Women’s rights in the Maghreb. Short-stories
by Randa Aimour & Soumeya Lerari
The four short stories presented belowfollow a sort of chronological order and mixes stories of a wide spectrum of Maghrebi women’s experiences between the past, the present and the future we foresee and call to work for. As such it draws on the realities of today’s women in the Maghreb but do not pretend to cover or represent all of them.
Une Liberté Recouvrée (Soumeya Lerari)
Quelle joie ! La liberté est à nous, nous avons recouvert ce bien précieux, ce bien si cher qu’on nous avait ôtés pendant plus d’un siècle. Il suffit de faire un pas au balcon pour entendre des youyous fusant de toutes parts. Un mélange de voix stridentes et graves, ponctuées par des cris et des pleurs, difficiles de savoir si ce sont des larmes de joie ou de tristesse.
Contrairement à ce qu’on veut bien faire croire, beaucoup de femmes ont directement participé à penser et réaliser des opérations sur le terrain et ont été des éléments décisifs dans cette longue et douloureuse guerre de libération algérienne. Je reste perplexe en voyant que nous ne sommes pas reconnues. Nous sommes d’ailleurs présentées seulement comme infirmières et éléments de soutien des hommes. A l’exception de certaines comme Hassiba Ben Bouali, ou bien avant, Lalla Fatma Nsoumer, nos noms s’effacent peu à peu, tombent dans l’oubli.
Le temps est à la célébration ! Je pars fouiller dans la maison et rassemble des chiffons et des morceaux de tissus verts, rouges et blancs. Mon butin en main, je file rafistoler le tout pour confectionner un drapeau. Ce drapeau que j’ai toujours souhaité emporter avec moi dans ma tombe.
Je n’oublierai jamais ce jour-là. L’espoir que j’avais alors pour mon Algérie et ses enfants était immense. J’étais aussi tellement excitée de penser que nous, femmes algériennes allions continuer d’acquérir nos droits légitimes. L’avenir ne pouvait qu’être meilleur.
Cette même année, en 1962, nous Algériennes obtenions le droit de vote, alors que la première constitution algérienne accordait à la femme les mêmes droits et le même statut qu’à l’homme. Notre participation à la guerre de libération n’était pas étrangère à ce fait paraît-il.
Rapidement, nous accédons à l’instruction de masse, du jamais-vu. Les coutumes locales sont toujours très rigides cependant, et il sera difficile de persuader les familles des zones rurales de la nécessité d’envoyer leurs filles à l’école. Le manque d’infrastructure n’aide pas la cause, mais cela s’améliore et on est contentes. Nous voyions par contre, que cela allait être pendant longtemps la seule avancée réelle que nous allions vivre.
Les années se suivent, et les gouvernements algériens qui se succèdent s’agitent en tous sens, or les droits des femmes demeurent absents à l’ordre du jour. Entre stupeurs de nos voisines Marocaines et Tunisiennes qui voyaient en nous un symbole de courage et d’émancipation, et une patience qui a que trop longtemps duré, le premier code de la famille algérien est adopté en 1984 fixant et régissant ainsi les dynamiques des relations familiales, exactement 22 ans après l’indépendance.
Nous pensions naïvement que cela ne pouvait être qu’une bonne nouvelle, or la réalité était toute autre étant donné que ce code représentait une régression avérée par rapport à la constitution de 1976. Surnommé code de l’in-famille par la suite, il venait chargé de discriminations en tous genres envers les femmes, et était basé exclusivement sur une lecture sunnite-malékite rigoriste du texte religieux.
