Népal

Hommage aux porteurs

Robert ALEXANDRE
1 livre, 1 don pour ACSE
3 min readJan 19, 2017

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Lorsque la nuit, je vois mes rêves éveillés,
C’est parfois vers là-haut, que ma tête chemine,
Quand, du fond de mon lit, je sens sur ma poitrine,
Battre le cœur d’enfants, et d’hommes que j’y serrai.

Soir de fête pour eux, le trek se termine,
Quelques roupies en poche, ils reprendront la route,
Retrouvant leurs villages, leur famille, sans doute,
Pour demain, repartir, épuisante routine.

Leurs grands yeux me regardent, si démesurément,
Soumission ou envie, nul ne saurait le dire,
Dévoués jusqu’à l’extrême, et heureux d’accomplir,
En surhumains efforts, leur labeur écrasant.

Car c’est bien de travail, qu’il s’agit, pour ces gens,
S’ils ne font pas cela, ils ne mangeront guère.
Une poignée de riz, fait taire leur misère,
A quand un avenir, bien moins asservissant ?

Leurs danses et leurs voix, en leur charmant sabir *,
Quand le soir, au bivouac, ils posent leurs fardeaux,
Nous amusent et nous charment, nous, les occidentaux,
Malgré le froid, la neige, ils viennent pour sourire.

Et je revois l’enfant qui porta mon bagage,
Du haut de ses seize ans pourra-t-il continuer,
A monter des chemins, descendre des sentiers,
Arpenter les glaciers, jusqu’au bout de son âge ?

Maigres terres glacées, Népal des montagnes,
Pendant combien de temps, verras-tu arriver,
De tous les horizons, des avions négriers,
Obliger tes enfants asservis à ce bagne ?

Combien de temps encore avant ta rébellion,
Pour faire périr enfin, le ver dans le fruit,
Oublie donc pour cela la guerre de tes ethnies.
Mets ton peuple debout, contre la corruption !

Conscient de tes atouts, jaloux de tes désirs,
Travaille pour toi-même, tu vaux mieux qu’une obole,
N’oublie pas d’envoyer tes enfants à l’école,
Assure à tous les tiens un meilleur devenir !

Les neiges de là-haut, et bien sûr, la Montagne,
Attireront toujours l’Homme en Himalaya,
Et il faudra toujours porter depuis Lukla,
Il n’y a que sentiers, au pays de cocagne.

Mais quand viendront alors, ces jours d’égalité,
Le portage au Népal, culturelle entreprise,
Humainement choisie, décidée et transmise,
Ouvrira l’avenir, en toute liberté.

Irons-nous, montagnards, lorsqu’il faudra, un jour,
Embaucher des porteurs pour un juste salaire ?
Les montagnes du Népal qui deviendront plus chères,
Garderont-elles l’attrait qu’elles ont depuis toujours ?

Lorsque la nuit, je tais mes rêves éveillés,
C’est souvent tout là-haut, que ma tête chemine,
Et du fond de mon lit, je sens dans ma poitrine,
Battre l’espoir d’enfants et d’hommes, que j’y aimai.

Vue sur Sagarmatha (8848m), nom népalais de l’Everest, depuis le col Ranjo Pass 5340m

Robert
Bourguignon 2015

* sabir : langue usuelle dérivée des langues maternelles différentes des deux interlocuteurs

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