Programme Intrapreneuriat | Les 4 projets lauréats de la Saison 3
La crise sanitaire du Covid-19 nous a montré que, plus que jamais, il fallait innover pour nous adapter à des besoins sociaux en constante évolution. Selon la dernière estimation des associations, ce sont 1 million de français qui ont basculé dans la pauvreté depuis le début de la crise sanitaire. Couplé à ce constat, nous assistons à la recrudescence d’autres souffrances : l’isolement social, la surcharge des aidants ou encore les violences domestiques.
En cette période de crise, où la mobilisation est au plus haut dans les établissements et hors-les-murs, il est essentiel de ne pas perdre de vue une réflexion plus long-terme. C’est pourtant ce qu’ont réussi à faire les intrapreneurs en devenir que nous vous présentons aujourd’hui et qui, malgré la crise sanitaire éprouvante que nous traversons, se sont demandés : “Comment faire mieux pour les personnes que nous accompagnons ?”
En mai dernier, 21, l’Accélérateur d’Innovation Sociale de la Croix-Rouge française, lançait l’appel à projets de la troisième saison de son programme Intrapreneuriat. Parmi les 43 candidatures reçues, dix ont été présélectionnées en fonction de l’urgence du besoin adressé, l’intérêt de la solution et la motivation du porteur de projet. Les dix salariés et bénévoles de l’association ont présenté leurs projets devant un comité de sélection, composé d’experts métiers, d’acteurs de la gouvernance de la Croix-Rouge française, de l’accélérateur 21 et de ses partenaires : AG2R LA MONDIALE, la Fondation Devoteam, l’Agence Sphères et Nexem.
« De beaux projets révélateurs de l’engagement des salariés et des bénévoles de la Croix-Rouge française. » — Romain Ganneau, Responsable des initiatives sociales chez AG2R La Mondiale
Comme toujours, les comités de sélection sont un moment de partage pour l’ensemble de la communauté de 21. Tous les acteurs que nous côtoyons et avec lesquels nous travaillons au quotidien durant l’année, peuvent alors se rassembler et découvrir les nouvelles initiatives du réseau mais aussi partager et débattre sur leurs visions de l’innovation sociale. Ce qui fait la richesse de ces moments est aussi le partage d’une vision commune du monde, où entreprendre des projets innovants signifie également s’engager pour faire bouger les lignes.
Au cours de ce premier comité entièrement à distance, les membres du jury étaient répartis dans des salles virtuelles pour assister à l’ensemble des présentations. Ils ont évalué les projets selon 4 critères :
- La qualité du projet présenté et la finesse de la problématique identifié ;
- La motivation et la posture de l’intrapreneur et de son équipe ;
- L’opportunité pour la Croix-Rouge française et les personnes qu’elle accompagne ;
- La pertinence pour le projet de bénéficier de l’accompagnement de 21.
« Bravo pour l’organisation de cette saison 3, la première totalement en visio, sans rien perdre de la dynamique des échanges ! » — Fabienne Pioch-Laval, déléguée de la filière sanitaire à la Croix-Rouge française
Voici les 4 lauréats du programme Intrapreneuriat de la troisième saison de 21 :
1 | Visites à domicile pour personnes isolées
« On a tous une seule et même Croix-Rouge sur le cœur. » — Sylvie Béjat
Sylvie Bejat | Bénévole Croix-Rouge Chez Vous pour la Croix-Rouge française de Caen, ancienne cadre DT (MS), formatrice PSE1/PSE2, chef d’intervention, Normandie.
Au cours d’une action de terrain pour le dispositif Croix-Rouge Chez Vous, Sylvie Bejat a pu rencontrer une famille avec2 enfants en situation de handicap qui avaient de grandes difficultés à trouver des professionnels de santé à domicile pour les accompagner. La crise du covid, n’a fait que renforcer ce phénomène d’isolement : les professionnels se déplacent moins, les personnes vulnérables subissent d’autant plus leur isolement et se retrouvent seuls pour accomplir tout un tas de démarches que ne peuvent plus assurer les services publics, faute de temps.
Pour trouver une solution à cette problématique, Sylvie a imaginé la mise en place d’équipes allant vers les personnes en difficultés avec des enfants ou adultes en situation précaire. L’équipe aurait pour mission de créer un lien de confiance et d’écoute auprès de ces personnes pour les accompagner au mieux dans leurs démarches et leur parcours de santé.
Les mesures de confinement des populations ont à la fois révélé et aggravé l’isolement social en France. L’accompagnement de Sylvie et de son projet ont pour objectif de permettre à la Croix-Rouge française de développer de logiques de visites à domicile et d’entraide de proximité dans le voisinage.
2 | Bus Connecté de Téléconsultation
« Certaines personnes peuvent avoir jusqu’à 1h-1h30 d’ambulance pour accéder à un rendez-vous médical de 30 minutes. » — Bruno Legallicier
Bruno Legallicier | Médecin chef de service de Néphrologie-Dialyse et Médecin-Chef d’établissement à l’Hôpital-HAD-BOIS-GUILLAUME de la Croix-Rouge française de Normandie.
Le dépistage, le diagnostic précoce et le suivi des maladies chroniques, ne bénéficient pas actuellement des outils les plus adaptés. Il existe une disparité d’accès aux structures de santé des zones rurales et semi-rurales notamment pour des populations qui sont en général des patients âgés et plus défavorisés. La démographie médicale ne permet pas à certaines spécialités d’être à disposition selon une répartition homogène sur les territoires et les ressources médicales sont effectivement concentrées en zone urbaine. Ces spécialités doivent pourtant prendre en charge des affections chroniques qui peuvent aboutir à des pathologies lourdes et coûteuses. Leur prévention primaire et secondaire est un enjeu majeur pour réduire le nombre de ces malades le plus souvent âgés, socialement défavorisés ou isolés.
