De la nécessaire réforme de notre vie démocratique
“Ce n’est pas la peine d’aller expliquer à nos Français qu’on va faire une VIe République, qu’on va tout changer, qu’on va limiter le mandat du président de la République, qu’on va faire tout ce qu’on a jamais fait, mais qu’on leur a toujours promis, mais qu’en même temps, dans nos pratiques, aujourd’hui, sans même changer le droit, nous allons continuer de faire l’inacceptable, que nous allons continuer à expliquer à nos concitoyens que le monde change pour eux, qu’on leur demande tous les sacrifices, mais que nous, dans la classe politique, nous n’avons aucun sacrifice à faire, que nous, dans la classe politique, nous allons toujours nous arranger avec le droit. Ce n’est plus possible !”
La citation ci-dessus vous semble familière ? Elle a été prononcée par Emmanuel Macron en 2016 au début de sa campagne, au moment où l’on se disait encore tous : “ouf, enfin une campagne où tous les candidats sont propres et où le débat d’idées va primer !”. Ces mots résonnent encore plus fort à 2 mois du premier tour d’un scrutin présidentiel crucial, indécis, où le Front National n’aura jamais été aussi proche d’arriver en tête le 23 avril, où la justice joue un rôle crucial, et où certains se cachent derrière une critique simpliste (et dangereuse) des médias et des juges.
Au-delà de “l’affaire Fillon” (qui a occupé l’espace médiatique récemment), et de “l’affaire Le Pen” (qui l’occupe un peu moins), force est de constater que lorsque l’on est sur le terrain pour cette campagne présidentielle, on entend ce leitmotiv de la part des Français : “de toute façon, ils sont tous pourris”. Cette défiance vis-à-vis de la classe politique, qui est compréhensible, est l’un des facteurs (pas forcément majoritaire) qui provoque l’abstention, ne donne pas envie à nos concitoyens de s’intéresser à la politique, et les empêche d’envisager la probité totale de leurs élus et représentants.
Dans notre démocratie, le problème n’est donc pas tant que ce “pouvoir du peuple” a disparu : en effet, les électeurs sont libres de leur bulletin de vote à tout moment, à la condition toutefois que l’offre présentée leur convienne (on reparlera plus bas du vote blanc). En revanche, l’interrogation est sur l’utilisation qui est faite (ou qui est perçue) de la confiance donnée, et de ce que les élus ont de représentatifs (ou pas) de la population qui leur a délégué sa capacité à guider les orientations législatives du pays. En plus des points ci-dessus, le contexte lié aux affaires finit de créer les conditions du doute quant à l’ensemble de la classe politique, quand bien même elle serait majoritairement irréprochable et travailleuse (mais certains gros arbres cachent une énorme forêt…).
Alors on peut quand même se réjouir du fait que l’Assemblée Nationale ait (enfin) voté l’obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection locale, législative, sénatoriale ou présidentielle, qu’Emmanuel Macron avait déjà imposé à ses équipes de campagne depuis avril 2016…
Mais allons plus loin, et je propose donc les mesures suivantes, très concrètes, au prochain Président de la République, des mesures qui doivent être votées dès le début de la prochaine législature, pour application avant la fin 2017. Notons qu’Emmanuel Macron a déjà proposé une partie de ces mesures, en particulier lors de son discours de Strasbourg le 4 octobre 2016 (disponible ici : http://goo.gl/L1OFuU):
- Imposer le non-cumul des mandats dans le temps, pour permettre une rotation tous les 2 mandats, comme pour le Président de la République.
- Fixer un âge maximum pour les députés et sénateurs.
- Rendre inéligible à vie tout élu condamné pour un délit financier/fiscal ou pénal, dans le cadre de son mandat comme dans le cadre privé. Cela doit comprendre les condamnations avec sursis.
- Obliger les élus à renoncer à toute rémunération au titre d’une activité privée en cumul de leur mandat électif : la règle doit être impérativement “1 élu = 1 rémunération = 1 mandat à 100% du temps”.
