Atelier Bulk “Nous sommes des artisans et nous souhaitons le rester”

Charles Loyer
étapes:
Published in
9 min readNov 30, 2016

Combien de fois a-t-on entendu que le papier était mort ? Que les secteurs d’activité autour de ce support n’avaient pas d’avenir ? Que la concurrence avec le numérique était déséquilibrée ? Et pourtant, malgré tout ce que l’on a pu dire, le print est toujours présent dans notre quotidien et peut être mieux encore, il l’embellit.

L’Atelier Bulk fait partie des jeunes acteurs qui cherchent aujourd’hui à redonner du sens au papier et à la manière dont nous le transformons. Il est née de la rencontre entre Yann Cloutier et Florent Larronde, motivée par une volonté commune : valoriser l’objet imprimé grâce au travail artisanale, rendre la rareté accessible et redécouvrir des savoir-faire. L’histoire a commencé il y a quelque mois, à Eysines, dans la banlieue de Bordeaux, mais la petite équipe a déjà produit de nombreux projets. Yann Cloutier nous en dit davantage.

Suivre l’atelier Bulk
Site internet :
www.atelierbulk.com
Instagram :
@atelierbulk

Pouvez-vous présenter l’Atelier Bulk ?

L’atelier Bulk est un outil d’impression contemporain axé sur l’embellissement de l’objet imprimé, grâce aux techniques comme le marquage à chaud ou le le letterpress.
Bulk renvoie à la matière et par extension à la main du papier. Cette sensibilité dans le choix des supports et la qualité du rendu est notre crédo, nous n’envisageons pas de produire des choses mal faites. Mais, si on met un peu d’amour dedans on arrive souvent à un résultat intéressant.

D’où vous est venue l’envie de vous lancer dans un atelier d’impression ?

Au départ il y a une rencontre entre Florent et moi, je suis imprimeur de formation et Florent graphiste. J’avais en tête cette idée d’atelier avec une configuration très précise basée sur la qualité. J’y ai injecté mon savoir-faire et la partie conseil. Florent lui, avait eu des expériences un peu mitigées avec le monde de la production. Au fil des discussions, une idée a germé, pourquoi ne pas développer un outil de production réellement destiné aux créatifs, remettre le conseil au cœur de notre métier de production pour permettre aux graphistes de s’exprimer pleinement et de redécouvrir ce qui paraissait inaccessible il n’y a pas si longtemps. Leur permettre de faire de belles choses.

Quelles sont les principales techniques que vous utilisez ? Pourquoi faire le choix de miser particulièrement sur la dorure à chaud ?

Au sein de l’atelier nous avons développé le marquage à chaud, le gaufrage, le foulage, les papiers contrecollés, la dorure sur tranche. Nous avons également du matériel qui nous permet de faire du letterpress. Mais la dorure à chaud est vraiment ce qui nous a paru être le plus pertinent, et ce, pour plusieurs raisons. Nous pouvons travailler directement sur des papiers teintés dans la masse, sur des grammages très forts, avec des textures différentes. A partir du moment où nous avons gravé l’outil destiné au travail, nous pouvons proposer au client un panel de rendus avec des couleurs de films et de papiers différents. Cette flexibilité permet de choisir une orientation conforme au rendu final. C’est un vrai confort pour les créatifs en lien avec leurs clients.

Plus généralement, le marquage à chaud était associé dans l’inconscient collectif au monde du vin. Cela nous a paru intéressant de dépoussiérer cette approche et de présenter une vision contemporaine de cette technique. Et puis, il y a un côté magique à travailler sur des machines Heidelberg de plus de 60 ans. On fait du neuf avec du vieux.

Comment avez-vous acquis votre matériel ? Quelles sont les difficultés que l’on rencontre lorsqu’on se lance dans ce type d’aventure ?

Chaque machine du parc a été pensée pour optimiser la production et nous permettre de proposer un éventail large de produits, depuis l’impression jusqu’à la finition de l’objet imprimé. Une fois passée cette réflexion globale, il a fallu mettre la main à la patte et ne pas oublier que l’on avait affaire à des vieilles machines. Une fois récupérées, nous avons dû les mettre à niveau mécaniquement pour en faire des outils de précision. Avec l’expérience, on voit ce qu’il faut apporter pour rendre le process d’impression plus fluide et qualitatif. Le pari peut paraître un peu fou, mais nous y sommes allés avec passion, étape par étape. La première phase consistait à se trouver un local, puis nous devions nous constituer un parc de machines cohérent. Avec du recul, la partie la plus complexe fut la structuration même de l’entreprise, déterminer le rôle précis de chacun et surtout, mettre en place un process pour la gestion des fichiers, la relation client. Tout cela doit se faire en même temps que l’aspect commercial et la prospection. Désormais nous avons tous les aspects structurels ou mécaniques qui nous permettent d’assumer la qualité et le volume tout en restant une structure à taille humaine. Nous sommes des artisans et nous souhaitons le rester.

