Twitter perd de l’attractivité pour les médias face à Facebook

Nicolas Bariteau
Nicolas Bariteau
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5 min readDec 10, 2016

Twitter fut longtemps la plateforme sociale favorite des médias, à commencer par la presse. Mais le vent est en train de tourner face à l’offensive de Facebook, Instagram et Snapchat. Le petit oiseau bleu ne fait plus recette avec sa croissance en berne et ses nombreux remaniements, et ce malgré de nombreuses initiatives pour garder la main, tant du point de vue de l’audience, grâce au succès de son petit frère Périscope, que du business avec la diversification de sa monétisation.

Twitter a perdu la bataille de l’attention

Les malheurs de Twitter n’ont rien de nouveau. Malgré ses déboires, les médias ont soutenus et fait la promotion de la plateforme aussi bien pour des raisons endogènes — ces légions de journalistes partageant de l’information, écoutant le moindre gazouilli prometteur de scoop, ou discutant avec leurs abonnés — qu’exogènes, surfant sur sa popularité et sa notoriété, combien même elle serait totalement déconnectée de son usage réel. L’Observatoire des réseaux sociaux de l’Ifop l’a longtemps crédité de plus de 90% de notoriété en France pour moins de 10% des internautes y étant inscrit et moins de 2% twittant régulièrement.

Désormais, Twitter a perdu la bataille de l’attention. Pour les grandes marques médias comme les pure player, Twitter est devenu une plateforme incontournable mais non stratégique. Les rumeurs de rachats reviennent chaque année comme un marronnier, personne n’est capable de prédire son avenir, même, s’il faut bien l’avouer, personne n’envisage pour l’instant de l’abandonner. Twitter demeure un formidable outil de diffusion et de veille devenu mainstream. C’est là son plus gros défaut face à Facebook ou Snapchat qui innovent constamment sans toujours apporter un plus. Les médias n’ont plus pour objectif prioritaire de développer des communautés de follower ou d’y arriver. Les efforts sont désormais concentrés sur les plateformes les plus dynamiques qui demandent toujours plus de ressources pour y déployer des stratégies. Il n’y a qu’à voir les conditions fixées par Snapchat auprès des médias partenaires comme Le Monde, L’équipe ou Paris Match, à savoir un nombre de personnes dédiées à la plateforme (5 à 6 en moyenne) et un apport d’affaire contractualisé. Pourtant Twitter est fondamentalement un média social historiquement centré sur les « news”, so that news outlets are cooling on it is notable, to say the least. Nick Ascheim, le Senior Vice Président de NBC News, a déclaré sur le Digiday Podcast que même si Twitter a toujours autant d’importance pour les journalistes de NBC, l’entreprise NBC News n’investit plus sur Twitter en quête d’opportunités : “[We] don’t spend a lot of time thinking about Twitter,”.

Médias versus Twitter : deux visions différentes de la réalité

Naturellement, Twitter se défend d’un tel constat généralisé, et du moindre déclin de ses relations avec les médias, pour preuve selon lui l’augmentation du chiffre d’affaire des éditeurs via son outil de monétisation publicitaire, Amplify, combien même il n’apporterait aucun chiffre. Toujours dans ce sens, un des portes paroles de Twitter a déclaré à un journaliste de Digiday : “Nous constatons que le nombre de contenus publiés par des éditeurs très qualitatifs est en croissance constante, et cela est le résultat d’un relationnel fort construit de longue date avec les éditeurs et producteurs de contenus grâce àdivers partenariats éditoriaux tels Twitter Amplify, Amplify Publisher Program et les diffusions en direct. Les formats publicitaires vidéos sont non seulement les plus performants en terme de revenus sur les deux derniers trimestres, mais nous continuons à collaborer avec les meilleurs éditeurs au développement d’outils permettant d’augmenter le reach et les opportunités de monétisation.” Bref, deux sons de cloches qui ne penchent pas forcément en faveur de Twitter lorsque que l’on regarde les faits.

