[Mapping] 100 Startups pour une meilleure agriculture

François-Henri Champagne
Études sectorielles
9 min readJun 22, 2020

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Objet de toutes les attentes, l’agriculture peine à se transformer. Focus sur 100 solutions qui ont le potentiel de changer les choses.

Les images de l’Amazonie en feu ont attiré l’attention du monde entier durant l’été 2019. Au-delà du désastre écologique qui découle de ces incendies, tant pour la biodiversité que pour le stockage du carbone, se pose la question de la pérennité de nos modèles agricoles. Selon une étude du FAO de 2015, 80% de la déforestation est due à l’agriculture. Et pourtant, en 40 ans, la surface arable par personne est passée de 0,41ha à 0,28ha du fait de l’augmentation des populations.

Le secteur agricole fait face à un besoin urgent de faire mieux avec moins, et c’est un véritable défi pour les acteurs qui le composent de concilier à la fois la demande générale pour une agriculture plus durable et le besoin de nourrir des populations toujours plus importantes.

Chez Citizen Capital, nous sommes convaincus que l’entreprise est un levier puissant pour adresser ces enjeux.

Nous nous intéressons à tous les projets se donnant pour mission de répondre aux défis sanitaires et environnementaux auxquels nous faisons face et dont le produit et le modèle peut transformer l’industrie.

L’objectif de cette étude est de dresser un panorama des enjeux de l’agriculture en France, de présenter les besoins des agriculteurs que nous avons interrogés et de positionner 100 solutions qui nous semblent à même d’y répondre. Si nous vous avons oubliés, que vous avez des remarques ou des ajouts, n’hésitez pas à m’écrire ici.

1. Une fracture de plus en plus grande entre offre et demande

Le secteur agricole subit une forte pression car les agriculteurs doivent faire face à deux logiques contradictoires : d’une part les citoyens demandent de produire toujours plus durablement, et d’autre part, l’industrie est structurée autour d’un modèle au volume, conduisant à maximiser la quantité produite à moindre coût, sans tenir compte de la qualité des produits et/ou de l’empreinte l’environnementale des modes d’exploitation.

Trois tendances générales structurent selon nous l’évolution actuelle du marché :

La nécessité d’une production moins nocive pour l’environnement. Beaucoup de progrès ont été réalisés pour augmenter les rendements dans les économies développées, mais des régions en voie de développement accusent encore un certain retard : en Afrique notamment, les rendements céréaliers sont par exemple encore trois fois plus faibles qu’en Europe (Banque Mondiale).

Dans les pays du Nord, l’enjeu devient aujourd’hui le maintien des rendements dans une phase de transition vers des modes d’exploitation moins éprouvants pour les terres.

Le travail de la terre, les rotations intensives ou encore l’usage de matières plastiques pour les couverts utilisés dans les modes de production intensifs ont causé des dégâts majeurs à la vie du sol, au stock de carbone qui y est présent et globalement à sa capacité à produire. L’ONU estimait en 2018 qu’une grande proportion des sols étaient dégradés (16% des sols en Chine), entraînant une dégradation en chaîne sur contamination de l’eau, les rendements et la qualité des cultures…

WWF Living Planet Index 2018

L’utilisation déraisonnée de pesticides et la suppression des haies ont également causé une forte diminution de la biodiversité : une étude publiée dans le journal Nature fin 2019 indique que les populations d’insectes ont diminué de 78% en Allemagne entre 2008 et 2017, posant un risque sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. Cette diminution n’est bien sûr pas causée uniquement par l’activité agricole, mais sur l’ensemble du règne animal, ce sont des milliers d’espèces qui se sont éteintes dans les dernières décennies, comme le montre le WWF avec son Living Planet Index ci-contre.

Un consommateur voulant consommer responsable, mais qui n’en a pas les moyens. Pour qu’une production plus responsable émerge, il est nécessaire que les consommateurs puissent faire porter leur voix et privilégier les nouveaux modes de production. Or, les options qui leur sont proposées manquent terriblement de visibilité . Les gouvernements ont bien initié des créations de labels, mais ceux-ci ont cependant eu jusqu’ici des succès variés auprès des consommateurs, qui peinent à les comprendre.

Seul le label bio est largement connu de la population. Ses limites sont pourtant nombreuses et variées. D’une part, il ne regarde que les produits utilisés lors de la culture. D’autre part, il n’évalue pas les conséquences des intrants naturels qui y sont autorisés (cuivre, etc…) sur la santé ou sur la terre. Enfin, son prix n’est pas accessible à tous. Des associations de consommateurs pointent même les effets d’aubaines qu’il crée pour certaines marques qui en profitent pour augmenter de manière exagérée leurs prix.

D’autres labels comme l’HVE (Haute Valeur Environnementale), Label Rouge ou CRC (Culture Raisonnée Contrôlée) ont fait leur apparition, mais leur pénétration reste faible, et leur lisibilité auprès des consommateurs pose question.

L’agriculteur, pieds et poings liés. Comment peut réagir l’agriculteur à cette situation ? S’ils peinent à changer leurs modes de production, c’est en partie à cause du fonctionnement du secteur.

Le modèle dominant de l’industrie les pousse en effet toujours à produire beaucoup et à bas prix, notamment pour satisfaire les demandes à l’export qui restent dépendantes des cours des matières premières. La formation à de nouvelles pratiques semble être par ailleurs un second obstacle pratique à l’émergence d’une nouvelle agriculture, ainsi que les capacités d’investissement des agriculteurs, très variables en fonction du type de culture qu’ils pratiquent. Innover représente un risque pour l’agriculteur, et l’accompagnement reçu, qu’il soit financier ou agronomique, reste insuffisant.

