parmi d’autres, qui fondent les repères des enseignants.

Nous pourrions discuter des possibilités concrètes de transposer dans le secondaire ce modèle d’équipes transdisciplinaires, qui tend à se multiplier dans le supérieur, avec la possibilité de développer les interventions multiples en ICN. Chacun des enseignants présents pourrait chercher, dans son établissement, un collègue appartenant à une autre discipline pour intervenir, au moins de façon ponctuelle, en ICN. On demandera à chacun des enseignants du stage de cibler quelques collègues de son établissement, appartenant à une autre matière, auxquels il pourrait s’adresser pour lui montrer des types de projets faisables avec les élèves qu’il serait préférable de mener en équipe. Je suis en train de créer une banque de projets ICN sur Padlet[13], qui permettra de proposer des projets assez divers. Un collègue de l’académie de Grenoble a par exemple créé un projet de création de littérature numérique en imitant les œuvres[14] de Serge Bouchardon[15]. Le projet de collaboration entre un collègue de géographie et un collègue d’informatique autour de la géomatique[16] pourra être aussi valorisé. Si les collègues présents sont assez nombreux, nous pourrions créer également au sein de la formation PAF des couples de professeurs provenant de matières diverses (dont au moins un à l’aise en programmation) afin qu’ils puissent se projeter dans des projets communs.

Le concept de conscience disciplinaire, dans le cadre de cet encouragement à la collaboration transdisciplinaire, avec la formation ICN, pourra être abordé dans un second temps, chacun des intervenants faisant une liste de ce qui constitue pour lui un frein à ce travail en équipe, mais aussi ce qui, dans la conscience qu’il a de sa discipline, peut être un atout. J’ai essayé de penser en amont à ce que pourraient donner les réponses des enseignants.

Bien sûr, le tableau qui précède n’est qu’une projection de ce que les professeurs pourraient répondre : nous y avons repris des concepts de l’article d’Yves Reuter, comme l’expression « configuration disciplinaire », la structure mettant en parallèle les contenus et la dimension matérielle. Nous pourrons réviser la composition de ce tableau, le compléter, en fonction de ce que pourraient répondre les collègues.

L’idée de noter des freins et des atouts permet d’obtenir une vision assez nuancée des choses, ni trop idéaliste, ni trop pessimiste, surtout si au cours de la formation, on rassemble les idées de l’ensemble des collègues pour former un tableau synthétique à partir de leurs idées. Et surtout c’est une façon de construire ensemble une nouvelle « conscience transdisciplinaire », encore inexistante, celle des Humanités numériques : en l’écrivant, nous l’inventons ensemble, en cernant ainsi certains de ses contours.

Les articles de Milad Doueihi et de Michel Wieviorka nous aideront également à souligner les enjeux sociétaux de l’introduction des Humanités numériques dans notre enseignement. Pour notre société, est-ce bien raisonnable de concevoir le numérique en opposition avec le champ du littéraire, qui resterait celui, moyenâgeux, de la plume d’oie à peine améliorée, tandis que la maîtrise des écrans serait le domaine des scientifiques, ceux qui ont un bac S ou STI? La maîtrise du langage informatique est maintenant une nouvelle base fondamentale de l’expression de tout individu: savoir programmer, ce sera savoir s’émanciper des systèmes et des modèles qu’on nous impose. Cela permettrait aussi d’espérer savoir se libérer de sociétés multinationales qui contrôlent tout des nouvelles formes que nous donnons à nos créations sur la toile. Michel Wieviorka insiste beaucoup sur la nécessité de ne pas laisser aux entreprises privées la maîtrise des big data. C’est aussi la conclusion des ouvrages de Dominique Cardon, qu’il cite dans son essai, et que j’ai lus dans le cadre de la préparation de ma thèse: La démocratie internet[17] ou plus récemment A quoi rêvent les algorithmes[18] ? La libre expression des auteurs et des artistes de demain dépend bien de cette maîtrise du langage informatique. Cela vaut donc la peine de sortir de nos zones de confort pour dépasser nos identités disciplinaires d’origine. Je pourrai aussi expliquer comment, à titre personnel, je me suis lancée dans une recherche universitaire qui allie littérature et numérique. Ma thèse porte sur les réseaux romanesques à l’ère des réseaux sociaux numériques[19], et j’ai l’intention d’appliquer des outils d’analyse de réseaux (les sociogrammes) aux romans, pour décrire les relations des personnages entre eux.