Comment travaillez-vous avec vos clients ?

On travaille toujours avec la même approche ; la notion de conseil est la première étape. On conseille nos clients à partir de la création. On fait comprendre que l’atelier va apporter une plus-value au projet en suggérant un papier, une technique, en accord avec un budget ou une limite temporelle. Après le système est classique, commande papier, outil, dorure, nous produisons seulement à partir du moment où le client valide le BAT via notre module de vérification, cela nous permet un dernier contrôle avant la réalisation de l’outil. La partie intéressante vient après. Lors du tirage, on invite nos clients à nous rejoindre au sien de l’atelier pour le BAT cela nous permet d’échanger et de valider la production qui sera par la suite contrôlée en terme de qualité, puis expédiée.

Notre cœur de cible est constitué de graphistes et d’agences. On compte sur des gens déjà créatifs pour s’approprier notre outil. Le design et la création, nous la mettons au service de notre autopromotion où nous nous attachons à réaliser des documents qui nous font plaisir et qui pourraient attirer l’attention des personnes sensibles aux belles choses.

Quel est votre regard sur l’objet imprimé aujourd’hui ?

Nous sommes dans un moment de transition générationnelle, il faut faire perdurer ce savoir-faire d’impression et le mettre au gout du jour, le rendre accessible. Pour cela il faut expliquer, montrer et proposer des choses différentes. C’est cet état d’esprit qui anime une nouvelle génération d’imprimeurs qui se sont réappropriés des techniques comme le letterpress, la riso ou la sérigraphie. Le monde de l’impression est très riche en métiers et savoir-faire complémentaires. C’est une bonne chose car cela ouvre différentes perspectives à un moment où le support papier tend à être marginalisé par le numérique. Nous pensons qu’à l’avenir les gens imprimeront moins mais mieux, car désormais, recevoir un support papier de qualité est un vrai gage d’implication, c’est un média qui a une histoire, une sensibilité.

Comment faites-vous connaître l’atelier ? Avez-vous eu des retours en particulier à raconter ?

D’une manière générale ce qui est valorisant c’est l’intérêt que suscite ce projet peu importe le contexte, entre amis, autour d’un repas, avec des clients potentiels. A partir du moment où l’on montre ce que nous réalisons et surtout avec quels outils nous y arrivons, on crée un lien avec les gens, nous suscitons la curiosité. Au début la stratégie a été de se doter d’un panel de réalisations graphiques qui font l’autopromotion de l’atelier, une belle plaquette, des packshot propres, un site responsive, bref des outils contemporains qui présentent une technique d’un autre temps. Apres avoir fait le tour de notre réseau Bordelais, on a écumé le web à la recherche de graphistes, d’agences qui avaient une sensibilité pour le bel objet et nous les avons contacté, soit physiquement soit en envoyant une enveloppe d’échantillons. Maintenant, nous travaillons avec des belges, des anglais, des suisses, et bien sûr dans toute la France. L’objectif maintenant, c’est de pouvoir répondre à toutes les demandes tout en gardant une qualité optimale.

Ce qui nous marque dans les retours, c’est qu’après un ou deux projets, beaucoup de clients souhaitent venir visiter l’atelier. Ils viennent de Paris ou même de Belgique pour passer un peu de temps et découvrir notre outil de travail. C’est très valorisant et toujours un plaisir de les accueillir.

Un projet à présenter ?

Print Me One More Time initié en 2014. C’est la collaboration qui a été la genèse de Bulk entre Florent et moi. C’est l’histoire d’une affiche qui met en valeur le savoir-faire d’artisan imprimeur et c’est à partir de là que je me suis dit que c’était une bonne idée de travailler ensemble. Une vidéo montre le processus. Depuis on garde cette affiche dans l’atelier, un peu comme une photo de famille.

Comment souhaitez-vous vous développer dans le futur ?

Le futur pour nous c’est d’abord optimiser notre configuration d’atelier, c’est à dire, tirer le meilleur du savoir-faire de chacun et le restituer à nos clients.
De plus nous avons développé une offre en ligne qui permet de rendre accessible notre pratique au plus grand nombre. Cette offre, Bulk Classic (www.bulkclassic.com) propose des produits d’impression optimisés en termes de prix tout en gardant la qualité Bulk comme constante, simplifie les échanges et la compréhension de notre travail.
Nous envisageons également de créer des formations reconnues par l’état, début 2017, afin d’accueillir les gens et transmettre le savoir faire pour que les créatifs s’approprient au mieux ces techniques d’impression, c’est le but du Bulk LAB, « Learn at Bulk ».

Transmettre, échanger, produire de beaux projets c’est le plan auquel on croit et que l’on essaye de construire.

Propos recueillis par Charles Loyer

Originally published at etapes.com.

--

--

Charles Loyer
étapes:

Online editor & manager @etapes - CoFounder of Vokode - passionate about graphic design, photography, digital and innvation http://instagram.com/kloaier