Valérie Gauvin la numéro 9 des Bleues pour la Coupe du Monde ?

Analyse tactique
7 min readApr 12, 2019

Sélectionnée dans toutes les catégories de jeunes en Equipe de France, Valérie Gauvin est depuis octobre 2015 appelée avec les A. Une récompense pour cette attaquante passée par le Toulouse FC avant de rallier Montpellier. Mais la native de Sainte-Clotilde (Réunion) est souvent décriée pour son style proche de celui du numéro 9 des Bleus Olivier Giroud. Cependant, l’ancienne meilleure buteuse de D2 (32 buts en 2014) s’est faite sa place et s’impose comme le choix numéro 1 de Corinne Diacre à ce poste. Décryptage tactique de son match face au Danemark.

Composition

Moins d’un mois avant l’annonce de la liste officielle pour la Coupe du Monde 2019, Corinne Diacre aligne ce qui ressemble à son équipe type, mis à part Renard remplacée par Tounkara. Thiney se positionne en numéro 10 derrière Gauvin. Cascarino et Le Sommer s’occupent d’animer les côtés. Les latérales Torrent et Majri sont aussi sûres de participer à la compétition et de briguer une place de titulaire. Comme nous allons le voir dans cette composition, Gauvin sert de point d’appui et son style tranche avec les autres attaquantes présentes sur le terrain.

Offensivement, un pivot libérateur

Alors oui, elle n’a pas la provocation balle au pied de Cascarino ou la vitesse d’une Katoto, mais Valérie Gauvin a bien d’autres qualités qui servent à cette Equipe de France qui ne manque pas de joueuses alliant vitesse et percussion. Dans un rôle de pivot, Gauvin sert de point d’appui notamment face à des blocs bas qui permet de créer de l’espace dans son dos. Et sans solution dans le coeur du jeu, son jeu de tête est aussi un atout de poids.

Avec le ballon, les Bleues de Corinne Diacre ne dérogent pas à leur schéma préférentiel : le 4–2–3–1. Plutôt positionné dans un bloc médian / haut de façon à faire profiter les ailières de leur vitesse. Une tactique dans laquelle Gauvin se retrouve sur le front de l’attaque dans l’axe souvent épaulée par Thiney la meneuse de jeu. Le Sommer et Cascarino tentent elles de se trouver le plus possible sur les côtés pour écarter le bloc adverse.

Lorsque les ailières ou les latérales sont en position de centre, Gauvin se retrouve constamment dans la surface pour apporter son jeu de tête mais aussi sa dimension physique exceptionnelle. C’est une joueuse qui n’a pas peur du combat et qui est dotée d’un jeu aérien intéressant. Un profil que Corinne Diacre n’a pas dans son effectif. Souvent, la Réunionnaise se place au centre de la surface pour effectuer un appel au premier poteau, une zone qu’elle affectionne, tant sur les attaques placées que les coups de pied arrêtés. En se mettant au premier poteau, elle laisse donc la place à l’ailière opposée de venir se positionner au deuxième poteau. Ainsi toutes les zones de la surface sont occupées.

Exemple d’attaque placée ou Gauvin se trouve dans l’axe de la surface, avant de venir attaquer au premier poteau dans l’espace vide. Comme expliqué, cela permet à Cascarino (dans ce cas) de venir au second poteau. En faisant cela, elle attire aussi une défenseure sur elle pour laisser de l’espace dans son dos.
Sur les corners offensifs, Gauvin se place constamment au premier poteau. C’est une joueuse importante dans ce secteur du jeu, notamment avec l’absence de Renard sur ce match.

Comme évoqué dans l’introduction, Gauvin est un pivot dont se servent les joueuses à l’instar de Giroud en Equipe de France. Souvent décrié, ce style de joueur est pourtant un chaînon important dans une équipe. Mais aussi un redoutable poison pour l’adversaire si l’on sait bien s’en servir. Et les Bleues s’accommodent plutôt bien de la façon de jouer de la native de Sainte-Clotilde. Même si cette dernière ne touche pas énormément de ballon, elle essaye d’en faire profiter un maximum ses coéquipières en profitant des décalages qu’elle crée.

Grâce à son jeu dos au but d’une grande qualité, Gauvin permet à son équipe de mobiliser de nombreuses joueuses adverses mais aussi de pouvoir l’utiliser sur du jeu long quand toutes les solutions courtes sont bloquées. Un appui non négligeable quand on sait que l’Equipe de France rencontre la plupart du temps des blocs bas face à elle. L’ancienne toulousaine joue aussi un rôle de déviation intéressant que ce soit avec la tête ou les pieds. Balle au pied elle joue d’ailleurs très juste et perd peu de ballons.

Ici Gauvin joue parfaitement son rôle. Dos au but elle mobilise deux danoises sur elle et peut rejouer avec ses coéquipières. Elle permet de ne pas perdre le ballon tout en trouvant des décalages avant de redemander.

Autre point clé de son rôle de pivot, Gauvin permet de créer des brèches pour ses coéquipières. Elle n’hésite pas à délaisser sa zone axiale pour toucher des ballons plus bas sur le terrain. Cela crée donc de l’espace dans son dos, dont peut profiter Thiney la meneuse de jeu. Une meneuse qui connaît parfaitement le poste de numéro 9 et donc n’hésite pas à se placer dans cette zone. C’est là aussi que se pose la question de la complémentarité entre les deux joueuses bien réfléchie par Corinne Diacre. Thiney et Gauvin sont en constante permutation ce qui peut “perdre” les défenseures adverses. Un schéma bien rodé qui pourrait faire du mal lors de la Coupe du Monde… Ce sont donc deux profils différents qui se complètent et permettent à l’Equipe de France d’être plus forte et imprévisible.