Mais pour changer plus profondément les consciences disciplinaires, il me semble que s’adresser aux enseignants enseignant en ICN, a priori déjà convaincus par les Humanités numériques, n’est pas suffisant. Voilà pourquoi je suis pour l’introduction du concept dans les formations disciplinaires de lettres auxquelles je participe.

B. Comment intégrer les Humanités Numériques aux formations disciplinaires de lettres ?

1. Problématique et contexte liés à ce type de formation : les stages « revivifier la séquence au lycée » et « Dynamiser la lecture d’œuvres intégrales au collège et au lycée. »

Jusqu’à présent, le numérique en lettres faisait l’objet de formations spécifiques dans le Plan Académique de Formation. C’est d’ailleurs toujours un objet de formation qui a tout à fait son intérêt, sa place, et cette formation est assurée par des collègues chevronnées. Nous avons cependant intérêt, maintenant que les outils et les usages du numérique sont davantage répandus, à introduire parallèlement, au sein des autres types de formations disciplinaires non spécifiquement consacrées aux TICE une véritable sensibilisation au numérique. C’est ce que me permet ce statut de formatrice académique, polyvalent.

J’interviens notamment dans deux stages : « revivifier les séquences au lycée » et « dynamiser la lecture d’œuvres intégrales au collège et au lycée » (stage dont je suis la responsable opérationnelle). Une même volonté anime ces deux formations : celle de « revivifier » ou « dynamiser » et les collègues qui s’y inscrivent ont envie de découvrir des ressources nouvelles. C’est pourquoi j’en profite pour leur faire découvrir les Humanités numériques, et notamment la littérature numérique. Comment intégrer ces découvertes à leurs pratiques de classes ? Je ne présenterai pas ici le déroulé intégral de ces stages, que je mène avec d’autres collègues formatrices, mais spécifiquement la façon dont j’y intègre une culture numérique disciplinaire. Notre rôle assez prescripteur de formateur nous permet de faciliter l’entrée des Humanités numériques dans les consciences disciplinaires des professeurs de lettres. En tant que militante des Humanités numériques, j’essaie de mettre régulièrement dans le descriptif de mes élèves de première des œuvres appartenant à la littérature numérique, que l’on commente au même titre que les textes traditionnels. J’ai publié ensuite plusieurs de ces scénarios pédagogiques sur le site académique : l’un à partir des œuvres sonores en ligne[20] de Jean-Charles Massera, un autre sur Déprise[21] de Serge Bouchardon, et une autour d’Orgesticulanismus[22] de Mathieu Labaye. Bien sûr, on se heurte à un certain nombre de difficultés quand on prend ce genre d’initiative innovante, et j’ai eu l’occasion d’écrire un bilan de l’ensemble de ces expériences dans les Cahiers pédagogiques, dans un numéro spécial « Littérature et numérique », avec un article intitulé « Mais là, on sort un peu du cadre, non ? »[23] Mais on peut aussi étudier des œuvres traditionnelles avec des supports numériques.

Récemment, je viens de faire toute une étude regroupant l’analyse de 14 scénarios pédagogiques –dont certains des miens- venant de toute la France, autour de lectures d’œuvres complètes au lycée, utilisant le numérique comme support original de « lecture créative », pour un colloque à Grenoble sur « L’enseignement de la littérature avec le numérique »[24]. Cette communication- conforme aux standards des publications scientifiques universitaires, s’inscrivant dans un cadre théorique- sera publiée prochainement. Bien sûr, je montre, au cours des stages auxquels je participe, la plupart des scénarios étudiés, et ils illustrent tout à fait ce que peuvent dire Milad Doueihi ou Michel Wieviorka du travail collaboratif, en réseau, facilité par le numérique. Une page Padlet regroupe les projets pris en compte dans l’étude, qu’on peut ainsi facilement retrouver[25].

On remarquera qu’un bon nombre de ces projets figurent aussi sur les Padlets des deux stages[26] que j’évoque ici : je prends soin de laisser à disposition des collègues en formation un grand nombre de ressources en ligne.

2. Comment utiliser les articles de Milad Doueihi, Michel Wierviorka et Yves Reuter dans ce contexte de formation ?

J’imagine préparer une sorte de test de « niveau de conscience transdisciplinaire en Humanités numériques », façon QCM, en m’inspirant de ces articles pour sonder la culture du public en formation, et partir de leur niveau. L’idée est que l’aspect « test de personnalité » les divertisse un peu mais qu’en discutant ensuite des différentes réponses, ils puissent progressivement renforcer leur culture en Humanités numériques. On pourra imaginer utiliser Plickers[27] pour obtenir une projection au tableau de l’ensemble de leurs réponses: cela permet aussi à ceux qui ne connaissent pas Plickers de découvrir cet outil qu’ils peuvent ensuite utiliser avec leurs élèves.

