Les récits du Cycle 21 | Serons-nous encore vieux en 2050 ?

Marie Alméras
Le 21
Published in
8 min readOct 5, 2019

L’accompagnement de la perte d’autonomie liée au vieillissement s’est structuré depuis son origine sur la notion d’âge. Alors que la fin de vie survient de plus en plus tardivement, que signifiera vieillir en 2050 ? A quoi ressembleront les liens familiaux ? Continuerons-nous de mener des efforts sans précédent en matière d’inclusion, d’autonomie, de maintien à domicile ? Les structures d’accueil auront-elles disparu ?

Pour répondre à ces questions, Mathieu Baudin, fondateur de l’Institut des Futurs souhaitables, a accompagné les participants au premier événement du cycle de 21 sur la longévité, dédié à la prospective. L’objectif ? Voyager dans le temps et imaginer ce qui nous attend dans 30 ans. Alors, serons-nous encore vieux en 2050 ?

Répartis en groupes, les participants ont imaginé une journée en 2050 d’une personne âgée afin d’ouvrir le champ des possibles, accentuer les modes, les peurs et les tendances du présent, bousculer les représentations, les systèmes, et penser la transition de nos organisations et de notre société.

Pour lancer le premier cycle d’événements de 21 sur la longévité, et en attendant les prochaines étapes (décryptage, co-création et solutions), nous vous proposons de parcourir les récits imaginés par les seniors de 2050.

Nous remercions chaleureusement Yannick Blanc, vice-président de La Fonda, Nicolas Menet, directeur général de Silver Valley et de Mélissa Petit, docteure en sociologie et directrice de Mixing Générations, dont nous allons publier les interviews la semaine prochaine, ainsi que Christiane Flouquet (CNAV Île-de-France) pour le soutien au cycle 21, et Isabelle Dufour (Gérond’if).

Une journée de senior à la ville en 2050

Je m’appelle Brenda, je suis transgenre depuis 2031 et j’ai 90 ans. Il est 7h50, nous sommes en octobre 2050. Je me réveille. Mon voisin m’amène mon petit-déjeuner parce que j’ai gardé ses enfants hier. J’ai décidé d’aller m’acheter des talons aujourd’hui. Eh oui, je peux encore marcher à mon âge, j’ai un exosquelette invisible. Pour aller faire mes emplettes, je prends une voiture sans chauffeur. Mon miroir m’a proposé différentes activités. Il me demande de choisir ce que j’ai envie de faire. L’option farniente ? Pas aujourd’hui. Aujourd’hui, j’ai envie de découvrir de nouvelles activités.

Le matin, je vais passer mon check-up bi-annuel de prévention qui est remboursé par la sécurité sociale. Lorsque j’arrive au centre, je me rends compte que j’ai un organe défaillant : mon foie. Et oui, je n’ai pas été si raisonnable étant jeune. Il est remplacé illico, grâce une impression 3D. Deux heures plus tard, je suis sur pied.

Je suis en retard pour mon rendez-vous car je suis vice-présidente de la communauté de citoyens — oui, il n’y a plus de mairie. Nous nous réunissons pour travailler sur l’aménagement de la ville. Nous avons un débat depuis la disparition des véhicules individuels. Le tout communauté pose problème à certains, qui clament avoir ras-le-bol de la voiture-kolkhoze.

Une fois ma réunion terminée, je rejoins un date avec Kévina, que j’ai rencontrée au spa il y a quelques temps. Elle me révèle qu’elle est amoureuse. L’accélération des démarches administratives nous permet de nous marier dans les 48 heures. La préparation administrative du mariage me permet de parler de notre mort librement et des services m’ont été proposés pour la gérer sans tabou.

Je rentre dans ma résidence partagée et intergénérationnelle, et emmène Kévina. Nous célébrons notre union avec tous les habitants de ma résidence. Maintenant, c’est le moment de repos.

Une journée de senior chez soi en 2050

En 2050, chez soi devient chez nous. L’accroissement de la population a réduit la taille de nos espaces personnels, le prix du mètre-carré flambant, la colocation se généralise, y compris chez les seniors. Colocations entre seniors ou intergénérationnelles, tout est possible dans des nouveaux logements, toujours plus modulables et capables de s’adapter à chaque mode de vie. Les réseaux sociaux, les nouvelles technologies me maintiennent en contact avec ma famille, où qu’elle soit.

Du fait de l’émergence de lieux de vie commune, je fais partie d’une communauté : les espaces personnels manquent, mais les espaces communs prennent de l’ampleur. Ces lieux de vie, qui sont aux portes de nos logements, sont des lieux d’échanges, où nous pouvons produire ensemble : des fruits et des légumes dans nos jardins partagés, de l’énergie via des panneaux solaires ou des systèmes communs de biogaz. Cette vie en communauté entraîne un recul des maladies cognitives et comportementales : je vis mieux et plus longtemps.

En 2050, les progrès de la science et la banalisation de technologies prédictives améliore considérablement notre état de santé. L’aide à domicile se porte moins sur la santé et les tâches ménagères (qui je peux gérer moi-même ou par mes voisins), et plus sur la lutte contre la solitude et le renforcement de lien social, ainsi que sur l’accompagnement physique et sportif.