Je me souviens que plusieurs associations féministes et partis de gauche étaient montés au créneau pour le dénoncer. J’avais d’ailleurs participé à l’une des manifestations organisées quelques jours après la promulgation de ce code qui allait institutionnaliser mon infériorité. Je n’allais quand même pas me laisser traiter comme une citoyenne de seconde classe, une seconde fois dans mon propre pays ! La chanson “ouech dek yal qadi” (Qu’est ce qui vous a pris Monsieur le Juge?) chantée par des artistes connues du moment a résonné bien fort. Djura de Djudjura, Zahra Nsoumer, Keltoum el Aurassia, Nadia Tachaouit, Hasna el Bacharia et bien d’autres ont porté le message fort du rejet de ces nouvelles lois. Cette chanson a valu des milliers de discours, car touchant directement la population. Je la connais encore par cœur !
Entre temps, nous continuions notre ascension doucement, mais sûrement. Nous faisions nos premières apparition dans des domaines historiquement dominés par les hommes, nous investissions l’espace public, la politique, nous apprenions à être des citoyennes à part entière. Hélas, cela n’était pas le cas partout. Nos luttes bien que féroces et remplies de bonnes intentions n’ont pas toujours profité à toutes les femmes algériennes. Moi, j’étais citadine, une fille d’Alger et je peux me targuer d’avoir vécu ces transformations considérables pour avoir été aux premières lignes, mais je sais que pour nos sœurs dans les zones rurales, dans les coins les plus reculés de vaste beau pays, la situation était tout autre, que le changement peinait à venir.
Les évènements qui vinrent par la suite allaient nous compliquer la tâche. D’abord octobre 1988, notre “printemps algérien”, puis la décennie noire. Nous étions prises entre le feu de l’autoritarisme, l’opacité, l’intégrisme et l’horreur meurtrière. À ce jour, les conséquences de ces années continuent de raisonner dans notre conscience collective. Après la loi sur la réconciliation nationale, les victimes de viols aux maquis n’ont pas été reconnues comme victimes “du terrorisme”. Les mères et sœurs de disparus, malgré leur évincement dans le processus de réconciliation, ont continué à demander justice, à tenir tête aux autorités.
Difficile de se mobiliser sur le terrain à cause de l’état d’urgence établi pendant cet épisode tragique de notre histoire. Un subterfuge sur-exploité par les autorités pendant 20 ans pour décortiquer et affaiblir la mobilisation de la société civile, dont la mobilisation des organisations féministes.
Je demeurais alors admiratrice de la détermination des nouvelles générations. Malgré l’adversité, la société civile reprend de plus belles ses activités, dans un climat de répression, de violence et d’incertitude. Nous luttons ensemble, femmes et hommes pour une nouvelle révision du code la famille, adoptée finalement en 2005, imparfait mais meilleur. Reconnaissance de maternité, passation de la nationalité de la femme mariée à un étranger à ses enfants et à son époux, reconnaissance de la volonté des futurs époux de s’engager dans une union matrimoniale librement, limitation du rôle du wali ou tuteur légal(…) des petits pas, des victoires importantes certes, mais au demeurant insuffisantes. À ce jour, les militantes féministes continuent de plaider l’abrogation totale de ce code.
Moi, je n’ai plus vraiment l’âge de sortir dans la rue scander ma colère, mes os ne me supportent plus assez pour cela. Je repense souvent au chemin que nous avons parcouru et me dis que rien n’aurait été possible sans ces milliers de citoyennes et citoyens qui ont défendu ardemment nos droits. J’intercepte les discours qui se relaient chez beaucoup de citoyens pendant mes rares escapades au marché du quartier, ou des discussions qu’engage ma petite fille Amel avec ses amis sur les réseaux sociaux et qu’elles me confient par la suite. Le ton révolté qu’elle entreprend en parlant de ce sujet me rend tellement fière.
Selon eux, ces combats seraient vains, et même… inappropriés. Les injustices que subissent des millions de femmes algériennes et maghrébines ne seraient “pas aussi graves que cela” et ne seraient surtout pas une priorité pour l’Algérie et pour notre région. Les mêmes idées se relaient également sur nos chaînes de télévision. Je me rappelle qu’Amel, il y a de cela deux ans était toute aussi révoltée de voir les parties islamistes se déchaîner sur le projet de loi criminalisant les violences contre les femmes, finalement adoptées, mais avec beaucoup d’insuffisances.