Voici différentes questions que j’imagine leur poser :

A A votre avis, qu’est-ce que l’Index Thomisticus de Roberto Busa ?

a. La table de matières de l’œuvre de Thomas d’Aquin, réalisée au Moyen-Age

b. La première numérisation de pages d’un manuscrit médiéval

c. Le premier travail de philologie assistée par ordinateur grâce à un Jésuite qui a collaboré avec IBM

Je leur montrerai ensuite à ce propos des exemples de numérisations de livres comme la bibliothèque de Beckett[28], mais aussi l’expérience de Busa avec les photos de cette expérience.

B. En 1950, Alan Turing, un des fondateurs de l’informatique, décrit une machine dite « intelligente ». Comment l’imaginez-vous ?

a. Limitée, la machine ne peut qu’appliquer ce que lui imposent les humains, qui la programment.

b. Elle peut aussi dépasser l’homme, apprendre et produire de nouveaux savoirs.

c. Cette machine dystopique est une menace, qui va remplacer l’homme et marque le début de la décadence de notre civilisation.

Au moment de la discussion autour de leurs réponses, je peux leur présenter Déprise[29] de Serge Bouchardon, qui permet de travailler sur le rapport de l’homme et de la machine.

C. Que représentent pour vous les Big Data ? (« les grandes données »)

a. Un outil d’analyse intéressant dont même les littéraires peuvent s’emparer

b. Un danger car elles permettent d’espionner les individus à leur insu

c. Un matériau pour les statisticiens, qui concerne les SES, les mathématiques ou l’histoire-géographie, mais pas les lettres.

Suite à cette question, l’idée sera de montrer aux enseignants qu’un texte peut être lui-même qualifié de « big data », qu’on peut étudier sous une forme statistique, comme le montre le site « Voyant Tools ». Si nous sommes en salle informatique, les stagiaires pourront eux-mêmes tester l’étude d’un petit corpus.

Voici une image créée à partir de mon mémoire de master : on y voit par exemple que j’ai beaucoup plus employé le mot « Cendrillon »- utilisé 174 fois- en début de mémoire qu’à la fin. Ce site est très interactif, on peut commander l’affichage des autres mini-écrans en cliquant sur l’un d’eux. J’ai obtenu la courbe de droite concernant l’évolution de « Cendrillon » en cliquant sur ce mot dans le nuage de gauche.

D. A votre avis, combien de livres sont numérisés sur Google Books ?

a. 15 millions de livres

b. 150 000 livres

c. 15 000 livres

d. 1 500 livres

Après avoir discuté des réponses (la bonne, citée dans l’article de Michel Wieviorka est de 15 millions) avec les collègues, nous pourrions consulter Gallica, ou bien d’autres plateformes de livres disponibles en ligne comme la remarquable LivresESC qui retrace les évolutions historiques des formes du livre[30]. Et nous pourrions découvrir ensuite, comment avec des élèves nous pouvons éditer un texte d’auteur classique disponible sur internet, par exemple en créant avec une classe un « Petit classique » sur un support numérique, pour lequel les collégiens ou les lycéens créent les explications de vocabulaire, les questions, les illustrations, comme ce que j’ai fait autour de la pièce de Marivaux Le préjugé vaincu avec des élèves de seconde[31].

E. Quel est votre point de vue sur le partage de travaux littéraires (scolaires ou résultant d’une recherche universitaire) sur internet ?

a. La libre circulation des travaux littéraires permet une démocratisation de la recherche, qui permet un renouvellement de notre discipline.

b. La libre circulation de travaux littéraires favorise le copier-coller et la triche des élèves.

c. La libre circulation des travaux littéraires est un problème en termes de protection des droits d’auteur.

Comme le thème du copier-coller amène très souvent les conversations entre enseignants sur le thème de Wikipedia, nous en profiterons pour opposer différents points de vues de professeurs de lettres sur le sujet, avec Loys Bonod qui a piégé ses élèves sur internet en créant une page Wikipedia erronée sur un auteur inconnu[32], ou un autre enseignant, Yann Houry, très critique envers le premier[33] qui au contraire utilise Vikidia[34], sur le modèle de Wikipedia pour faire rédiger des articles en ligne par ses élèves. On peut voir même que parfois les articles rédigés par les élèves sur Vikidia sont meilleurs que ceux de Wikipedia, comme celui sur le Bon gros géant, de Roald Dahl.