Gauvin vient chercher le ballon plus bas toujours dos au but. Pas marquée par une danoise elle amême le temps de se retourner pour distribuer. Le fait de quitter son espace de jeu permet à Thiney ou Majri (flèche bleue) de se rendre dans l’espace vide (zone grise).
Exemple de permutation avec Thiney. Gauvin est presque au milieu du terrain et laisse de l’espace dans son dos dans lequel peut s’engager sa coéquipière.

Mais avant d’être utilisée comme un appui, la numéro 13 des Bleues est avant tout une redoutable buteuse. Ses statistiques parlent pour elle (9 buts en 17 matchs en Equipe de France A et 129 buts en club depuis 2011) et son sens du but n’est plus à démontrer. Alors dès que la Réunionnaise est lancée elle n’hésite pas et frappe pour marquer. Une détermination qui lui permet de mettre des buts dans des positions difficiles. Présente dans la surface de réparation, Gauvin est aussi un danger de loin avec une force de frappe qui lui permet de souvent faire trembler les filets. Notamment avec les Bleues ou elle possède un ratio exceptionnel qu’elle espère bien garder durant la Coupe du Monde en France.

Une fois que Gauvin est lancée elle est attirée par le but comme toutes les attaquantes. Les stats ne mentent pas et la joueuse du MHSC est une redoutable buteuse. Même de loin comme sur cette exemple.

Son but face au Danemark

Défensivement, de l’énergie à revendre

Si son style de jeu déplaît à certains, on ne peut pas dire que Valérie Gauvin triche sur un terrain ! Quelle débauche d’énergie pour l’attaquante de 22 ans. Certains footballeurs devraient prendre exemple de son travail à la transition défensive et à sa détermination quand il s’agit de récupérer le ballon.

À la perte du ballon, l’objectif des Bleues est simple : le récupérer le plus vite possible. Pour cela, Corinne Diacre demande à ses joueuses de se positionner en 4–4–2 bloc haut avec Thiney qui vient à côté de Gauvin pour éviter la relance adverse entre les deux centrales.

Thiney et Gauvin se positionnent haut pour éviter une relance danoise. Le Sommer et Cascarino s’occupent des côtés et des latérales. Le plan des Bleues est bien rôdé.

Et si les adversaires arrivent à trouver leur première rampe de lancement plus haut sur le terrain (en général la milieu défensive) alors les françaises vont tout faire pour la harceler. Mais avant cela, le but est de couper la relation entre cette joueuse et les défenseures susceptibles de la trouver rapidement. Un rôle assuré par Thiney et Gauvin. Et quand il s’agit de mettre en place ce plan, la numéro 13 des Bleues prend sa tâche avec sérieux en y mettant une intensité folle.

Ici, la milieu défensive a été trouvée. Gauvin effectue donc une course vers son camp pour la harceler et lui faire perdre la possession du ballon. Gauvin fait partie à 100 % du plan défensif de l’Equipe de France.

Une intensité aussi mise quand il s’agit d’aller presser la gardienne ou une joueuse qui se trouve à 20 mètres d’elle. Gauvin n’a pas peur de laisser de l’énergie à la tâche défensive et cela aide bien les Bleues. Souvent quand l’adversaire est dans son propre camp et effectue une passe en retrait, c’est le déclencheur pour l’attaquante afin d’effectuer un pressing. Si ce pressing est bien effectué et suivi par toute l’équipe, alors l’adversaire n’a plus que la solution du ballon long pour pouvoir sortir de son camp sans danger.

La danoise va effectuer une passe en retrait vers sa gardienne. C’est le signal pour Gauvin d’aller la presser. Derrière ses coéquipières suivent et les adversaires n’ont d’autre choix que d’allonger.

Enfin, quand l’adversaire est dans une phase d’attaque placée, Gauvin vient toujours apporter de la densité côté ballon avant d’étouffer les danoises. Un élément essentiel pour couper le jeu court et récupérer plus vite le ballon. Et si l’attaquante n’effectue pas cette tâche, alors c’est tout l’équilibre défensif qui peut être détruit. Mais comme à son habitude, la Réunionnaise ne rechigne pas et effectue son travail avec brio. Vraiment un exemple à suivre défensivement sur le terrain !

Cascarino et Thiney pressent une joueuse danoise. Gauvin est venu se mettre juste derrière la solution la plus courte pour son adversaire. En faisant cela elle laisse aussi deux joueuses seules dans l’axe. Mais en prenant ce risque de venir côté ballon elle permet une récupération du ballon plus rapide.

Conclusion

Dans l’effectif de l’Equipe de France, Corinne Diacre ne dispose pas de deux profils comme celui de Gauvin. Mais la sélectionneuse a l’air d’avoir choisi au vu des dernières compositions d’équipes. Gauvin sera sûrement amenée à prendre le front de l’attaque des Bleues durant le Coupe du Monde. Dans un rôle de pivot et de point d’appui, l’ancienne toulousaine s’adapte parfaitement à ses coéquipières. Intéressante dans le jeu aérien, Gauvin offre une alternative aux autres attaquantes présentes sur le terrain. Son entente avec Thiney est aussi intéressante et les deux sont complémentaires, ce qui pourrait être un véritable point fort pendant la Coupe du Monde.

Défensivement, Valérie Gauvin n’a rien à se reprocher. Athlétique et puissante, l’attaquante mêle à cela une détermination sans faille. Intelligente dans ses placements défensifs, elle permet à son équipe d’avancer et de défendre ensemble. Le repli défensif est souvent un point noir pour les attaquant(e)s mais pas pour Valérie Gauvin que Corinne Diacre ne peut pas blâmer dans ce domaine. Quand une équipe voit sa numéro 9 effectuer des courses aussi intenses, elle ne peut que se mettre au diapason pour récupérer le ballon.

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