Sur le haut de ces 20 ans, Amel est un espoir pour ce pays, un espoir pour moi. On a bien choisi son prénom ! Des décennies plus tôt, nous nous battions pour notre liberté à tous et à toutes ; aujourd’hui le combat est peut-être différent mais pas moins nécessaire.
Mon petit drapeau, je ne désire plus l’emporter avec moi, je le lui léguerai à Amel.
STOP (Randa Aimour)
The piercing scream that cuts through the air, as the belt whips itself around my daughter’s back, sends a wave of nausea through me. I freeze, the soapy cup in my hand begins to shake. For a moment, there is total silence; then it begins again. The sound of the belt connecting with naked skin, the scream. It is his right, I remind myself, he is her father, after all.
I never wanted a daughter. Neither did my mother. “Girls are weak, they give into bad influences too easily,” she had told me; but that wasn’t my reason for it. I still remember my first pregnancy vividly. I remember the morning sickness, the dread, the relief when the nurse announced I was having a boy. I don’t want to bring a girl into this world.
My mother taught me a plethora of lessons throughout my life, the main one being that women must endure. But lately, I’ve had this nagging feeling. This nagging is a question, a one word question that, whenever I think about it too much, my world starts to unravel. Why?
I’ve never questioned my role in this world as a woman. Women have a set place, a distinct role, that is something I firmly believe in. A woman is a mother and a wife. She can study, she can work, she can live her life — but those are the two roles that are the most important; they always come first.
I did what I was supposed to do. I let my mother find me a suitable man. Conservative, educated, with a good family and job. I stopped studying, working, and became a housewife. I wore what he wanted, cooked what he wanted, and never denied him anything. I’ll never forget my shock and surprise the first time he struck me. My mother called it a man’s way of showing affection. “If he strikes you once, it means he cares. Men who don’t hit their wives don’t care about them.”
Except the beatings got worse. The slaps turned into punches, the punches turned into kicks. Eventually his beatings would leave me unconscious. The day he split my head open was the day my mother ran out of excuses. Nothing could excuse that. He never gave me a reason, I wish he had; I would’ve at least known what I was doing wrong.
I could’ve left then. I could’ve taken my children, moved in with my mother and gone back to work. I had the advantage of having an education, of coming from a family who could afford to have me back. I refused to do it. I didn’t want to be the woman who took her child away from his father. Boys need a father. I needed to endure, for him.
That was before she came. He never laid a hand on my son, but I knew that life would be different for her. She was four years old the first time he struck her, I haven’t been the same since. And there it was, that word again: Why? Why? Why? Why must women endure? Why must girls suffer? Why us?
I finally move. I hear a smashing noise, it takes me a minute to realize it’s the sound of the cup hitting the floor; by then I’m already gone. I run down the stairs and head for the living room, reaching as he raises the belt over his shoulder another time. The last time. “STOP.”
Un Bon Parti(Soumeya Lerari)
Mercredi 10 mai 2017, 18H13
Je franchis le pas de la porte, essoufflée. Je prends à peine le temps de lancer un “Mssa el khir mama” que la voilà déjà en face de moi, les bras croisés, le regard menaçant :
“ Où étais-tu ? Tu avais l’heure qu’il est ? Tu as perdu la raison, c’est ca? Tu sais que si je dis à ton père cela risque de très mal finir pour toi !” tout en m’analysant de haut en bas, comme pour chercher un élément qui me trahirait.
“Mama, nous étions coincés dans les embouteillages, il y avait un accident en ville, c’est tout”.
Elle ne semble pas vraiment me croire en vérité, elle me fixe longuement puis finit par me dire “ aandek zhar babak w khouk mazal madekhlouch.” (tu as de la chance que ton père et ton frère ne soient pas encore rentrés.)
Je tourne les talons et m’en vais en haussant les épaules, chose qui énerve au plus haut point mama. Je m’emmitoufle dans mon lit, puis m’arrête pour fixer la plaine au loin.