Mon idée est de partir de l’idée préconçue de beaucoup de professeurs qui est souvent la condamnation sans partage de Wikipedia, avant d’espérer les faire changer d’avis, considérant que cela peut devenir aussi un formidable outil pédagogique. Je rejoins le point de vue de Milad Doueihi qui affirmait en 2011 dans Pour un Humanisme numérique: « Avec le numérique la lecture se transforme en un partage primordial ». Michel Wieviorka préfère aussi favoriser la libre circulation du savoir qui permet de développer l’interconnaissance. Je tenterais bien aussi de dé-diaboliser le copier-coller -sans faire l’éloge du plagiat- pour montrer qu’il peut être aussi une source importante de création et de circulation des savoirs.

F. Pour vous quels sont les liens entre les Humanités classiques et les Humanités numériques ?

a. Elles s’opposent : les premières disparaissent alors que les secondes s’imposent.

b. Les Humanités numériques permettent le renouveau de la culture classique.

c. Il n’y pas vraiment de liens entre ces deux sphères qui sont imperméables l’une à l’autre.

Il s’agit là encore de reprendre d’une certaine façon le point de vue de Michel Wieviorka ou de Milad Doueihi, ce dernier affirmant d’ailleurs, dans Pour un Humanisme numérique que « La culture numérique, dans sa dimension anthologique, inaugure la renaissance du lecteur.”[35] Nous pourrions montrer aux collègues en formation quelques-uns des projets que j’ai pu rencontrer à l’EPHE avec les chercheurs en langues anciennes : « les florilèges prosodiques et la transmission des poètes latins au Moyen-Age », par Angela Cossu[36], « Comparer les normes d’écriture des lettres paléo-babyloniennes » par Marine Béranger[37], « Manuscripta medica », par Colette Dufossé[38], ou « le corpus numérique de la cachette de Karnak »[39] par des Egyptologues sous la direction de Laurent Coulon. Mais, bien sûr, même s’il nous semble intéressant de regarder l’évolution de la recherche universitaire, nous examinerons aussi et surtout des projets menés en collège en latin par des collègues de lettres classiques, comme celui de Laure Theoden, membre du GREID lettres, autour du personnage de Caligula[40], ou bien les expériences de tweets en latin par Delphine Regnard à Mantes-la-Jolie[41].

Cette expérience du test de « niveau de conscience transdisciplinaire d’Humanités numériques » est donc un prétexte pour essayer d’ouvrir les collègues à cette nouvelle forme de culture. Mais au cours de ces stages, ce ne sont bien sûr pas les seuls exemples d’activités menées avec le numérique que je partage, et j’essaie aussi de leur faire manipuler des outils informatiques simples comme le Padlet qui favorise l’écriture collaborative. L’ensemble des activités menées pendant ces stages se retrouve sur les Padlets déjà cités, et je n’ai pas la place de les développer ici.

L’ouverture à une culture transdisciplinaire peut avoir lieu s’il se crée, au sein de l’Education Nationale, de nouveaux espaces pour créer et penser une véritable pédagogie et une didactique des Humanités Numériques. C’est justement la fonction des GREID Humanités Numériques qui se sont créés à Créteil cette année. Je me suis portée volontaire pour appartenir à l’un d’eux.

C. Quels objectifs pour les GREID « Humanités Numériques » ?

Pour l’instant, une seule rencontre de ce nouveau groupe pluridisciplinaire a eu lieu, je n’étais pas disponible malheureusement car la date prévue tombait sur celle d’une formation que je devais assurer. Il est donc un peu tôt pour faire un bilan réel du travail de ce groupe. J’appartiens depuis une dizaine d’années au GREID de lettres, et il m’a paru naturel de m’investir dans les Humanités Numériques. J’ai intégré le groupe piloté par Vincent Audebert, qui, dans un premier temps a répondu à un appel d’offre, une commande, liée aux « Savanturiers » pour la production d’un carnet numérique d’élève chercheur. Dans un deuxième temps, un partenariat est prévu autour d’un projet avec le labex OBVIL (Paris IV), en collaboration avec metaLAB de l’université d’Harvard et en partenariat avec Les Savanturiers (CRI), la Bibliothèque nationale de France, l’INA (Institut national de l’audiovisuel), la bibliothèque littéraire Jacques Doucet et le Musée Curie. Ce projet se construit autour des « Mémoires d’Apollinaire et de Marie Curie », et c’est un projet de collection multimédiale d’archives[42]. Nous servirons de relais pour que ce projet ait des applications scolaires. Quand on voit combien ces projets lient l’enseignement supérieur, l’enseignement secondaire, et même primaire, car les Savanturiers sont présents dès l’école primaire, on comprend bien l’esprit des Humanités numériques tel qu’il est présenté dans l’article de Milad Doueihi et de Michel Wieviorka : dans un esprit collaboratif, qui favorise la circulation démocratique des connaissances. Avec la création de pareils groupes, qui en sont encore à leurs balbutiements, et qui sont pour le moment difficiles à conduire car ils se surajoutent à d’autres GREID existants, pour lesquels nous devons déjà travailler, un grand pas symbolique me semble fait. Alors que Michel Wieviorka déplore en effet que notre système universitaire français soit trop cloisonné en systèmes disciplinaires étanches les uns par rapport aux autres, nous avons là la création institutionnelle d’un groupe qui permet la collaboration transdisciplinaire.