L’oiseau bleu pourrait se croire plus gros qu’il n’est en réalité : certes, nombre de journalistes sont connectés 24/24 sur sa plateforme, et près de 60% des utilisateurs de Twitter aux États-Unis l’utilisent pour s’informer, en troisième position derrière Reddit et Facebook (en deuxième pour nous en France derrière Facebook). Mais seulement 16% des adultes l’utilisent en premier lieu, et 9% pour s’informer. Comparé à Facebook, utilisé par 67% des adultes américains, dont 44% pour s’informer selon le Pew Research Center, l’oiseau bleu est passablement déplumé. Si l’on ajoute à cela que Twitter n’apporte quasiment pas de trafic aux éditeurs de contenus, les twittos passant leur temps à retweeter sans même lire le contenu associé au tweet, la coupe est pleine, et elle déborde. Comment Twitter pourrait-il rassurer les éditeurs quand à leur génération d’audience et la monétisation de leurs contenus avec moins de 1,5% d’apport de trafic contre 40% provenant de Facebook et Google en moyenne selon Parsely.

Facebook en frontal, Snapchat en embuscade, Google aux aguets

Alors que Twitter s’englue peu à peu dans ses contradictions, Facebook, Instagram et dans un certain sens, Snapchat, attirent l’attention des médias avec leurs fortes audiences, des formats éditoriaux plus visuels et des produits publicitaires plus aboutis. Même Google, longtemps boudés pour son monopole, voit un regain d’intérêt de la part des éditeurs de contenus. Regain un peu contraint par l’arrivée du format AMP et les stratégies Mobile First.

Ce renversement de situation intervient alors même que Twitter a lancé de nouveaux produits comme les « Moments » destinés à encourager les médias à utiliser davantage sa plateforme. Même lorsque Twitter fait office de précurseur en rachetant et déployant Périscope et ranimant ainsi son attractivité pour les médias, c’est finalement Facebook, avec son clone Facebook Live, qui attire plus de 51% des marques médias en septembre 2016 contre 10% en début d’année. Pendant ce temps, l’utilisation de Périscope par ces médias déclinait de 10 à 14% selon Socialbakers. Il faut dire que Facebook a été particulièrement convaincant, autrement dit généreux, pour les inciter à utiliser son service.

Twitter a certainement commis une erreur en présentant Périscope comme une plateforme de discussion autour d’un événement en temps réel, plutôt qu’en l’orientant vers une logique de storytelling visuel plus incitatif pour les médias ainsi que pour les marques. C’est là que Snapchat, a fait le bon choix stratégique, et que Facebook ne devrait pas tarder à s’y engouffrer. Twitter a perdu son avantage compétitif en tant que précurseur face à la puissance de Facebook et l’inventivité de Snapchat.

Twitter n’est pas encore mort

Bien entendu, il ne faut pas trop noircir le tableau. Tous les éditeurs n’ont pas déserté ou moins misé sur Twitter. Loin de là. De grands groupes américains comme Bloomberg Media et CNN le considèrent toujours comme essentiel pour partager et collecter l’information, créer des interactions avec les téléspectateurs via leur second écran mobile (plutôt leur premier d’ailleurs). USA Today Network privilégie par exemple Twitter pour diffuser ses vidéos à une plus large audience et les monétiser simplement avec Amplify grâce au partage de revenus. Certains médias sont en effet réticents à devoir vendre eux-même l’espace comme sur Discover de Snapchat ou Facebook Instant Articles.

Pour certains, comme Bloomberg Media, le trafic référent provenant de Twitter peut être supérieur de 40% à celui de Facebook. Tout dépend bien entendu des contenus diffusés et des stratégies adoptées. CNN, par exemple, continue à s’appuyer sur le point fort de Twitter, sa capacité à diffuser en temps réel des informations chaudes et son fort caractère viral pour les vidéos live. BuzzFeed ne s’y est pas trompé en y couvrant en direct les résultats des élections présidentielles américaines. Le livestream, allié à sa puissance de viralisation en temps réel, est d’ailleurs ce qui sauvera peut être Twitter de la banqueroute, et renforce son attractivité, jusqu’à aiguiser les appétits d’acteurs comme Google. Qui vivra, verra.

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Nicolas Bariteau
Nicolas Bariteau

Fondateur deNB Consulting — Conseil et formation en stratégie marketing digitale. Curieux insatiable