S01 E06 : Bienvenue au pays de Kandy

vincent d'internet
28 jours au Sri Lanka
8 min readFeb 10, 2015
Le lac de Kandy sous la pluie (crédit : Vincent Manilève)

Comme d’habitude, nos découvertes commencent dans un car. Cette fois, le trajet Dambulla n’a pas duré plus de 3 heures, mais il nous a fait quitter les terres relativement plates du nord du Sri Lanka pour les montagnes tropicales du centre. Kandy est la capitale spirituelle du pays, on y trouve d’ailleurs une relique très importante, une dent de Bouddha, mais aussi son centre géographique, posé autour d’un lac entouré de collines abruptes et verdoyantes. Nous ne le savions pas encore, mais nous allions affronter l’un des pires épisodes pluvieux qu’il nous ait été permis de voir.

Avant cela, il faut arriver à notre guesthouse, située légèrement à l’écart du centre-ville, mais sur un grand axe de circulation. Notre chauffeur de tuk tuk, hésitant, fini par s’arrêter pour demander son chemin à un vieil homme, que tout le monde semble connaître dans le coin. Souvenez-vous de lui, nous allons le recroiser.

« Méfiez-vous de lui »

Le marché “caché” de Kandy (crédit : Vincent Manilève)

Une fois nos sacs posés à la guesthouse Madugalle, charmante maison décorée et très bien tenue par une vieille femme adorable prénommée Kumari, nous partons pour le lac. Sur le chemin, près de la grande rue commerçante, un homme se baladant avec une canne vient nous parler, en Français. Il nous explique que dans le marché juste à côté, on peut trouver des épices, du thé, de la soie et des vêtements bien moins chers qu’ailleurs dans le pays. Sans même attendre que l’on hésite, il nous entraîne vers la boutique d’un ami à lui, qui vend des jeans, des chemises et des foulards en soie, pour des prix effectivement très intéressants. Le vendeur nous montre ensuite une épicerie, et en profite pour nous faire une confidence : « méfiez-vous de l’autre, il vient parler aux gens, les convainc de venir au marché pour voir combien ils ont sur eux, puis tente de les voler. » Une nouvelle fois déçus par une personne qui nous semblait très amicale au premier abord, nous repartons du marché, suivi par l’homme à la canne. Après l’avoir finalement semé, nous nous dirigeons vers le Temple de la Dent.

Hasard du calendrier, nous sommes arrivé le 3 février, jour spécial pour les Sri Lankais qui célèbrent la Full Moon (appelée aussi poya). Rien à voir avec les hystériques full moon parties asiatiques, la poya interdit les spiritueux, elle ne fait que dans le spirituel. Des milliers de croyants se rendent au Temple, situé au bord du lac, pour faire des offrandes à Bouddha et se recueillir dans les lieux de cultes alentours. Ils seront nombreux aussi à rester toute la journée pour prier, qu’il vente ou qu’il pleuve.

Les fidèles achètent des fleurs comme offrandes pour Bouddha (crédit : Vincent Manilève)

Notre visite du Temple, qui se fait pieds nus, question de respect, a été particulièrement intéressante puisqu’elle nous a fait vivre une véritable célébration locale. Il y avait dans les couloirs plus de monde et de bousculades qu’un premier jour de soldes. Les petites vieilles jouent des coudes pour nous dépasser et accéder au reliquaire, et les enfants se faufilent pour attraper des fleurs et les rapporter à leurs parents. Pas le temps de prendre en photo la fameuse dent, la mémé rancunière de tout à l’heure voulait vraiment déposer son offrande. C’est en ressortant du temple que l’on comprend pourquoi tout le monde était pressé d’y rentrer : une pluie tropicale avait commencé, et des trombes d’eau inonderont les rues pendant de longues heures encore.

Aquaboulevard sri lankais

Equipés d’un simple k-way et complètement trempés, nous tentons de parcourir les temples alentours, impressionnés par la ferveur ambiante mais aussi parfois gênés de mettre notre nez d’Européens dans leur sphère spirituelle intime.

Quand nous ne sommes plus que chaussettes noyées et nez dégoulinant, nous cédons à l’appel du tuk tuk et rentrons à la guesthouse nous sécher. Mais notre mésaventure avec la pluie n’était pas finie. Alors que le ciel nocturne semblait apaisé, nous sommes allés manger dans un restaurant musulman délicieux mais à l’hygiène douteuse. Les couverts étaient encore gras et crasseux, nous poussant à manger notre « kabul rotti » avec les doigts. Un plat délicieux au passage, qui rassemble dans une crêpe viandes légumes et épices. Interloqué, le serveur a même voulu prendre lui-même l’infâme couteau pour couper notre nourriture. Dans une scène au ralenti quasi-parfaite, Marion et moi avons lancé un « NO NO NO NOOOOO » sans aucune retenue ni ménagement. Vexé, le serveur a boudé pour le reste du repas.

Dehors, la pluie était revenue. Dans un élan de stupidité et d’orgueil adolescent, nous avons décidé de courir les quelques kilomètres qui nous séparait de grand-mère intérimaire, Kumari. Pour vous faire prendre conscience du flot qui tentait de nous submerger, Marion m’a suggéré l’expression suivante : « c’était vraiment comme l’Aquaboulevard ». Je dirais, plus modestement, que nous avons tenté de filer entre les gouttes, sautant de dalle bancale en trottoirs troués, échouant 9 fois sur 10 en voulant esquiver le torrent qui faisait face à nous. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi mes sauts acrobatiques ont fait rire les passants plutôt que de provoquer l’admiration et le respect que je méritais. Notre hôte non plus n’a pas masqué son sourire quand elle nous a découvert, pour la seconde fois en quelques heures, entièrement trempés.

