La grossesse rend aveugle

Surtout dans le métro

Marie Colin
9 mois et moi
Published in
4 min readAug 16, 2016

--

Qu’il est bon ce moment où l’on peut enfin arborer fièrement son “baby bump” ! (NB : pour celles et ceux qui ne maitrisent pas encore le jargon made in « Doctissimo », « Neuf Mois » ou « Magic Maman », n’ayez crainte j’y reviendrai dans un prochain article).
Les gens des transports en commun ne peuvent décemment plus me faire croire qu’ils ont des difficultés à discerner si je fais de l’aérophagie ou si je viens de faire bombance dans une brasserie alsacienne.
Dieu soit loué, à moi les places assises assurées !
Hallelujah ! Hosannah ! Al-hamdoulillah !
Stop. Tout doux Tornado…

Je dois modérer ma joie car il me semble avoir observé une étrange malédiction dans le métro. En effet depuis quelques temps, dès que j’arrive, les passagers sont subitement privés de vision.
Peut-être est-ce mon aura lumineuse de future mère qui devient aveuglante pour les simples mortels ? A moins que j’aie développé à mon insu un pouvoir d’invisibilité ? Ce phénomène est en tout cas très préoccupant car lorsque je marche dans la rue, il m’arrive le contraire : tous les yeux sont braqués sur mon ventre.

Alors que se passe-t-il avec la RATP ? Quel est ce mystère ?
Pour tenter de conjurer le sort, j’ai épinglé sur mes sacs des badges « Baby on board », ceux que le métro londonien distribue aux femmes enceintes (les anglais semblent être au courant du maléfice qui les touche).

J’oubliais que les français étaient fâchés avec l’anglais…

Peine perdue, mon entrée dans la rame a continué à provoquer la cécité des voyageurs rivés à leur siège.
Telle une Circé des temps modernes, j’ai même la capacité d’endormir instantanément les gens assis. Il me suffit de les approcher pour qu’ils soient saisis d’un sommeil irrésistible et ferment les yeux en m’apercevant.

Mais j’ai trouvé l’antidote. La parole semble en effet désenvouter les passagers. Il suffit de dire aimablement la formule magique « excusez-moi madame/monsieur/crétin des Alpes, auriez-vous la gentillesse de me laisser votre siège car je suis enceinte » avec une caresse rituelle sur mon ventre.
J’ai pu ainsi assister à des miracles d’aveugles recouvrant la vue, sans l’aide de Jésus.
Les réactions ne sont pas toutes identiques, mais le résultat est le même : l’individu sort de sa léthargie, se lève, et… je peux m’asseoir mille millions de mille sabords de tonnerre de Brest !

Et… ça marche !

Heureusement toutes les personnes ne sont pas atteintes par ce mal de l’incivilité. Beaucoup me cèdent tout de suite leur place par éducation et empathie, même si certains le font à contre-cœur, ou en tirant ouvertement la tronche. D’autres ont une générosité spontanée qui me touche. J’ai même été appelée du bout de la rame par une dame car un strapontin venait de se libérer. Parfois même, on insiste pour que je reste assise malgré l’affluence. A ceux-là (ou plutôt « à celles-là »…) j’adresse un grand merci ! Vous me faites me sentir légitime, vous me rappelez que porter un enfant mérite quelques prévenances, vous me rendez fière de traverser cette période unique qu’est la grossesse.

D’ailleurs puisqu’on parle de fierté, plus celle-ci progresse, plus j’ai tendance à me prendre pour la Reine de Saba. Ou plutôt la Reine-Mère.
La Mère-Nature. LA Nature. LA Femme. LA Matrice. Et j’assume…
Rester debout dans l’ombre, c’est terminé. Guetter une place discrètement sans vouloir me faire remarquer, aussi. J’ai décidé d’oser, j’ai pris de l’assurance pour faire valoir mes droits.
Vénus, c’est moi. Poussez-vous, voilà Shakti. Haie d’honneur pour Notre-Dame. Baissez vos yeux devant Isis.

J’ai même vaincu mes ennemis au supermarché. Dorénavant, quand je sors du Temple Leclerc, j’exhibe mon globe terrestre et prononce haut et fort les mots suivants : « mon nom est Gaïa, faites moi place car ici se trouve la caisse prioritaire pour handicapés et femmes enceintes ».
La mer Rouge du tapis roulant s’ouvre alors en deux et je dépose mes articles sans plus aucun scrupule…
Et na !

Selfie sur mon canapé

Si cette lecture vous a plu, n’hésitez pas à me le signaler et m’encourager en cliquant sur le petit cœur en bas de l’article ! Merci :)

--

--

Marie Colin
9 mois et moi

Mère velléitaire et écrivain en devenir. Ou plutôt l’inverse. Still loading.