035 — BRAVOURE

Thomas Tissot
100 mots pour 1 vie
2 min readMar 19, 2019
Photo by Alex Guillaume on Unsplash

Ce matin, sur le chemin du bureau, j’ai croisé un père qui tenait son fils par la main. Ils traversaient ensemble le passage piéton et mon attention a d’abord été attirée par ce petit garçon qui semblait bien consciencieux pour son âge.

Je l’ai vu regarder plusieurs fois de chaque côté pendant les quelques secondes qu’ont duré la traversée du passage piéton. Je me suis surpris à penser que ses parents avaient dû être particulièrement diligent sur ce point pour que, alors même que son père le tenait par la main, il soit aussi concentré et prudent.

C’est à ce moment là que j’ai remarqué la canne blanche.

Celle que son père tenait d’une main ferme mais souple et qui balayait la route dans un mouvement de balancier régulier.

Je me souviens encore, deux heures après cette rencontre furtive, du bruit de la canne lorsqu’elle rencontra le métal d’un panneau de signalisation qui se dressait sur le chemin du père au moment où celui-ci s’apprêtait à monter sur le trottoir.

Je me souviens du léger mouvement de recul qu’il a eu, de son fils qui le tire doucement par le bras pour lui indiquer la direction à prendre, comme une chorégraphie répétée mille fois, un ballet élégant, d’une douceur légèrement empreinte de tristesse et de mélancolie.

Je me souviens encore de la bravoure dans les yeux de cet enfant, cette détermination farouche que rien ne semble pouvoir arrêter. Celle que l’on observe dans le regard des gens investis d’une mission qui les habite, les porte et les dépasse en même temps. La confiance sereine de cet enfant qui semble vouloir crier à la vie : “Viens, nous t’attendons et nous sommes prêts !”, convaincu que rien ne pourra lui arriver tant que son père et lui seront là l’un pour l’autre.

Je me souviens de l’élan de compassion que j’ai ressenti alors que je les observais tous les deux. De la manière dont mon coeur s’est serré pendant plusieurs minutes, bien après que nos chemins se soient croisés, alors qu’ils étaient déjà loin.

Je me souviens de l’admiration et la tendresse que j’ai éprouvé pour ce duo à la fois impressionnant de courage et touchant par sa vulnérabilité.

Ce matin je n’ai vu ni la cécité du père, ni la peur du fils.

Non, ce matin je n’ai vu que de la bravoure.

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Thomas Tissot
100 mots pour 1 vie

J’écris chaque semaine sur la stratégie, la performance, la psychologie et les organisations. Retrouvez mes écrits sur : www.thomas-tissot.com