Le gars, il mange du feu, tranquille

Le lendemain matin, en voyant le ciel bleu, nous décidons de faire le tour du lac, en passant par différents points de vue offerts par les collines alentours. Hasard du calendrier, une fois encore, les Sri lankais fêtent le 67ème anniversaire de leur indépendance. Des festivités sont prévues à travers le pays et nous espérons bien y participer à Kandy. Quelques minutes après notre départ, aux abords du lac, un vieil homme, qui cette fois trimbalait un parapluie, nous aborde. Il nous explique qu’il est professeur de danse et que ce soir-là, un grand spectacle est prévu au centre culturel. Il nous affirme également que le président sri lankais en personne, le tout juste élu Maithripala Sirisena, sera présent pour une cérémonie officielle au Temple de la dent. Il nous promet des éléphants et de singes dansant. Il nous a convaincu à « singes dansant » (moi en tout cas).

(Nous découvrirons par la suite, en lisant les journaux anglophones, que le vieil homme nous racontait des bobards : le président était à Sri Jayawardenapura Kotte, la capitale sri lankaise, et les macaques dansant partout mais pas à Kandy.)

Après quelques bavardages des plus classiques, il nous reconnaît : c’est lui qui nous a orienté notre tuk-tuk la veille. Il nous fait une accolade et nous emmène à côté, dans l’école où il enseigne. Il remplit parfaitement son rôle en expliquant que l’école est gratuite et surtout destinée aux enfants des villages alentours. Il nous montre alors un hangar, où des centaines de bureaux sont alignés. C’est la salle de cours. « Il y a plus de 1300 élèves dans notre école », lâche-t-il, sans cacher sa fierté. Il se lance alors dans quelques mouvements de danse et raconte le quotidien de ses protégés, entre cours spirituels avec un moine, cours d’écriture, de lecture, de géographie, et de danse évidemment.

Le professeur de danse (et affabulateur à ses heures perdues) pose dans la salle de classe. (crédit : Vincent Manilève)

Il nous offre le thé, nous fournit des tickets pour le spectacle de danse, et nous propose d’acheter des tentures réalisées par les enfants eux-mêmes. « C’est pour les aider » explique-t-il. Notre culpabilité d’homme blanc n’a, cette fois, pas pris le dessus sur notre porte-monnaie déjà mince.

Des ados jouent avec un cerf-volant près de la statue de Bouddha qui surplombe la ville. (crédit : Vincent Manilève)

Après avoir visité un gigantesque Bouddha trônant au-dessus de la ville, et admiré la vue depuis plusieurs points de vue panoramique, nous nous dirigeons vers la salle d’art, où le spectacle ne va pas tarder à commencer. Malgré un public uniquement étranger et un spectacle qui lui est dédié, les danses sont plaisantes à voir, qu’elles soient dédiées aux divinités, au feu, aux paons, où aux récoltes. Le clou du spectacle arrive quand deux danseurs, qui avaient déjà passé des torches enflammées sur leurs bras sans broncher, décident de marcher sur des braises ardentes. Crépitements ininterrompus d’appareils photos dans la salle, le public est conquis.

This man is on fiiiiiiiire.

Quand nous rentrons le soir, le repas et déjà prêt : notre hôte a préparé un délicieux rice & curry, constitué de pommes de terres sucrées, de haricots marinés dans une sauce douce, et de poulet épicé tout aussi délicieux.

Des chauves-souris grosses comme des lolcats

Pour notre dernier jour à Kandy, nous avons décidé de quitter un peu la ville pour visiter les alentours, et notamment le jardin botanique de Peradeniya. Après un massage ayurvédique pour Marion, nous prenons à nouveau le bus pour visiter les palmerais hollywoodiennes du jardin.

Lac du jardin botanique de Peradeniya (crédit : Vincent Manilève)

Comme à l’accoutumé, des singes accompagnent notre marche, mais cette fois, une nouvelle espèce animale s’est invitée dans notre quotidien : une immense chauve-souris, grosse comme un lolcat et dont l’envergure atteint facilement 1,50 mètre. Nous parcourons ainsi plus de 500 mètres, les yeux levés vers les arbres, où des milliers de chauves-souris se reposent, à la fois fascinés et inquiets à l’idée que l’une d’entre elles décide de venir faire du rase-motte trop près de notre tête. De nombreux couples adolescents choisissent d’ailleurs ce jardin pour leurs premiers rendez-vous romantiques, se prenant en photo et se baladant mains dans la main dans les allées les plus tranquilles.

COUCOU les chauves-souris.

Nous avons aussi croisé nos voisines de la guesthouse, deux Allemandes en roadtrip dans l’océan indien. L’une d’entre elles a déjà vécu au Sri Lanka par le passé, pour faire son service civique à Colombo, dans une association de défense des femmes. Le 26 décembre 2004, lorsque la première vague du tsunami frappe les côtes sri lankaises, elle venait de quitter en voiture les plages de Galle, ville très touchée par la suite. Consciente de la chance qu’elle a eu, le traumatisme n’en reste pas moins important et a mis longtemps à cicatriser : « Cela fait dix ans, c’est le temps qu’il m’a fallu pour revenir », nous dira-t-elle.

Dans le prochain épisode : éléphanteau sauvage, chiens violents, surf, « Tsunami Hotel » et « bisous bisous ».

Unlisted

--

--