Les coopératives constituent un éventuel levier de changement dans ce domaine : elles ont la capacité de modifier leurs exigences envers les producteurs et de signer des contrats de gré à gré avec les industriels ensuite, ce qui permet la mise en place d’un pricing plus représentatif de la qualité des aliments. Seulement, modifications des exigences et contrôles de qualité sont des initiatives complexes à mettre en place et le secteur montre une certaine inertie au changement. De plus, les négociations sont difficiles entre coopératives et industriels, et la marge effectivement rétrocédée à l’agriculteur ne suffit pas forcément à compenser sa baisse de rendement.

2. Trois secteurs à transformer

Afin de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur, il nous semble judicieux de découper le secteur en trois grandes parties : l’amont (la production), la transformation/logistique et l’aval (la distribution).

La production agricole. Le secteur de la production est extrêmement atomisé (437 000 exploitations recensées en 2016 en France) et encore largement soumis aux cahiers des charges des industriels et des coopératives. Les nouveaux acteurs qui cherchent à s’y implanter proposent en général des solutions applicatives aux agriculteurs pour mieux gérer leur exploitation (agriculture connectée, de précision, OAD), de nouvelles machines ou de nouveaux intrants.

La concurrence est intense pour toutes ces solutions, mais la structuration du marché autour des coopératives permet de trouver facilement des distributeurs. La taille du marché adressable est très variable en fonction du coût à l’hectare des solutions et des cultures qu’elles visent : les arboriculteurs et vignerons ont un rendement et une marge plus élevés à l’hectare que les céréaliers et les maraîchers par exemple et donc un pouvoir d’achat plus important pour installer de nouvelles solutions.

Fortement connectés et en demande d’outils digitaux, les agriculteurs constituent une clientèle importante et relativement facile à toucher grâce aux nombreux distributeurs présents sur le marché.

La transformation et la logistique. Ce segment regroupe toute activité faisant l’intermédiaire entre la production et la distribution. Cela comprend le transport de la production agricole brute, ou de produits alimentaires finis, et la préparation de ces produits (cuisine, packaging…).

Ce sous-secteur est fortement influencé par l’omniprésence des coopératives et des grands groupes industriels qui structurent et fédèrent ces activités pour les acteurs amont de la production. On y trouve néanmoins quelques nouveaux acteurs cherchant à digitaliser le négoce de la production agricole (céréales, légumes, etc), ou l’achat de matériel.

La distribution. La distribution est historiquement dominée par la coopération entre le monde de la GMS et des FMCG, tous deux fortement remis en cause par les nouvelles attentes des consommateurs, en termes d’information, de traçabilité, de proximité avec les agriculteurs, de qualité ou encore de lutte contre le gaspillage. On y voit apparaître :

  • Des néo-distributeurs sous toutes formes : places de marché en prise direct avec le producteur, nouvelles franchises autour du vrac ou du local, ou encore distribution sous des formats répondants aux nouvelles attentes (e.g paniers repas). ;
  • Des applications d’information pour le consommateur : sur la composition des produits, leur origine etc… Ils viennent compléter les labels (label bio, HVE, label rouge, CRC etc…) dont les champs d’application et la compréhension par le consommateur sont inégales.

L’ambition de Citizen Capital : Accélérer la transition vers une agriculture durable

L’ambition de Citizen Capital est d’accélérer à la transformation du secteur vers une agriculture durable en accompagnant des entrepreneurs qui se donnent pour mission de répondre aux enjeux environnementaux et sociaux propres à cette transition. Nous investissons des tickets de 0.5 à 4M€, de l’early stage au capital développement, dans des projets dont le produit et le modèle ont le potentiel d’apporter une réponse systémique à une partie de ces enjeux. Cette ambition nous invite à privilégier des projets avec une approche neuve des contraintes et problèmes que connaît l’industrie et un potentiel de déploiement rapide et à grande échelle.

Notre conviction est que les entreprises qui poursuivent une finalité claire au service de la transition vers une agriculture durable, qui affirment une mission en ce sens, sont celles qui changeront leur marché et joueront un rôle structurant dans la transformation du secteur de l’agriculture.

Une partie de notre accompagnement implique d’identifier les indicateurs mesurant la réalisation de cette mission, et de placer ces indicateurs au cœur de la stratégie.

Dans un secteur comme l’agriculture, où l’Histoire avance vers une production plus durable, nous pensons qu’il relève de notre rôle de financeur de nous poser les bonnes questions avec les entrepreneurs : « Comment faire en sorte que mon produit résolve au mieux les besoins exprimés sur le marché ? Comment pourrais-je avoir plus d’impact ? Comment valoriser ensuite cet impact auprès de nos clients ? »

Plus d’information ici sur la thèse de Citizen Capital, ou comment mettre sa mission au cœur de sa stratégie.

L’illustration ci-dessous présente une liste non-exhaustive des enjeux auxquels le secteur agricole fait face et des exemples d’indicateurs qui permettraient de témoigner de l’impact des solutions identifiées.

3. Zoom sur la production agricole / Acteurs en présence

Nous avons choisi pour ce premier mapping d’examiner les startups françaises s’adressant aux agriculteurs. Nous allons faire notre possible pour le maintenir à jour. Si vous pensez qu’une solution est mal placée ou manquante, n’hésitez pas à nous écrire ici.

4. Conclusion

La pérennité de nos modèles agricoles étant sans cesse remise en question, le besoin de nouvelles solutions révolutionnant nos modes de production est plus pressant que jamais. Citizen Capital observe de nombreuses tendances constituant une base favorable aux entrepreneurs ambitieux voulant impacter positivement la société. Si vous vous reconnaissez dans ces valeurs, faites-moi signe ici.

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