Jeune et con

Sixte de Vauplane
4 min readSep 14, 2018

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On était trop jeunes, pas assez expérimentés. Mieux valait finir tranquillement ses études et gagner en maturité. A se lancer dans l’entrepreneuriat comme ça, on risquait de se faire manger.

Pourtant, qu’est ce qu’on avait à perdre ?

Au pire, ça marche !

Avril 2015, Nestor est créé.

C’est le début de la food delivery en France.

On est comme des dingues. Pendant 4 mois, on s’acharne, on livre, on cuisine et on expérimente de nouveaux moyens de nous faire connaître. Puis, tout s’accélère. Le bouche à oreille s’intensifie, la croissance explose, nos clients en redemandent.

Ce qui devait être un simple hobby d’étudiant devient alors une véritable entreprise, avec une vision et une ambition claire : redonner du goût a la pause déjeuner.

Dehors les Razmockets !

Ce sont finalement mes premiers rendez-vous financiers qui me ramènent à la dure réalité du terrain.

Il n’est là plus question de discuter d’exécution et encore moins de croissance, mais simplement de “pitch deck”, de CV et de parcours professionnel. On nous demande de nous vendre, de nous sur-vendre même, car tout est bon pour rassurer l’interlocuteur en face. Un étudiant qui lance sa boite, c’est mignon, c’est sympa et ça fait sourire, mais ce n’est pas sérieux.

Pourtant, que peut-on vendre comme expérience lorsque l’on est encore qu’étudiant ?

Banquiers, investisseurs, gros fournisseurs. Toujours les mêmes rictus, toujours le même refrain. A cause de notre âge, Nestor serait condamnée à l’échec. Notre jeunesse, loin d’être une force, devient ainsi une faute.

Et c’est là toute l’hypocrisie du système.

D’un côté, tout le monde adore les jeunes ! Entreprises, incubateurs, écoles : il faut en parler parce que c’est tendance, parce que c’est sexy, et surtout, parce que ça fait vendre.

On les propulse sur les devants de la scène, on les présente comme des petits génies de la Tech, et on en fait des rock stars.

Sauf qu’en parallèle, on ne leur fait pas confiance. Ils passent pour des flambeurs, des instables et des inconscients. Faire du business avec eux relèverait tout simplement de la folie, voire de la bêtise.

L’expérience du terrain

On ne va pas inventer une expérience qu’on n’a pas. Je n’ai jamais recruté ni managé personne, je n’ai jamais créé de boîte auparavant et, clairement, je n’ai pas le réseau d’un serial-entrepreneur.

Est-ce une raison suffisante pour tout laisser tomber ?

On refuse cette fatalité. Puisque nous n’avons pas l’expérience du business, nous aurons l’expérience du terrain.

Distribution de flyers, réception des marchandises, préparation de commandes : pas un pan de notre business ne doit nous échapper. On enfourche notre vélo pour livrer les repas, on répond aux clients sur le chat ou bien même au téléphone, on reprend les factures une a une pour vérifier que tout se passe comme prévu. Bref, tous les jours, on apprend un peu plus le métier.

Petit à petit, ça en devient même une obsession: notre réussite dépendra essentiellement de notre exécution.

De notre rage aussi.

Car Nestor, c’est l’histoire de coups de poker incessants pour booster la croissance, de combats quotidiens pour assurer notre survie ou atteindre la rentabilité.

La force de l’insouciance

Fin 2015, on visite ce qui pourrait devenir notre première cuisine professionnelle. L’occasion rêvée de passer à l’étape supérieure. Ça fait des semaines qu’on ne tient plus dans les sous-sols de The Family, et, à ce rythme là, on ne va pas pouvoir suivre notre croissance si on ne déménage pas rapidement.

Sauf qu’à ce moment-là, on n’a pas les fonds.

Qu’importe. Je signe, on lance les travaux, et, quelques semaines plus tard, on ouvre 9 nouveaux arrondissements.

All-in.

On trouvera finalement l’intégralité des fonds deux mois après. Notre propriétaire deviendra à cette occasion l’un de nos plus fidèles investisseurs.

Aurions-nous pu arriver jusqu’ici sans cette insouciance permanente ?

Si une plus grosse expérience nous aurait épargné de pas mal d’erreurs, c’est bien notre jeunesse qui nous a apporté cette rage et cette combativité du quotidien.

Ne nous jugez pas sur notre âge

L’âge, les CV, les diplômes : tout cela rassure. Mais au fond, qu’est ce que cela apporte ?

Est-ce parce qu’un entrepreneur a “réussi” sa première boite, que sa prochaine sera nécessairement un succès ?

Evan Spiegel (Snapchat), Brian Chesky (AirBnB), Xavier Niel (Free) : tout ces entrepreneurs n’avaient presqu’aucune expérience lorsqu’ils se sont lancés. En revanche, ils avaient cette insouciance, cet acharnement et ce petit grain de folie que d’autres n’ont pas.

Et c’est ça qui a fait la différence.

Il est temps que l’on arrête de juger les jeunes entrepreneurs sur leur âge, sur leur CV ou bien même leur diplôme. Seuls les résultats comptent. La capacité d’exécution, la volonté, l’acharnement, les prises de risque permanentes: voilà ce que l’on devrait expliquer en rendez-vous. L’âge ? Ca n’est qu’une anecdote.

Il y a 2 ans, on a recruté Alexis alors qu’il avait tout juste 16 ans. Il avait les crocs, cette énergie et cette courbe d’apprentissage qui le rendent incroyable. Aujourd’hui il co-gère une communauté de près d’un millier de coursiers.

Et ce n’est que le début.

Sixte, CEO de Nestor.

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