Privilège nocturne

Instant d’Altitude n°3

Carine VIAL
1 livre, 1 don pour ACSE
2 min readJan 31, 2017

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Les nuits en refuge peuvent ressembler pour certains à une longue traversée en mer houleuse, théâtre d’une lutte effrénée entre le cerveau qui clame le besoin de reposer l’organisme et la symphonie des clairons résonnant dans les bas flancs… Un seul talisman pour faire triompher Morphée : les bouchons d’oreille !

Je suis, pour ma part, confrontée à un autre problème, victime de mon inconscient qui m’éveille fréquemment en plein milieu de nuit, et cela uniquement lors d’une nuitée en altitude… J’y vois comme une invitation à l’exploration et me glisse alors hors du dortoir, pour jeter un œil à l’extérieur.

La montagne nocturne, son calme et son apaisement, le bruit des cascades ou ruisseaux attenants qui, comme par miracle, ne s’arrêtent jamais ; la lueur de la Lune qui donne aux sommets environnants une majesté et une sévérité plus impressionnante qu’en plein jour. Si par bonheur la Lune est pleine, on peut aussi profiter d’un jeu de reliefs assez magique sur les étendues neigeuses environnantes : les contours sont redessinés, les contrastes accentués, le paysage revêt un masque tout autre que celui diurne. Une autre montagne, en quelque sorte…

Nuit étoilée en hiver, au refuge des Estagnous (Ariège, France)

Parfois même on peut, à la lueur de la frontale, voir s’allumer de minuscules loupiottes, proches et mobiles. Ce sont quelques chamois (ou isards dans nos montagnes méridionales), quelques belettes, hermines ou encore marmottes qui sont éblouis et effrayés de ce dérangement nocturne, à l’heure où la montagne leur appartient… Ces petits instants sont rares et précieux à la fois. Un privilège. J’aime aller en profiter alors que tout le refuge est endormi. J’aime essayer de partager cet émerveillement en faisant quelques piètres images de ciels illuminés au-dessus des sommets.

Nuit étoilée au refuge de Pontese (Grand Paradis, Italie)

Car c’est bien là aussi une attirance de la montagne nocturne. Des milliers de spots envahissent le noir de la toile céleste, dessinant des constellations dont je ne connais qu’une infime partie des noms, et laissant parfois émaner une Voie Lactée d’un blanc pur, tirant sur le jaune… Quel privilège que de contempler et être happé ainsi par un ciel aussi pur…

J’y reste volontiers de longues minutes, et c’est bien souvent le froid qui m’incite à écourter cette parenthèse revigorante et à recouvrer le repos, apaisée, des lucioles plein l’esprit…

Sortie nocturne au refuge des Ecrins (Ecrins, France)

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