En 2050, ma vie de senior est encore active. Le recul de l’âge de la retraite m’a poussé à une vie professionnelle prolongée, mais en autonomie. Je travaille à domicile, que ce soit pour gagner de l’argent, mais aussi pour venir en aide à ma communauté. Je suis libre de gérer mon temps, cela me donne plus d’espace pour m’engager.

Une journée de senior en famille en 2050

Matin d’octobre. Je me lève en bonne santé, en famille, ma puce électronique me rappelle de faire mes exercices. Les humains ne meurent plus car l’introduction d’une puce dans le corps permet de soigner automatiquement toutes les maladies.

Je vais cueillir fruits et légumes dans le jardin, dans le Nord-Pas-de-Calais. Il fait quand même 2 degrés de plus. Je prends mon petit déjeuner avec toute la famille et les voisins. Il est 16 heures à Hong Kong. Je prends mon petit-déjeuner avec ma mère en hologramme. Autour de la table, on se répartit les tâches : la loi et les entreprises laissent du temps libre pour accompagner les aînés. A la suite d’une crise écologique en 2028, une prise de conscience collective a poussé jeunes et personnes âgées à travailler main dans la main !

Un écran clignote, il s’agit d’un téléviseur de contrôle qui permet de connaître les besoins d’aide de chacun. Tout le monde devient aidant. Comme il n’y a plus de maisons de retraite, les aînés sont accompagnés et assistés par les enfants et la famille. Au fond, ça se passe comme au XXe siècle. Aujourd’hui, tous les efforts de prise en charge sont aidés fiscalement par l’État.

Après le petit-déjeuner, chacun part au travail, voir ses parents ou ses amis pour jouer, pour participer à la vie de la communauté. Le travail répond aux besoins de la communauté, il y a un grand nombre d’associations qui permettent de partager les compétences.

La journée dépend des besoins de chacun. Toute le monde doit travailler, mais les métiers dans l’aide sont valorisés. Tout le monde participe à l’éducation des enfants. Le soir, certains font du sport, certains repartent travailler. Les personnes âgées sont plus valorisées que les jeunes. Le soir, ils transmettent leurs savoirs et racontent des histoires aux autres.

Une journée de senior à la campagne en 2050

Je me lève pour participer à des activités communautaires, de transmission des connaissances, éventuellement à des activités génératrices de bien commun. Je peux former des jeunes à la fabrication de produits éco-responsables. Le soir, je participe à des activités culturelles parce que je me suis installée dans une région rurale.

Je fais partie intégrante de la société. Je peux me déplacer librement et de manière adaptée, les amis peuvent se déplacer librement pour venir me voir. Les gens viennent me rendre visite pour faire appel à mes savoir-faire. Je ne me sens pas isolé et je peux me déplacer facilement dans toute la France.

La différence majeure avec avant le mode de vie à la campagne de 1950 concerne la rupture technologique. Grâce à la technologie, je peux suis autonome, je n’ai besoin de personne pour faire mes courses, prendre des rendez-vous ou faire mes démarches administratives.

Mon espérance de vie est plus longue. Je ne suis pas parti à la campagne pour mourir, mais pour y vivre ! Les zones rurales ne sont pas désertées par la jeunesse car grâce au télétravail, ils peuvent y vivre sans problème.

Une journée de senior en structure en 2050

Je vis à Tours. Je me lève à 10 heures après une bonne grasse matinée. Je prends mon petit-déjeuner bio tout en choisissant le tiers-lieu dans lequel je souhaite me rendre ce matin, à l’aide d’un écran transparent tactile qui s’affiche devant moi. Je décide de faire une séance de taekwondo, puis de me rendre virtuellement au Moma de New York accompagné par mon ami Théo qui a 16 ans. Je déjeune ensuite avec mes amis dans un petit restaurant sympa.

L’après-midi, je participe à la séance collective de réflexion qui consiste à débattre autour du concept de chimère. Ces séances de démocratie participative visent à réfléchir ensemble (toute génération confondue) à des solutions concrètes autour d’enjeux de société pour ensuite les faire remonter à l’Etat. Je termine cette journée chez moi, en dînant avec des membres de ma famille présents au travers des hologrammes.

What’s next ? Suivez l’intégralité du cycle de 21 sur la longévité :

  • Décryptage | Silver tech(s) : quel cadre éthique ? — 24 octobre 9h — 10h30 | En savoir plus et s’inscrire ici
  • Décryptage | Le projet de loi Grand Âge & Autonomie changera-t-il la donne ? — 8 novembre 9h — 10h30 | En savoir plus et s’inscrire ici
  • Workshop | Rendre aux seniors le pouvoir d’agir — 28 novembre 14h — 18h | En savoir plus et s’inscrire ici
  • Solutions | Pitch night : les solutions du bien vieillir — 28 novembre 19h — 20h30 | En savoir plus et s’inscrire ici

Vous avez une question, un commentaire ou vous souhaitez devenir partenaire de 21 ? N’hésitez pas à me contacter : marie.almeras@croix-rouge.fr

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