De la Start-up à la Scale-up

50 Partners
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11 min readJan 5, 2021

Les conseils de David Rhodes, Sébastien Lucas, Cédric Mao et Benjamin Bitton.

Dans le cadre des nombreux workshops organisés pour les entrepreneurs 50 Partners, et animés par des professionnels reconnus, un cycle spécifique, dédié au sujet du passage à l’échelle, a pu être proposé. En effet cette étape cruciale pour les entrepreneurs qui passent de l’état de start-up à celui de scale-up (business model établi et accélération du développement commerciale), implique de nouveaux challenges dans quatre grands domaines : Technologie/Infrastructure, Ventes, Finances, et Organisation.

Nous avions la chance d’accueillir 4 grands experts de ces sujets et décrivons ici les principales idées présentées.

1- Structurer la croissance de son équipe technique, avec David Rhodes (CTOlistic)

Pour ce premier atelier destiné aux directeurs techniques, David Rhodes revient sur quatre thématiques : le recrutement, l’onboarding, la délégation et l’organisation des équipes tech.

Recrutement : choisir les bons profils tech

Pour optimiser ses chances de recruter les profils le plus adapté à sa structure, il ne faut pas se cristalliser sur les langages ou technologies, mais privilégier les concepts, et miser ainsi sur un niveau de détails approprié. Recruter des profils en télétravail à temps plein permet également d’avoir accès à un plus grand nombre de candidats, mais peut se révéler compliqué à implémenter, surtout si une équipe est déjà présente. Cette approche fonctionne mieux pour les rôles autonomes que ceux de manager, et présuppose une bonne culture de l’écrit, et de communication en général. Enfin, devant la pénurie de compétences, faire évoluer ses technologies peut permettre de fluidifier les recrutements. Le coût de cette évolution peut etre raisonnable si la taille de la base de code n’est pas trop importante et si les équipes existantes à reformer sont limitées. C’est donc une option à manier avec précaution. Constituer une “Dream Team” avec des personnalités, profils et séniorités trop variées peut se révéler contre-productif, si cela favorise le chacun pour soi, et empêche le travail en équipe.

Onboarding : mettre en place un processus efficace

Élément critique en période de nouvelles arrivées, l’accueil de nouveaux salariés doit être fluide, et réalisé avec le soutien de toute l’équipe. Un exemple intéressant de facteurs clés de succès (KPI) à suivre : mesurer la performance de l’onboarding par la durée qui s’écoule entre l’arrivée et le premier déploiement de code en production par le nouveau collaborateur.

Délégation : apprendre à déléguer en tant que CTO

Quand l’équipe grandit, une communication fluide devient indispensable. Il est important d’avoir une vision commune et d’être aligné sur les priorités, afin que chacun à son niveau puisse contribuer efficacement. Pour cela, l’établissement des Objective and Key Results” (OKR) est une excellente pratique. La délégation de certaines décisions aux équipes permet au directeur technique de développer sa propre valeur ajoutée (ex. stratégie de choix techniques de long terme).

Organisation : Optimiser l’efficacité de son équipe

Si les KPI sont essentiels pour mesurer et améliorer la performance, il ne faut pas tomber dans le piège de tout vouloir mesurer. Se concentrer sur les mesures liées aux clients ou aux opérations permet de responsabiliser le groupe et renforcer la collaboration. De plus, l’échelle individuelle est rarement pertinente. Quels que soient les indicateurs choisis, il reste essentiel de garder un certain recul, et savoir les remettre en cause lorsqu’ils ne reflètent plus les priorités de la société.

2- Développer un processus commercial Lean, avec Sébastien Lucas (Oxalide/Claranet)

Ce deuxième atelier s’attaque au nerf de la guerre : le processus commercial. Comment monter en puissance commerciale après une levée de fonds ? Sébastien Lucas s’est consacré pendant 15 ans au développement de Oxalide, une société revendue à Claranet. Il est aussi investisseur dans de nombreuses sociétés technologiques (Datadome, Gitguardian, ubble.ai).