- Assurer une transparence complète et un contrôle des frais de représentation des députés et sénateurs. Cela permettrait d’identifier d’éventuelles relations avec des lobbies, des conflits d’intérêt ou des utilisations de fonds publics à des fins personnelles. On doit pouvoir voter en connaissance de cause, si dans une circonscription rurale un candidat député a, par exemple, fréquemment rencontré des représentants de Bayer-Monsanto.
- Instaurer un quorum lors des votes à l’Assemblée et au Sénat. Certains votes (exemple : le rejet de l’inclusion des œuvres d’art dans l’ISF) ont été passés à 18 voix contre 3 : comment les citoyens peuvent-ils comprendre que des décisions soient prises par moins de 4% des voix présentes, et se dire que cela est représentatif ? Evidemment, beaucoup de députés ont un travail en commission et/ou dans leur circonscription, mais en 2017 un système sécurisé de vote électronique à distance ou par procuration doit être possible.
- Enlever la possibilité de s’abstenir lors d’un vote parlementaire. Les élus doivent représenter leurs territoires, et leur responsabilité est d’exprimer une position en leur âme et conscience. S’abstenir, quand on est rémunéré par l’argent public et que l’on est décideur du cadre législatif de la France, ce n’est pas un choix acceptable.
- Pénaliser financièrement les députés qui ne siègent pas suffisamment (sur le même modèle que les sénateurs). Cela est théoriquement possible aujourd’hui, mais le mode d’émargement ne permet pas ce contrôle effectif de présence.
- Rendre obligatoire la parité dans les listes électorales.
“Comme si l’engagement politique était réservé aux hommes. Et ça en dit long sur nos propres représentations collectives sur la façon dont la vie familiale est organisée, sur de fait, le droit de préséance dont bénéficient les hommes dans notre société.” (Emmanuel Macron, 19 janvier 2017, Facebook / https://www.facebook.com/EmmanuelMacron/videos/1906579276241316/)
- Dans l’action de la HATVP, les ministres qui détiennent des portefeuilles d’actions d’entreprises en lien avec leur périmètre ne doivent pas pouvoir faire d’opération sur ces titres pendant la durée de leur mandat (ni en acquérir).
- Lancer un site sur le modèle de « WeThePeople » aux Etats-Unis (https://petitions.whitehouse.gov), pour permettre à tout citoyen d’interpeller son gouvernement. A partir d’un certain nombre de signatures, une réponse écrite et publique sera obligatoire. Cela permettrait de ne pas aller jusqu’au modèle suisse de votation, mais permettrait une meilleure communication avec la population pour des sujets d’actualité notamment.
- Prendre en compte le vote blanc, et déclarer le scrutin non valide si ce vote blanc est majoritaire, ou s’il ne permet pas à 2 candidats de faire un meilleur score que lui.
- Inclure une dose de proportionnelle dans les élections législatives. On peut se dire que ça fera rentrer le loup dans la bergerie avec le Front National, mais jusqu’à preuve du contraire c’est un parti autorisé en France et qui capte une part importante du vote depuis plusieurs scrutins : à ce titre il ne peut être ignoré, ni exclu du débat démocratique. Le FN vit surtout grâce au fantasme de ce qu’il pourrait faire s’il accédait au pouvoir, en se posant en victime d’un “système” : s’ils avaient une représentativité à l’Assemblée Nationale, ce serait non seulement plus juste en termes démocratiques, mais cela leur demanderait aussi d’être comptables de leurs votes.
Tous les points ci-dessus sont autant d’opportunités pour nos femmes et hommes politiques de redonner confiance en eux et en notre capacité de retrouver ce lien qui s’est si souvent distendu, à en atteindre parfois la rupture.
Monsieur le futur Président, ne soyez pas un Président normal, mais un Président EXEMPLAIRE.