La solution envisagée par Bruno Legallicier et son équipe est simple et combine deux principes : aller vers les populations-cibles des zones rurales sans déplacer les ressources médicales des métropoles régionales. Le projet envisage de créer une flotte de bus connectés avec du personnel soignant formé à l’utilisation d’outils médicaux connectés avec des médecins spécialistes dans leur hôpital assurant par acte de télémédecine, prévention, diagnostic précoce, éducation thérapeutique et suivi au plus près des patients en collaboration avec le réseau de médecine générale.
Le test de ce dispositif permettra de stimuler le développement de dispositifs mobiles, dits du “aller-vers”, à la Croix-Rouge française autour des questions de prévention et de diagnostic précoce et ainsi aider à réduire la prise en charge de maladies chroniques. Duplicables à d’autres régions et d’autres spécialités, ce dispositif s’inscrit dans la lignée des principes et valeurs de la Croix-Rouge française d’accompagnement des personnes vulnérables — ici, loin des complexes médicaux.
3 | Sensibus
« Ce bus sensoriel est un véritable outil pour nous et permet d’avoir une ouverture sur le monde. On peut l’utiliser dans sa mobilité propre pour se laisser envahir par l’environnement naturel, les odeurs et les bruits. » — Geneviève Cariou
Geneviève Cariou | Directrice d’établissement à la Maison d’Accueil Spécialisée de Lanton (33138) à la Croix-Rouge française en Nouvelle Aquitaine.
Pendant la crise sanitaire du Covid-19 et le confinement, de nombreuses personnes en situation de handicap se sont retrouvées dans des situations complexes. Malgré l’invitation du Ministère de la Santé début avril à remettre en place l’accompagnement médico-social à domicile (ergothérapie, psychomotricité, soutien éducatif, etc.), le confinement a sonné la suspension des soins assurés par des professionnels auprès de nombreux enfants handicapés. 87 % d’entre eux n’ont en effet bénéficié d’aucune rééducation à domicile (sondage du collectif Handi-actif). La situation est particulièrement alarmante pour les proches aidants. Durant le confinement, 55 % des aidants ont dû effectuer des actes habituellement pratiqués par des professionnels avec des conséquences sévères sur la charge mentale et physique.
Lors d’une journée pluvieuse durant le confinement, l’équipe de la MAS de Lanton a donc imaginé un Bus sensoriel. Composé de matériel sensoriel répondant aux différents sens : somatique (enveloppe corporelle), vestibulaire, vibratoire, sonore, olfactif, visuel et cognitif, le bus permet d’apporter une réponse complémentaire sur ce territoire et de répit aux aidants familiaux. Enfin, à l’interface des méthodes de stimulation basale, Communication Alternative Améliorée (CAA) et snoezelen, il offre une parenthèse de bien-être aux personnes en situation de handicap.
L’accompagnement à la structuration et aux tests du Sensibus ont pour objectif de développer une réponse Croix-Rouge hors les murs aux personnes en situation de handicap ou de poly-handicap. Après des tests en Nouvelle Aquitaine, le dispositif pourrait s’étendre à d’autres régions et d’autres publics aux besoins sensoriels spécifiques (personnes atteintes d’un trouble du spectre autisitqiue, personnes âgées, etc).
4 | Modul’air
« L’idée pour moi est de pouvoir mener ce projet qui est celui de proposer une solution alternative à la prise en charge hôtelière pour se tourner vers un habitat plus écologique et permettre au plus grand nombre d’avoir accès à ces solutions. » — Thomas Macquaire
Thomas Macquaire | Référent de suivi social au Pôle Régional d’Accompagnement Social des ménage hébergés à l’hôtel de la Croix-Rouge française de Mesnil-le-Roi en Île-de-France.
Le dispositif lié à la prise en charge hôtelière des familles est actuellement en tension. Les demandes non pourvues, les fermetures des hôtels ou le changement d’activité amènent le PHRH (Pôle Hébergement et Réservation Hôtelière) à l’absence de réponses adaptées. Aujourd’hui, les changement de situations professionnelles ou personnelles ne permettent plus d’accéder comme la norme exige vers de l’habitat classique et durable. La crise sanitaire n’a fait qu’accentuer ces besoins.
Le projet a pour but de proposer des alternatives à l’habitat classique pour le public exclu de l’insertion par le logement classique. Aujourd’hui, les places libérées à l’hôtel pour le 115 reposent essentiellement sur une convention passée avec le PHRH. Demain, il pourrait être possible d’imaginer des hébergements modulaire (Mobil home, tiny house ou containers), en partenariat avec les campings par exemple. Cette alternative pourrait répondre à la difficulté de créer de nouveaux CHRS ou CHU en raison de leur coût élevé et permettre de réaliser des économies tout en répondant à une autre forme d’hébergement d’urgence.
Les conditions de vie des plus précaires se sont considérablement dégradées pendant la crise sanitaire. Le dispositif expérimental de Modul’air permettra de tester, au sein de la Croix-Rouge française, des modes d’hébergement alternatifs à l’hôtel social — coûteux, exigu et particulièrement peu adapté en période de confinement. Des tests seront conduits dans un premier temps en Île de France, particulièrement concernée par l’exclusion et la pénurie de logement, mais pourront s’étendre plus tard à d’autres régions.