Pour l’instant, ce groupe a été constitué de façon presque artificielle pour répondre de façon urgente à une commande, très matérielle, même si c’est un mode de travail très concret à mettre en œuvre pour démarrer : la demande m’a semblé un peu verticale, dirigée de l’enseignement supérieur vers le secondaire, alors que si l’on établit une collaboration, même si son aspect utilitaire n’est pas déshonorant, il faut lui donner les moyens d’exister dans les deux sens. Cette façon de commencer a peut-être été un peu abrupte, et il serait pertinent qu’un tel groupe se ménage aussi des temps de réflexion plus profonds: il nous serait nécessaire de réfléchir sur la façon dont les Humanités Numériques pourraient s’insérer dans l’enseignement secondaire comme une entité transdisciplinaire qui s’affirme de plus en plus, et que les enseignants ordinaires, pas seulement ceux du GREID susnommé pourraient identifier. Ce sont les journées académiques qui permettent pour l’instant de développer un peu cette réflexion, en ouvrant un espace de dialogue entre le supérieur et le secondaire : les « doctoriales » ou le séminaire « Humanités numériques » sont un cadre privilégié qui permet à des enseignants d’horizons divers d’entrevoir l’esprit d’échange et de collaboration propre à ce nouveau milieu de développement de nos connaissances. J’attends beaucoup de l’évolution du dispositif des GREID « Humanités numériques » et je suis vraiment prête à m’y investir de façon conséquente, car je pense résolument que c’est l’avenir : il favorise une pédagogie de projet, qui a du sens pour les élèves, il perturbe peut-être nos consciences disciplinaires traditionnelles d’enseignants formatés, mais crée un mouvement salutaire des intelligences vers ce qui peut être réellement une nouvelle Renaissance.

Conclusion générale :

Milad Doueihi, Michel Wieviorka et Yves Reuter nous ont permis de confronter le concept d’Humanités numériques à celui de conscience disciplinaire. Nous avons pu grâce à eux enrichir nos interventions en formation interdisciplinaire dans le cadre du nouvel enseignement d’ICN, ou en formation disciplinaire dans le cadre de différents stages de lettres au plan académique: l’objectif était de favoriser l’émergence d’une sorte de conscience transdisciplinaire des Humanités numériques. L’heure est venue pour les disciplines cloisonnées de l’enseignement secondaire de davantage collaborer : c’est déjà le cas avec les TPE au lycée et maintenant avec les EPI au collège. La création des GREID d’Humanités numériques est aussi une étape importante et symbolique de cette évolution. Et si nous envisageons les choses de façon prospective, les Humanités numériques devraient accentuer logiquement au fil des années ce mouvement de collaboration des matières autour de projets fédérateurs, si aucune logique politique conservatrice ne cherche toutefois à s’y opposer.

Avec les Humanités numériques, nous sommes vraiment à l’aube d’une nouvelle ère, et c’est très exaltant d’en prendre conscience. Tout est à repenser, même nos façons de concevoir l’enseignement de nos propres matières. Le formateur académique, dans un tel moment-clé de l’histoire pédagogique et didactique n’a donc pas seulement le rôle de la courroie de transmission d’un modèle d’enseignement immémorial : il est aussi un inventeur, avec ses collègues professeurs du secondaire, ses élèves, mais aussi le regard tourné vers la recherche et l’enseignement supérieur. Et tous ensemble, nous dessinons les contours d’un nouveau mode de fonctionnement des disciplines, qui sera peut-être aussi -soyons idéalistes- un nouveau modèle de société, plus démocratique, favorisant la libre circulation des connaissances, et tourné vers la collaboration entre personnes différentes.