J’ai bientôt 32 ans, j’ai étudié d’arrache-pied tant d’années pour pouvoir faire un métier que j’aime. Je m’estime heureuse, car plusieurs de mes amies n’ont pas dépassé la 1ère année de lycée. Certaines pensaient que c’était suffisant pour trouver un mari “niveau” (c’est dire, “ un bon parti”), d’autres se heurtaient à la résistance de la famille, qui de toute façon n’allait pas les laisser travailler quand bien même elles auraient fait des études supérieures. Car voyez-vous, il ne serait pas respectable pour une femme de passer la majorité de son temps “dehors”, entourée d’hommes. D’ailleurs, pour leurs familles, je suis une mauvaise influence, et ils ne comprennent toujours pas comment El hadj Amar a laissé sa fille aînée “errer” dans les rues de la ville.
19h34
J’ai fini d’étendre le linge et de repasser les habits de baba. Je m’allonge à peine que mon téléphone sonne et vient perturber mes réflexions. J’émerge et réponds pendant que mama s’assure que la porte de ma chambre est bien ouverte, sait on jamais avec qui je pourrais parler.
C’est Salim, un collègue du boulot. Évidemment, je l’appelle Salima, pour ne pas éveiller les soupçon de mama. Ca l’amuse il en rigole tout le temps même si je sens dans son rire un peu de pitié. Il me disait que demain, il y avait une réunion du comité central du parti dans lequel il milite, et qu’il voudrait que j’y assiste.
En fait, il y a quelques jours, repassant l’actuelle crise par laquelle passe notre pays et notre région, nous nous engouffrâmes dans une discussion philosophique et politique intense. Rapidement, nos collègues (majoritairement hommes) nous ont abandonnés à notre débat houleux, ils préféraient commenter les dernières offres internet sur le marché. Après tout, ils sont libres.
Je lui dis alors que j’y réfléchirais, le salue et raccroche aussitôt.
20h02
Voilà que mon frère rentre à la maison sans que personne ne lui demande des comptes sur ses allées et venues. Anis est plus jeune que moi de 6 ans. Il ne travaille pas en ce moment, il attend que l’Agence de l’Emploi daigne bien l’appeler un jour. Entre nous, tout le monde sait qu’il ne bouge pas le petit doigt pour trouver du travail. Pourtant, notre famille ne vit que de mon salaire et une très modeste pension que reçoit mon père chaque mois. Aussi, cela ne semble gêner personne que je doive moi-même entretenir mon frère. Ce même frère qui dépense mon argent à tort et à travers, ce même frère qui contrôle mes faits et gestes, ce même frère qui continue de penser que ma place est à la maison, mais qui ne refuse pas mon argent pour autant.
Avant que vous me demandiez pourquoi je fais cela, sachez que mes parents m’y obligent, bien que subtilement. C’est une des conditions qui font qu’ils ne commentent plus autant le temps et l’énergie que je dédie à mon travail et au reste de mes activités, et qui m’a aidé à acquérir un semblant de liberté de circulation. Je sais que c’est injuste et j’en suis meurtrie. Mais j’arrache ma liberté peu à peu, je n’ai d’autres choix que de négocier dans le cadre des structures oppressantes qui me sont imposées. Dans mon malheur, je suis consciente que je suis bien chanceuse, et que les droits que j’acquiers peu à peu ne sont qu’utopie pour beaucoup de femmes de mon âge dans ce pays.
Jeudi 11 mai, 16h32.
J’appelle mama pour la prévenir que j’arriverai plus tard aujourd’hui, généralement elle est plus compréhensive si je la préviens au préalable, même si cela ne l’empêche pas de me poser 1000 questions par la suite.
16h49
Nous voici, avec Salim, à la réunion du comité central du Parti. Là, je découvre contre toute attente, un cercle de citoyen-ne-s engagé-e-s d’un niveau que je ne soupçonnais honnêtement pas.