Outiller son sourcing

Il est important de concentrer ses efforts sur le client idéal, c’est-à-dire celui qui représente plus de 70% de chance de signer. Sébastien recommande ainsi l’outil de notation des prospects : “MANACT”

MMoney : le client a-t-il le budget ?

A — Authority : le contact a-t-il le pouvoir de décider ?

N — Need : quel est son besoin ?

A — Ability : la solution permet-elle d’y répondre ?

C — Competitors : quels sont les concurrents et comment gagner ?

T — Timing : est-ce le bon moment ?

Cet outil permet aux commerciaux d’attribuer une note à leurs leads. Il faut donc exiger aux commerciaux de ne traiter QUE les dossiers qui ont une note supérieure à ce qui a été défini dans le process. Imposer le MANACT renforce le système, et permet d’avoir moins de dossiers, pour se concentrer sur la qualité et éviter de se perdre dans du volume.

Capitaliser sur ses erreurs

Autre conseil de Sébastien : analyser systématiquement les erreurs passées pour les corriger dans le future.

Le volume d’expérience permet de faire baisser les coûts, donc il ne faut pas hésiter à utiliser l’intelligence collective et à revenir sur les erreurs passées régulièrement : un post mortem de tous les échecs du trimestre, des rétrospectives chaque semaine, etc. Cela permet de résoudre les problèmes en équipe, et de déployer les améliorations rapidement. Les améliorations peuvent concerner le coût, le délai ou encore la qualité, et augmentent toujours la valeur perçue par le client.

Les missions du directeur commercial

Selon Sébastien, la mission d’un Head of Sales consiste à épanouir ses commerciaux, définir des objectifs atteignables, qualifier les opportunités et les aider à choisir leurs combats. Cela passe par plusieurs leviers : aider à trouver des solutions et non les donner, exiger de la vélocité et non l’élargissement de la base de données, du “pipe” commercial, clarifier la règle de réduction au lieu de simplement les refuser ou accepter : bref, il faut donner aux commerciaux un niveau d’information suffisamment élevé pour leur permettre d’être autonome. Pour Sébastien, il faut “être dur avec le process, flexible avec les personnes”.

3- Développer et organiser sa Leadership Team, avec Cédric Mao (Fly the Nest)

L’un des principaux challenges pour une entreprise en croissance consiste à bâtir une équipe de choc tout en maintenant sa culture et son agilité. Un alignement culture / stratégie / organisation est alors indispensable : c’est le sujet de ce troisième atelier, animé par Cédric Mao, co-fondateur de Fly The Nest, cabinet de coaching spécialisé dans l’accompagnement des entrepreneurs en croissance.

Toute entreprise en croissance est amenée à recruter ou, a minima, se restructurer. L’objectif de cette session est donc d’apporter aux entrepreneurs les meilleures pratiques en terme d’organisation et de développement d’une équipe performante, à travers trois approches : le pourquoi, le comment, et le qui.

Le “Pourquoi” de l’équipe

Avant tout, c’est elle qui permet de rendre le cap de l’organisation clair et actionnable. Et ce, à travers trois outils clés : la culture , la vision, et l’exécution. L’histoire à raconter, et le chemin que l’on va parcourir ensemble pour y arriver. La culture et la vision sont l’âme de l’organisation, et il est du devoir d’une réelle équipe de choc de les incarner. Ils doivent donc maîtriser et intégrer ce discours commun, afin de le distiller dans l’organisation, et rendre les équipes autonomes. L’exécution est la clé. Exécuter la construction, le projet d’entreprise, et piloter l’exécution, le “run”, le business. Il faut savoir accélérer … mais aussi freiner à certains moments. Pour la construction, une méthodologie agile type “Objective and Key Results” est nécessaire. Pour l’exécution, rien ne vaut un excellent tableau de bord réunissant les facteurs clés de succès (maximum 6 à 7 chiffres), lisibles, compréhensibles et valables pour toute l’organisation.