Bibliographie et sitographie:

A. Les articles étudiés :

-Milad Doueihi, “Quelles humanités numériques?”, Revue Critique, 2015/8, n°819–820, éditions de Minuit, https://www.cairn.info/revue-critique-2015-8-page-704.htm#no1

- Michel Wieviorka, L’impératif numérique, Paris, CNRS éditions; 2013

- Yves Reuter « La conscience disciplinaire », Education et didactique, volume 1, n°2, septembre 2007 https://educationdidactique.revues.org/175

B. Les essais cités :

-Collectif, Read/Write Book. Le livre inscriptible, Paris, Cléo, 2010

- Collectif, Read/Write Book 2. Une introduction aux humanités numériques, Paris, Cléo, 2012

-Dominique Cardon, La démocratie internet, Promesses et limites, Seuil, coll. « La république des idées », 2010

- Dominique Cardon, À quoi rêvent les algorithmes. Nos vies à l’heure des big data, Paris, Seuil, « La République des idées », 2015

- Milad Doueihi, Pour un Humanisme numérique, Paris, Seuil, 2011

- Raffaele Simone, Pris dans la toile, L’esprit au temps du web, Paris, Gallimard, 2012

C. Sitographie littéraire ou scientifique :

- Samuel Beckett, Digital Manuscript Project, http://www.beckettarchive.org/ consulté le 16/04/2017

- Serge Bouchardon, Déprise, 2010 http://www.utc.fr/~bouchard/works/Deprise.html consulté le 16/04/2017

- Bibliothèque en ligne LivresESC : http://my.yoolib.com/bubljdlec/cadres/principes/ consulté le 16/04/2017 consulté le 16/04/2017

- Groupe de recherche en littératie multimodale, Colloque international : « L’enseignement de la littérature avec le numérique », 7 et 8 mars 2016 : http://litmedmod.ca/grenoble consulté le 16/04/2017 consulté le 16/04/2017

- Observatoire de la Vie littéraire, (labex Obvil) « Mémoires d’Apollinaire/Marie Curie », http://obvil.paris-sorbonne.fr/projets/memoires-apollinaire-marie-curie, consulté le 16/04/2017

- Standford University et Corpus Christi College (Cambridge) , Parker Library on the web, https://parkerweb.stanford.edu/parker/actions/page_turner.do?ms_no=26 Consulté le 16/04/2017

- Kathryn Sutherland, Elena Pierazzo, Jane Austen’s fiction manuscripts, Université d’Oxford, http://www.janeausten.ac.uk/edition/citation-policy.html Consulté le 16/04/2017

- « Voyants Tools » (Application de lexicométrie) https://voyant-tools.org/ consulté le 16/04/2017

D. Sitographie pédagogique :

- AFP, « Un professeur de lettres piège ses élèves qui recopient sur internet », Libération, 23 mars 2012. http://www.liberation.fr/societe/2012/03/23/un-prof-de-lettres-piege-ses-eleves-qui-recopient-sur-internet_805366 consulté le 16/04/2017

- Bulletin officiel, Programme d’ICN en seconde : http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=91849 consulté le 16/04/2017

- Bulletin officiel. Programme d’ICN en première et terminale : http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=104657 consulté le 16/04/2017

- Françoise Cahen, « J’te dérange ? Non, non… » sur le site académique de lettres de Créteil: http://lettres.ac-creteil.fr/spip.php?article1948 consulté le 16/04/2017

- Françoise Cahen « L’homme d’aujourd’hui en question : littérature numérique et art contemporain » sur le site académique de lettres de Créteil : http://lettres.ac-creteil.fr/spip.php?article1981 consulté le 16/04/2017

- Françoise Cahen « La question des personnes en situation de handicap : une séquence intégrant le numérique » sur le site académique de lettres de Créteil : http://lettres.ac-creteil.fr/spip.php?article1969 consulté le 16/04/2017

- Françoise Cahen « Mais là, on sort un peu du cadre, non ? » dans Les Cahiers pédagogiques, « Littérature et numérique » Hors série n°42, mars 2016 http://www.cahiers-pedagogiques.com/Litterature-et-numerique consulté le 16/04/2017

- Françoise Cahen, « Un petit classique interactif avec Didapages », site académique de lettres de Créteil : http://lettres.ac-creteil.fr/spip.php?article1893 consulté le 16/04/2017

- Françoise Cahen « Pourquoi les lettres ne doivent pas manquer l’ICN », L’aventure d’enseigner , février 2016 http://fcahen.neowordpress.fr/2016/01/30/pourquoi-les-lettres-ne-doivent-pas-manquer-licn/ consulté le 16/04/2017