Je me mets au fond de la salle et observe sans rien dire. J’ai les yeux qui brillent rien que de penser à tout ce que nous pourrions faire ensemble. Qui aurait cru que je me projetterais un jour dans une vie de politicienne ?
Je reste une heure et demande à Salim de me raccompagner. Je ne veux pas rentrer tard, je suis trop fatiguée pour pouvoir supporter le sermon de mama. Durant le court trajet qui nous sépare de chez moi, nous parlons avec Salim de mes impressions de la réunion.
18h04
Je rentre chez moi, mama me lance un regard froid, mais finit par m’accueillir par un “merhba bik benti” (bienvenue ma fille). Ouf, je suis soulagée. Je l’embrasse sur le front, vais me changer et reviens l’aider en cuisine. Je veux lui parler de la rencontre d’aujourd’hui, de l’enthousiasme qui m’anime, de mon amour pour la politique. Je veux lui expliquer que ce qu’elle regarde à longueur de journée sur ces chaînes TV était dangereux pour elle qu’elles avaient vocation à véhiculer que calomnies et controverses dangereuses. Je veux la mettre en garde sur mille et une choses. Je veux lui dire que ce qu’elle subit parfois venant de baba n’est pas… Normal. Mais je choisis de ravaler tout cela, je ne veux pas la contrarier.
20h30
Je mets mon téléphone en mode avion, je ne veux parler à personne. Je fixe le plafond, perdue dans mes pensées.
Et si j’adhérais au parti ? Les femmes se comptent certes sur le bout des doigts… Et alors ? Qu’en penserait ma famille ? Auront-ils honte de moi ? Est-ce que Nabil essayerait de me mettre des bâtons dans les roues? Ce qui est sûr, c’est que les voisins jaseront. Les collègues aussi.
(…)
Je veux le faire. Je n’ai jamais dit cela à personne, mais j’ai toujours voulu faire plus pour ma communauté, porter aussi nos voix de femmes, trop souvent inaudibles, trop souvent sous-représentées, bien trop fréquemment lésées. Je lisais d’ailleurs il y a quelque jour sur Facebook, qu’il y avait un programme du PNUD qui travaillait au renforcement des capacités des femmes élues d’Assemblées Populaires Communales et de Wilayas en Algérie, j’ai trouvé cela très encourageant, et j’admets avoir ressenti un peu –beaucoup- de jalousie en lisant la nouvelle. J’aurais aimé être parmi elles.
Enfin,…Je divague ? Peut-être. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Je déciderai de cela demain, la nuit porte conseille.
Samedi 13 mai, 14h20
J’aime les samedis, ils me permettent de respirer un peu. Contrairement aux vendredis où l’hystérie du ménage qui frappe nos maisons pèse toujours aussi lourd sur la gent féminine. Bien sûr, personne ne se soucie de toi. Que tu travailles toute la semaine, que ca soit un peu grâce à toi que la famille vit dignement, tout cela n’est pas suffisant pour échapper aux corvées du vendredi. En même temps, je n’ai pas le cœur à laisser mama tout faire toute seule. Quel cercle vicieux !
Je réussis à négocier ma sortie du week-end, et me voici dehors dans un petit café de la ville accompagnée de Salim et de deux amies à lui, elles aussi membres du parti. Je crois qu’il les a ramenées en renfort pour qu’elles me persuadent de me joindre à eux.
Nous passons deux heures à converser sur les idées du parti, son projet. Kaouthar et Tinhinane me rappellent qu’il n’y a pas beaucoup d’éléments féminins au sein du parti et qu’elles pensent que cela devrait changer. Rapidement, nous nous emballons et parlons des prochaines élections communales. Elles estiment que je ferai une excellente candidate pour notre commune ; Salim semble être bien d’accord. Je fais semblant de ne pas être intéressée, mais au fond, je saute de joie. Non pas car mes compétences sont reconnues par des tiers, mais parce que ce qui n’était au départ qu’une idée farfelue se matérialisait rapidement devant mes yeux.