Conseils pour les facteurs clés de succès (KPI) : leur donner un nom, trouver qui en est le porteur, s’accorder sur la formule, et définir les seuils déclenchant des actions. Quatre seuils de couleur permettent de classifier les facteurs :

  • Rouge : dans ce cas extrême, toute l’entreprise s’arrête pour travailler sur ce facteurs — attention, si on est toujours dans le rouge, c’est que les KPIs ont été mal définis !
  • Orange : l’équipe concernée doit y porter toute son attention
  • Vert : tout fonctionne comme il le faut
  • Bleu : seuil inattendu, il y a peut-être de la valeur à aller chercher ?

Le “Comment” de l’équipe

Il est fondamental de travailler ses instances, pour qu’elles soient efficientes, et en accord avec la culture de la société. Si les instances sont propres à chaque organisation, un schéma peut convenir. Cédric conseille par exemple de définir trois instances principales :

  • Piloter la construction : pilotage des projets, revue des objectifs et résultats clés (OKR), entraide sur les sujets bloquant, revue des priorités, et sensibilité aux visions court et moyen terme
  • Piloter l’exécution: revue du business model, en général via ses KPIs principaux, et entraide sur les sujets du quotidien des équipes
  • Animer l’équipe: s’entraider au management des équipes entre pairs, s’aligner sur les messages, incarner sa culture.

La posture “juge et partie” étant délicate à endosser, il peut être pertinent de faire appel à un animateur — externe ou interne. Ce dernier ne doit cependant pas avoir de pouvoir de décision, ni de jugement des niveaux de priorités.

La montée en compétences est également essentielle. Cédric propose une méthode ayant fait ses preuves : la formation interne de pair à pair. On demande à chacun dans l’équipe de choisir un mentor dans cette même équipe, pour une durée de 6 mois, sur un sujet donné. Cela permet de créer un cadre de confiance, et participe à la montée en compétence de l’ensemble de l’équipe, à travers une collaboration et une co-construction.

Le “Qui” de l’équipe

Il s’agit probablement de la partie la plus délicate. “Il faut être honnête quand on fait monter un profil au sein de l‘équipe’” insiste Cédric : rien n’est définitif au sein du groupe, on ne connaît pas les ambitions du poste à plus de deux ans. Un autre enjeu : comment faire monter en compétence les fondateurs, sur tous les sujets en même temps ? Il ne faut pas négliger le challenge que représente le changement de vision. Se pose alors la question de l’interne ou d’externe : Dispose-t-on réellement des compétences dans l’équipe pour passer à l’étape suivante ?

4- Construire une direction financière, avec Benjamin Bitton (2CFinance)

Pour ce dernier atelier, Benjamin Bitton, associé de 2CFinance, partage ses bonnes pratiques en management de direction financière.

A quel moment faut-il recruter ?

Un logiciel ERP peut coûter excessivement cher : on se contente donc dans un premier temps de la comptabilité et d’un fichier Excel. Mais arrivera le moment où il y aura besoin de plus de données, et ce ne sont ni des externes ni un Responsable Administratif et Financier (RAF) seul qui pourra le faire : c’est donc à ce moment-là qu’il faut constituer une équipe financière. La structuration des datas financières est un enjeu pour accompagner correctement la croissance.

Qui recruter ? Attention aux stars !

Une fois n’est pas coutume : c’est à nouveau le sujet du recrutement qui est abordé en premier, primordial selon Benjamin : “les dirigeants ne savent pas toujours qui recruter pour ce poste et qui va les accompagner”.