- Canopé Dijon, « Evaluer ses élèves avec Plickers »: http://www.cndp.fr/crdp-dijon/Evaluer-les-eleves-avec-Plickers.html consulté le 16/04/2017

- Yann Houry, « Apprendre à écrire un article pour Vikidia », Développez.com, 17 octobre 2016, https://open-source.developpez.com/tutoriels/vikidia/apprendre-ecrire-article/ consulté le 16/04/2017

- Yann Houry, « Pour en finir avec le pourrisseur du Web », Ralentir travaux: http://www.ralentirtravaux.com/le_blog/pour-en-finir-avec-le-pourrisseur-du-web/ consulté le 16/04/2017

- Delphine Regnard (entretien), site Parents 3.0, http://parents3point0.com/le-latin-sur-twitter-langue-bien-vivante/ consulté le 16/04/2017

- David Roche, « Littérature numérique », L’informatique au lycée http://www.ac-grenoble.fr/disciplines/informatiquelycee/lettres/index.html

- David Roche et Samuel Coulon , « Géomatique des transports — Une approche transversale entre Géographie et Informatique et Création Numérique », site Kanaga : http://kanaga.ridel.org/2016/10/05/geomatique-des-transports-une-approche-transversale-entre-geographie-et-informatique-et-creation-numerique-fig2016/

Notes:

[1] Quelques exemples : Le master de Paris 8 : http://www.humanites-numeriques.univ-paris8.fr/ Le master de Nanterre : https://hclassiques.u-paris10.fr/ Le master de Sciences Po : http://www.sciencespo.fr/executive-education/executive-master-digital-humanities Le parcours Humanités numériques de l’ENS Lyon : http://www.ens-lyon.fr/etudes/parcours-humanites-numeriques--304945.kjsp?RH=1453101821997&DEROULE=1000

[2] Milad Doueihi, Pour un humanisme numérique. Paris : Éditions du Seuil, 2011

[3] Raffaele Simone, Pris dans la toile, L’esprit au temps du web, Paris, Gallimard, 2012

[4] Read/Write Book. Le livre inscriptible, Paris, Cléo, 2010 et Read/Write Book 2. Une introduction aux humanités numériques, Paris, Cléo, 2012. Ce sont souvent les articles d’Hubert Guillaud, figurant dans ces ouvrages, qui sont cités.

[5] Dominique Cardon, La Démocratie Internet, Paris, Seuil/République des Idées, 2010

[6] Programme d’ICN en seconde : http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=91849 consulté le 16/04/2017

[7] Programme d’ICN en première et terminale : http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=104657 consulté le 16/04/2017

[8] Françoise Cahen « Pourquoi les lettres ne doivent pas manquer l’ICN », Blog « L’aventure d’enseigner », février 2016 http://fcahen.neowordpress.fr/2016/01/30/pourquoi-les-lettres-ne-doivent-pas-manquer-licn/ consulté le 16/04/2017

[9] Café pédagogique du 15 février 2016 http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/02/15022016Article635911165978656356.aspx consulté le 16/04/2017

[10] http://www.janeausten.ac.uk/edition/citation-policy.html Jane Austen’s fiction manuscripts: un site autour des manuscrits de Jane Austen. Consulté le 16/04/2017

[11] https://parkerweb.stanford.edu/parker/actions/page_turner.do?ms_no=26 The Parker Library : des manuscrits médiévaux magnifiques intégralement mis en ligne avec la transcription de leurs textes parallèlement à la numérisation de leurs images. Consulté le 16/04/2017

[12] Le site « Voyants Tools » : il permet d’étudier un texte sous la forme de statistiques lexicales. https://voyant-tools.org/ consulté le 16/04/2017

[13] https://padlet.com/francoisecahen/icn Une page personnelle de ressources pour l’ICN consultée le 16/04/2017

[14] Un lien vers une œuvre majeure de Serge Bouchardon : Déprise. (2010) http://www.utc.fr/~bouchard/works/Deprise.html consultée le 16/04/2017

[15] Le site proposant aux élèves d’ICN d’imiter grâce à la programmation les œuvres numériques de Serge Bouchardon http://www.ac-grenoble.fr/disciplines/informatiquelycee/lettres/index.html consulté le 16/04/2017

[16] Le projet de David Roche et Samuel Coulon autour de la géomatique : http://kanaga.ridel.org/2016/10/05/geomatique-des-transports-une-approche-transversale-entre-geographie-et-informatique-et-creation-numerique-fig2016/ consulté le 16/04/2017

