L’écriture dans le design

Jonathan Scanzi
évolt stories
4 min readJun 8, 2016

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On rattache trop souvent le design à sa dimension esthétique et visuelle. Le graphisme en est sûrement la représentation la plus populaire. Ainsi, on pense à tort que l’arme absolue du designer, c’est l’outil de conception graphique: la suite Adobe, Sketch, Cinéma 4D et bien d’autres encore.

Mais c’est oublier que le design est avant tout une posture, une façon de penser. Le design est un métier de concepteur. Le designer traduit une intention, un concept en un objet/un service qui offre une valeur ajoutée à ses utilisateurs et lui procure des émotions.

Ainsi, le designer a besoin d’outils pour formaliser sa pensée. Le graphisme, entre autres, permet de traduire visuellement une idée, une pensée, une émotion en un message visuel. L’objet, le prototype, est encore un autre moyen de formalisation. L’écriture elle, permet de formaliser un concept au niveau le plus “élevé”.

L’écriture n’est pas souvent associée au design, mais c’est pourtant une activité récurrente du designer. Un outil puissant pour communiquer et vendre ses idées, mais pas que… Alors dans quel contexte le designer utilise-t-il l’écriture ?

Définir une vision stratégique collective

Le designer doit être capable de formaliser une vision stratégique qui traduit une intention, un concept. Si le design thinking prône l’approche pluridisciplinaire, il s’agit avant tout de formaliser une vision collective. Dans un projet de conception, le designer traduit les échanges en une vision concrète. Il devient l’interprète et l’architecte des idées qu’il articule soigneusement pour leur donner du sens par rapport à un objectif donné. En effet, il ne s’agit pas de retranscrire purement ce qui a été dit lors d’une réunion comme on le ferait dans une “minute” mais cela revient à hiérarchiser, interpréter puis reformuler les idées pour offrir une cohérence à l’ensemble. Au delà, il s’agit d’être intelligible pour tous les membres du projet, qu’ils soient techniques ou non. Savoir communiquer de façon simple et limpide fait aussi partie du job.

Ce “document” devient ainsi une feuille de route pour une équipe. Beaucoup plus complet qu’un brief, il est le reflet de la pensée collective tout au long du projet. Et comme les idées sont mouvantes, il s’agit de faire évoluer soigneusement ce document tout au long d’un projet.

Travailler avec d’autres designers

Cela fait maintenant quelques mois que je travaille en collaboration avec deux designers, dont un qui travaille en remote. C’est dans ce contexte de travail à distance que j’ai saisi l’impact de la dimension rédactionnelle. En effet, lorsque j’ai voulu impliquer un nouveau designer sur le projet, je n’avais pas d’autres choix que de mettre à plat le projet. Il ne s’agissait pas seulement d’un brief, il fallait qu’il saisisse parfaitement le sens, le contexte et l’ambition du projet afin de pouvoir s’en imprégner au maximum. Finalement, on est dans la même configuration que je citai juste au-dessus, mais le périmètre est beaucoup plus large et technique.

Justifier son approche

Face à un client ou même des utilisateurs, il est important de traduire sa démarche, son concept. C’est la partie non visible de l’iceberg, celle qui nous a permis d’arriver au résultat final. Il faut accompagner le changement, rationaliser sa démarche et susciter l’adhésion au-delà d’un artéfact. Il s’agit de transmettre une philosophie, des valeurs et de donner du sens. Bien évidemment, la nature même de la création doit transmettre l’essence du concept, mais ce n’est souvent pas suffisant pour convaincre. Le travail du designer doit donc aller au-delà.

Un bon exemple, c’est le récent changement de l’identité d’Instagram ou encore celle de Medium. Tobias van Schneider, lead designer chez Spotify à l’époque, a raconté dans sa newsletter privé son expérience de rebranding, et notamment l’erreur qu’il a fait de ne pas communiquer sur l’évolution du logo.

Partager son expérience et prospecter

Comme je le disais au début de l’article, la complexité d’une démarche design ne peut s’apprécier à la lecture seule d’une série de visuels. Le designer doit être un storyteller. Rien de mieux que les mots pour traduire l’immatériel. Il doit apprendre à raconter l’histoire de son projet, transmettre son approche et mettre en valeur la solution. Premièrement, écrire permet de capitaliser et prendre du recul sur le travail accompli, notamment avec son équipe ou ses pairs. Deuxièmement, il s’agit de faire de la pédagogie autour de la démarche design mais surtout, soyons bien clairs, de convaincre de futurs prospects.

A titre d’exemple, on peut citer l’une des boites de design que j’affectionnai beaucoup à l’époque où ils existaient encore, Theean+Lax qui a su partager toute l’essence et la passion autour de leur projet d’une façon magistrale !

Bien entendu, mon article n’est pas des plus aboutis sur le sujet et il y a bien d’autres contextes que je n’ai pas cité et qui font couler beaucoup d’encres aux designers. Mais je voulais simplement partager avec vous une première réflexion sur le sujet. Et vous cher designers, l’écriture fait partie de votre process ?

Jonathan Scanzi, co-fondateur de l’agence d’innovation service Évolt

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