Être un dirigeant à l’aise avec la gestion des chiffres est un avantage : cela permet d’avoir une meilleure visibilité des tâches à réaliser, et donc d’être à même de savoir qui recruter. Mais c’est loin d’être toujours le cas : les activités comptables et financières sont souvent externalisées, il faut donc avoir confiance dans la data fournie, qu’elle soit le reflet à la fois de la réalité comptable et financière et de la réalité du Business de l’entreprise.

L’opérationnel avant l’expérience : recruter un candidat (trop) expérimenté mais qui n’est plus opérationnel depuis longtemps, constitue l’écueil numéro 1 ! Il est important de savoir “mettre la main à la pâte”. Attention donc aux profils de superstar. Selon Benjamin, “le petit RAF deviendra DAF” : quelqu’un qui apprend et grandit avec la société sera le plus à même de l’accompagner.

La motivation : on cherche souvent un directeur financier qui a connu l’expérience du passage start-up /scale-up. Pourtant, ces profils souhaitent rarement reprendre à ce stade. Il est important de s’assurer que le directeur financier n’aura pas d’autres attentes que les missions que l’on souhaite lui confier.

Soft skills sociales et relationnelles : la capacité d’adaptation et de collaboration avec toutes les équipes est très importante. En effet, la technique administrative est un sujet prioritaire, puisque des données structurées permettent une finance structurée. Un bon directeur financier doit savoir parler aux différentes équipes pour rassembler et homogénéiser ces données.

Les canaux de recrutement : attention à ne pas les multiplier. Les startups auront toujours des pistes pour recruter : chasseurs, conseils du board, etc. Une offre bien rédigée peut largement suffire. C’est au dirigeant de maîtriser et lancer le process, il recrute son futur Business Partner, à lui donc d’être certain qu’au-delà de la capacité technique, la synergie existe.

Benjamin Bitton insiste sur une erreur fréquente : “beaucoup de sociétés veulent tout faire en même temps et en interne: levée de fonds, recrutements, internationalisation, … or ce n’est souvent pas possible ce n’est, quoi qu’il arrive, pas conseillé”. Garder un certain nombre d’opérations en externe peut permettre plus flexibilité.

Pour résumer, un bon directeur financier doit savoir maîtriser les flux d’information et le budget, être transparent auprès des dirigeants et de l’équipe, se faire apprécier de manière intelligente pour obtenir la bonne information, et enfin, être un bon représentant devant le board.

Ainsi, lors du passage de la start-up à la scale-up, c’est l’organisation toute entière qui se transforme.

Durant cette période de transition, le renforcement des équipes, les évolutions d’architectures techniques, les déploiements géographiques ou la rédaction de nouveaux process doivent s’opérer sans ralentir la croissance ou fragiliser les modèles. Une croissance démesurée ou mal maitrisée peut vite être synonyme d’échec pour une société. Il est donc primordial de gérer cette période avec beaucoup d’attention et de poser les bases solides d’un developpement durable.

Merci David, Sébastien, Cédric et Benjamin pour vos précieux conseils !

A propos de 50 Partners :

50 Partners est l’un des principaux accélérateurs français, fondé en 2012 autour de 50 entrepreneurs à succès (Blablacar, LeBonCoin, ShowRoomPrivé, PriceMinister, Dataiku etc.) et destiné à soutenir les start-ups les plus prometteuses dans les secteurs du Numérique et de l’Impact.

Aux cotés des Partners, de nombreux experts interviennent toute l’année lors de workshops, tables rondes, ou entretiens individuels afin de conseiller les entrepreneurs. Les “cycles” rassemblent plusieurs interventions sur un sujet donné. Le prochain cycle, qui commence ce mois-ci, traitera de l’établissement de business models durables et responsables (organisation, gouvernance, évaluation d’impact, communication, etc.).

Pour en savoir plus sur l’activité 50 Partners, rendez-vous sur notre site ou nos réseaux sociaux.

Article rédigé par Laure Lamarque et Héloïse Nogues

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50 Partners is a french accelerator funded by 50 successful entrepreneurs dedicated to support the selected startups