[17] Dominique Cardon, La démocratie internet, Promesses et limites, Seuil, coll. « La république des idées », 2010

[18] Dominique Cardon, À quoi rêvent les algorithmes. Nos vies à l’heure des big data, Paris, Seuil, La République des idées, 2015

[19] Le descriptif de mon projet de thèse, commencée cette année : http://www.theses.fr/s174471 consulté le 16/04/2017

[20] Françoise Cahen, « J’te dérange ? Non, non… » sur le site académique de lettres : http://lettres.ac-creteil.fr/spip.php?article1948 consulté le 16/04/2017

[21] Françoise Cahen « L’homme d’aujourd’hui en question : littérature numérique et art contemporain » sur le site académique de lettres : http://lettres.ac-creteil.fr/spip.php?article1981 consulté le 16/04/2017

[22] Françoise Cahen « La question des personnes en situation de handicap : une séquence intégrant le numérique » sur le site académique de lettres : http://lettres.ac-creteil.fr/spip.php?article1969 consulté le 16/04/2017

[23] Françoise Cahen « Mais là, on sort un peu du cadre, non ? » dans Les Cahiers pédagogiques, « Littérature et numérique » Hors série n°42, mars 2016 http://www.cahiers-pedagogiques.com/Litterature-et-numerique consulté le 16/04/2017

[24] Colloque international : « L’enseignement de la littérature avec le numérique », 7 et 8 mars 2016 : http://litmedmod.ca/grenoble consulté le 16/04/2017

[25] Padlet regroupant les scénarios pédagogiques ayant servi à l’étude sur la lecture créative avec le numérique : https://padlet.com/francoisecahen/grenoble2017

[26] Padlet du stage « Vivifier ses séquences au lycée » : https://padlet.com/francoisecahen/stagelycee et Padlet du stage « dynamiser la lecture d’œuvres complètes au collège et au lycée » : https://padlet.com/francoisecahen/lecture consulté le 16/04/2017

[27] Evaluer ses élèves avec Plickers, une fiche du réseau Canopé : http://www.cndp.fr/crdp-dijon/Evaluer-les-eleves-avec-Plickers.html consulté le 16/04/2017

[28] La bibliothèque de Beckett en ligne : http://www.beckettarchive.org/library/home/welcome consulté le 16/04/2017

[29] Serge Bouchardon, Déprise, 2010 http://www.utc.fr/~bouchard/works/Deprise.html consulté le 16/04/2017

[30] Page d’accueil de la bibliothèque en ligne LivresESC : http://my.yoolib.com/bubljdlec/cadres/principes/ consulté le 16/04/2017

[31] Françoise Cahen, « Un petit classique interactif avec Didapages », site académique de lettres : http://lettres.ac-creteil.fr/spip.php?article1893 consulté le 16/04/2017

[32] Un article de Libération sur le canular de Loys Bonod : http://www.liberation.fr/societe/2012/03/23/un-prof-de-lettres-piege-ses-eleves-qui-recopient-sur-internet_805366 consulté le 16/04/2017

[33] Un article critique de Yann Houry sur le même canular : http://www.ralentirtravaux.com/le_blog/pour-en-finir-avec-le-pourrisseur-du-web/ consulté le 16/04/2017

[34] Une fiche pratique de Yann Houry qui explique comment faire rédiger par ses élèves des fiches Vikidia. https://open-source.developpez.com/tutoriels/vikidia/apprendre-ecrire-article/ consulté le 16/04/2017

[35] Milad Doueihi, Pour un Humanisme numérique, Paris, Le Seuil, 2011, p.110

[36] Voir annexe 1

[37] Voir annexe 2

[38] Voir annexe 3

[39] Voir annexe 4

[40] Laure Théoden « Caligula, un empereur fou ? Réflexion sur les représentations du pouvoir » sur le site académique de lettres http://lettres.ac-creteil.fr/spip.php?article1985 consulté le 16/04/2017

[41] Delphine Regnard (entretien), site Parents 3.0, http://parents3point0.com/le-latin-sur-twitter-langue-bien-vivante/ consulté le 16/04/2017

[42] « Mémoires d’Apollinaire/Marie Curie », Observatoire de la Vie littéraire, http://obvil.paris-sorbonne.fr/projets/memoires-apollinaire-marie-curie, consulté le 16/04/2017

--

--

Françoise Cahen

Professeure de lettres au lycée d'Alfortville (94), aimant l'aventure d'enseigner, bricoleuse de numérique, un peu chercheuse en littérature très contemporaine.