Tout va très vite. Je dévoile mon petit secret à mes parents 15 jours plus tard. Ils sont confus, ils ne comprennent pas. “Wesh yqolo aalina enass ?”, ils ont peur des “que dira-t-on”. Ils hésitent, je leur force la main. Ils réfléchissent, grognent, et cèdent quelques jours plus tard. Au fond, je sais qu’ils sont fiers de moi. Ils ne me le montrent pas souvent, mais je le sais.
J’ouvre ainsi une nouvelle page de ma carrière et de ma vie. Je ne sais pas si cela connaîtra le développement que je souhaite, mais quoi qu’il en soit, j’espère que nous inspirerons ensemble d’autres femmes, jeunes et moins jeunes à parier sur elles-mêmes, à déconstruire les préjugés et à mettre leurs compétences au service de leur communauté. Cela en effraye plus d’unes, car nous savons ce à quoi nous nous affrontons en défiant le statut-quo. Mais si nous n’investissons pas par nous-mêmes tous les espaces, que nous nous épaulons pas et ne nous imposons pas, il sera dur d’espérer un jour changer la donne.
(…)
Avril 2027
Nous voici en 2027 et je peux fièrement vous dire que je suis bel et bien la première femme élue présidente de l’APC de Djelfa. Un moment assez historique pour notre commune ainsi que notre wilaya! Mais savez-vous ce qui pour moi consolide ma victoire? C’est que nous avons réussi à élaborer une liste composée de près de 50% de femmes actives et compétentes, la plupart ayant pris part à notre initiative “Plassti f’essiyassa” en cours depuis 7 ans maintenant.
Comme le temps passe vite! 10 ans déjà depuis que je fis mon immersion dans le monde politique, 10 ans que je défends mes idées et le projet politique que partagent avec moi bon nombre de mes compatriotes. Il est vrai que ma première expérience n’était pas particulièrement concluante, n’ayant pas réussi à me faire élire. Or celle-ci m’a permise de prendre du recule, de comprendre l’étendu des obstacles auxquels je devais faire face, entre autres parce que je suis femme. Je n’ai pas abandonné pour autant, et j’ai continué non seulement à y travailler activement mais aussi à militer pour ouvrir davantage l’espace à d’autres femmes, afin qu’elles puissent se positionner sur l’arène politique locale.
Aussi, en calquant le modèle de “L’académie politique” menée par l’organisation Aswat Nissa en Tunisie quelques années auparavant, je lançai avec des femmes et hommes de mon parti ainsi que des associations locales en 2020, l’initiative “Plassti f’essiyassa” qui visait à préparer les femmes à se présenter aux élections locales et aux élections législatives. Celle-ci consistait en la création d’un espace de discussion sur les questions et préoccupations de la population, d’animer des formations et ateliers touchant à divers sujets tels que la prise de parole en public, le fonctionnement du processus électoral, la formulation d’un programme politique, le lobbying, la budgétisation “genrée” etc. L’initiative offrait également l’opportunité de faire pression sur leurs leaders politiques pour intégrer les questions les plus pressantes dont ceux concernant les droits des femmes.
Au final, je demeure persuadée que ce n’est qu’avec davantage de femmes en politique que nous changerons considérablement la perception de la société, et encourageons les femmes à viser les postes de prise de décision, condition sine qua non pour influencer l’élaboration des politiques locales, régionales et nationales, mais aussi d’inclure et d’aborder les problèmes qui affectent les femmes.
A Djelfa, Beni Mellal ou le Kef, il est important d’avoir des femmes avec la volonté, le pouvoir et l’énergie pour réaliser ce changement, et faire avancer l’action dont nous avons besoin pour améliorer la situation des femmes et des sociétés maghrébines toutes entières.Fort heureusement, nous sommes sur la bonne voie!
