En quoi les enfants sont-ils naturellement de bons designers ?

Faut-il s’en inspirer ?

Jonathan Scanzi
évolt stories

--

Être designer, c’est avant tout, une question de posture. C’est une autre façon de voir le monde, de poser les problèmes et de les résoudre. Je suis récemment tombé sur une conférence TED de Tim Brown dans laquelle il aborde la question de la confiance créative des enfants. J’ai été assez marqué par cette conférence ce qui m’a poussé à observer la posture des enfants. J’en ai déduit rapidement qu’ils étaient finalement des designers par nature. Voici mon analyse :

Les enfants sont des explorateurs

Les enfants posent des questions naïves, jouent avec des couteaux, goûtent les grains de sable, regardent l’interdit et écoute derrière les portes… Nos petits sont curieux. Chaque jour est une nouvelle porte qui s’ouvre sur la connaissance.

Dans la pensée Design (“design thinking”), il existe une méthode simple de résolution des problèmes que l’on appelle le double diamant. Découpée en quatre phases distinctes -découverte, définition, prototypage, développement — la première phase consiste à explorer la problématique sous tous les angles. Un bon designer, c’est donc avant tout un bon “explorateur de la connaissance”.

Les enfants font preuve d’empathie

Quel enfant n’a jamais joué au pompier, au médecin, à la princesse ou même au super héros ? Nos chérubins se glissent avec aisance dans la peau de leur personnage préféré. Comme s’ils étaient dotés d’une empathie naturelle, ils pensent et agissent comme eux ; allant même jusqu’à s’inventer des pouvoirs magiques lorsque c’est nécessaire…

Un des fondements de la pensée design consiste à concevoir une solution à partir de l’analyse des utilisateurs. Il s’agit de comprendre leurs contextes, leurs besoins, leurs buts, et leurs motivations pour construire des solutions adaptées à leurs usages. Il ne s’agit plus de produire en fonction de nos propres idées, mais en fonction du véritable besoin de l’utilisateur. Il faut être capable de faire preuve d’une certaine empathie pour concevoir dans une telle posture.

Les enfants sont créatifs

Si je vous demande de dessiner mon portrait, combien d’entre vont-ils me dire qu’ils sont nuls en dessin ? En revanche, trouvez-moi un enfant qui ne soit pas créatif. Combien de temps tiendront-ils avant de dégainer leur crayon pour me tirer le portrait ? Me l’offrir sera leur plus grande fierté.

Le design a pour vocation de proposer des solutions innovantes ou d’inventer de nouvelles possibilités dans le but d’améliorer la qualité de vie gens. Par définition, la créativité est l’essence même du design. Un designer se doit d’être créatif.

Les enfants jouent le collaboratif

Les enfants ont une capacité à créer des échanges riches, fluides et intenses dans un laps de temps très court. Ils cristallisent rapidement une relation, même éphémère, souvent autour d’une logique de jeu. Ils s’inventent facilement des règles et se donnent des objectifs précis. Ils inventent, s’amusent et co-produisent ensemble.

Un autre pilier de la pensée design, c’est d’être capable de faire de la co-conception avec des équipes pluridisciplinaires.

Les enfants prototypent

Pourquoi les enfants jouent-ils davantage avec les cartons d’emballage qu’avec leurs jouets ? Tandis que le jouet n’a qu’une seule fonction (faire la musique, apprendre de nouveaux mots, raconter une histoire.) Le carton n’a pas de limite créative. Les enfants s’en servent alors pour prototyper de nouveaux jouets : une voiture, un casque de chevalier, une cabane… Ils détournent les objets du quotidien pour prototyper un Nouveau Monde. Leur monde.

La force d’un designer, c’est être capable de matérialiser rapidement ses idées sous la forme d’un prototype : un dessin, une maquette papier, un montage vidéo, un outil fait de bric et de broc, etc. Une représentation, même loin de la réalité (pensez-vous qu’un carton ressemble à une voiture ? Pourtant il est facile de se projeter avec un simple assemblage de pâte à papier) permets de partager ses idées de façon simple, visuelle, en “racontant une histoire”. Cela offre ainsi une opportunité unique d’avoir des retours d’expérience, du feedback plus rapidement sur son idée.

Les enfants n’ont pas peur de tester

Peut-être à cause de leur ADN d’explorateur, les enfants ont une propension naturelle à “tester”. Ils veulent savoir “comment ça marche”, ils testent des nouvelles sensations, ils testent les “gens”. Ils apprennent ainsi par la pratique et sont au coeur de l’expérience.

Être designer, c’est aussi expérimenter, tester ses nouvelles idées aussi vite que possible. C’est éviter de s’enfermer dans une vision qui ne mène nulle part. Tester, c’est savoir rebondir rapidement pour améliorer son concept jusqu’à ce qu’il soit acceptable par de vrais utilisateurs.

Les enfants n’ont pas peur de l’échec

Les enfants n’ont pas peur du jugement des autres. Ils n’ont que faire des conséquences, et des normes sociales du monde des adultes. Ils tentent leur chance, un point c’est tout. S’ils tombent, ils se relèvent pour essayer à nouveau.

Concevoir des solutions innovantes, c’est prendre le risque de se tromper, de passer à côté. Mais avoir peur de l’échec, c’est ne rien faire du tout.

Toute proportion gardée, le parallèle entre l’enfant et le designer est, à mon sens, assez frappant. Il nous démontre que le design n’est finalement qu’une question de posture quand d’autres pensent qu’il s’agit de technique. Au risque d’en décevoir certains, la pensée design n’est ni plus ni moins que du bon sens.

Nous naissons tous avec, mais le “système” (l’école, les normes sociales, le système économique, etc.) tel que nous l’avons construit, détruit peu à peu cette capacité naturelle à résoudre les problèmes. Ce système nous a insidieusement formaté à penser et agir de telles manières, à parler d’une autre, à rentrer dans une case.

Être designer, c’est donc finalement retomber dans l’enfance, c’est faire tomber ces barrières ?

Jonathan Scanzi, fondateur de l’agence d’innovation services évolt

--

--