The Way Forward (Randa Aimour)
“For the longest time,” I say, grateful for the stage lights drowning out the crowd. “I thought feminism was a dirty word and I refused to identify as such. But I realised that I do actually believe that women in our society face difficulties that need to be addressed, and that feminism was necessary in addressing it.”
“Women matter. We are tasked with the creation of life, the upbringing of future generations, and as of recent years, the furthering of economic development. We are the backbone of society, but we are not treated as such. This must change, I realised, and feminists were the only ones trying to change it.”
“If I were to ask you where you see women in the Maghreb in 30 years, what would be your response? Everything will not be perfect three decades from now, that is already obvious. There is too much work to do, too many people to mobilize, most of us must also deal with unjust and negligent governments; but still, things must change, things must get better. We must remain both realistic, and optimistic, with our goals.”
“There are exactly three things I believe we should prioritize in these coming decades in order to address the hardships and challenges women face during their lifetime, because of their gender. The first is violence against women, the second is economic independence and autonomy, and the third is the participation of women in public life. All of these things are interconnected.”
“Violence against women doesn’t always necessarily mean physical violence. There are issues with regards to rape, sexual violence, and physical and emotional abuse that obviously need to be addressed, however, other forms of violence exist and are more common. Lack of education is one, in certain regions, it is often young girls who are made to dropout of school and work when their family can no longer afford it, sometimes while they are still young children. Lack of legal protection and social services, women who are stuck in abusive situations often cannot leave as the law is either not on their side, they cannot afford legal services, or have nowhere to go.”
“How many shelters and safe places for abused women are there in the region? How many workplaces even have sexual harassment policies, let alone implement them? What are the legal ramifications, if any, of street harassment? We really must stop thinking of violence against women as just physical violence, it is so much more than that.”
“Economic independence is often a way of alleviating part of the problem. The number of employed women in the Maghreb has risen dramatically in the past two decades alone, but unfortunately that is often due to economic hardships, rather than a sudden change in mentality.”
“Women must become more visible, which is why our participation in public life is important. While we need more women in politics — leaving men to deal with the ins and outs of women’s issues is generally never a good idea — it is also important that we encourage women to further integrate themselves into the job market, especially in non-traditional sectors. We must normalize the idea of women working in all sectors, in management positions, and as being economically independent.”
“One of our main obstacles is various mentalities. For decades, the struggles women face has often been ignored, pushed aside as non-urgent matters. I believe this is due to how women are generally viewed, not just by men but sometimes by women themselves. We cannot remain ignorant, we cannot continue seeing women as second-class citizens. We must teach others that women are fully-fledged human beings, and changing that requires a coordinated effort from all sides.”
I pause, and look at my daughter in the front row. It was my husband, not I, who had insisted we bring her along, who had placed her in the seat beside him. I had said she was too young, she was only six, she wouldn’t understand what I was talking about but he was unrelenting, “she needs to see you, and hear you, more than anyone else,” he had told me.
And so there she was, I wondered just how much of this she was picking up. If there was anything motherhood had taught me, it was to never underestimate children as, I’d all too often been reminded, sometimes they understood things better than certain adults.
“As for us, the women; we must connect with each other. We cannot accomplish anything without one another, without a collective movement. No matter our political opinions, no matter our religious beliefs, no matter our socio-economic backgrounds; we all need each other.”
“Tunisia is often hailed as the progressive champion when it comes to women’s rights, often baffling outsiders as to how it’s where it is whilst others in the region are still struggling. The answer is simple. Bourguiba, despite his faults, made the decision to prioritise women’s rights since the country’s independence. This has continued throughout the decades leading up to the Arab Spring and today. Other countries in the region have been denied that advantage.”
“This doesn’t mean that the rest of the region is doomed. However, there is a real lack of solidarity between women, who often put their political or religious affiliations before their own basic rights; something that is not as common in Tunisia. We must spend the coming years working on that, we must compromise with each other, we must stick by each other.”
“In the words of Fatoum El Aswad, a member of Tunisia’s Ennahda Party, ‘when women fight, only men benefit’; this is important to remember.”