TEMOIGNAGES: L’impact de la crise du COVID-19 sur les personnes transgenres au Bénin

Amnesty West Africa
5 min readNov 20, 2020

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En Afrique de l’Ouest, lorsqu’on parle de droits des personnes LGBTIQI, le vécu spécifique des personnes transgenres a souvent été laissé de côté ou très peu pris en compte. Pourtant, dans certains pays africains les personnes transgenres font face à d’importantes violences et discriminations.

Au Benin, Amnesty International a donné la parole à des défenseurs transgenres pour savoir comment ils vivent cette période de pandémie.

Le COVID-19 a marginalisé encore plus la communauté transgenre. Les membres de la communauté sont stigmatisés et même accusés d’être la cause de la pandémie COVID 19. Les mesures restrictives de prévention de la pandémie les ont empêchés de poursuivre leur travail quotidien et a laissé dans une situation précaire.

Mélody ©Private

Mélody

Nous traversions déjà beaucoup de problèmes au sein de la communauté Trans au Benin, notamment les violences basées sur le genre, le rejet de la famille, les discriminations et stigmatisations.

Toutes ces difficultés faisaient déjà partie des réalités de la communauté transgenre au Benin, quand s’y est ajouté la pandémie du COVID-19 qui n’a pas facilité les choses.

Le COVID-19 a ralenti toutes mes activités professionnelles. À côté de l’activisme, je fais du commerce. La pandémie du COVID-19 a ralenti mon accès aux frontières afin de faire mes achats dans les pays voisins. Les frontières étaient fermées et le confinement n’a pas facilité la continuité de mon commerce.

Cela a atteint mon moral, et j’ai commencé une dépression car pendant cette période, je n’avais plus de moyens pour pouvoir subvenir à mes besoins.

Le COVID-19 m’a rendu plus vulnérable que par le passé, car je n’arrivais plus à subvenir à mes besoins et à satisfaire les membres de ma communauté. J’ai fait face à beaucoup de difficultés financières et à certains propos discriminatoires. J’ai aussi eu des difficultés à accéder aux soins.

En cette période j’ai dû suivre des thérapies pour renforcer l’estime de soi et le bien être avec un psychologue, afin de pouvoir faire face à cette dépression que j’ai subie suite à la perte de mon activité.

Cerveaux

Cerveaux, père d’une fille à Cotonou ©Private

La vie est un peu difficile pour les personnes transgenres au Bénin. Mais avant la pandémie du COVID-19, je m’en sortais bien avec mes petits moyens.

J’ai perdu mon gagne-pain pendant le confinement. Même manger est devenu très compliqué pour moi sans parler du loyer à payer. Si tu n’arrives pas à manger, comment tu peux payer le loyer ? Vu que je suis à la maison et je n’ai plus de rentrées d’argent, j’ai du mal à payer le loyer. J’ai épuisé mes avances. Je suis sur le point de quitter la maison sinon c’est le propriétaire qui va m’expulser. Mon plus grand souci sera de trouver où dormir par la suite. Vivre avec quelqu’un c’est tellement difficile surtout quand cette personne n’est pas du même genre que vous. Peut-être qu’une personne Trans va accepter de m’héberger. Mais ayant participé récemment à une enquête de Afro sur les membres de la communauté, j’ai pu toucher du doigt ce que les autres membres vivent également. La situation n’est reluisante pour personne.

Si j’avais le pouvoir de changer les choses, franchement je renverrais le coronavirus très loin (…) pour que les choses reviennent dans l’ordre, pour que l’on puisse continuer à se débrouiller comme par le passé. Si les choses ne s’arrangent pas, cela va devenir vraiment compliqué.

Nesly Kim Daniels

Daniel’s Kim ©Private

Ma famille ne m’a pas chassée de la maison. Mais je suis mal vue aux yeux de certains membres de ma famille.

Pour 80% de ma famille, je suis le symbole du déshonneur, je salis le nom de la famille. Il y’en a même qui m’en veulent pour ça. Certains parmi eux ne répondent pas à mes salutations. Mais je ne me laisse pas affecter par ça, peu importe leur pensée. Je ne suis pas obligée de plaire à tout le monde.

Au début, certains de mes amis m’avaient renié. Mais, avec le temps on a recommencé à se parler. Certains continuent de penser que je suis une abomination. D’autres me disent : ‘’Si ta mère avait su elle aurait avorté ‘’. Dans la vie, à force d’écouter ce que les gens pensent de toi, tu vas finir par te sentir mal. Quand je passe quelque part et que les gens se mettent à parler, je deviens sourde pour ne pas les écouter.

Depuis que le coronavirus est arrivé, la vie est devenue très dure surtout dans notre milieu. On lutte contre la maladie d’un côté et on supporte les insultes de l’autre. Parfois les gens me demandent de m’éloigner d’eux en disant que c’est moi qui vais amener le coronavirus chez eux. Ils disent que je traîne avec trop d’inconnus et qu’ils ne veulent pas être contaminés.

J’ai été tabassée en 2019 à cause de mon apparence puis emmenée à l’hôpital . Vu que nous ne sommes pas acceptés au Bénin, je suis obligée de me métamorphoser, de m’habiller en homme pour chercher un emploi. Je travaille dans le domaine de l’hôtellerie. Parfois quand je trouve un emploi, les recruteurs médisent sur moi et finissent par me renvoyer en disant qu’ « on ne veut pas des gens comme ça ici ».

Mobrisky

Mobrisky ©Private

Le coronavirus a causé beaucoup de problèmes à pratiquement toutes les personnes transgenres au Bénin. Je ne dirai pas que je suis la seule. J’ai été renvoyée du travail parce qu’il se raconte que ce sont les homosexuels et les trans qui ont amené la maladie au Bénin. Mon beau-père a entendu dire que les personnes trans étaient porteurs du coronavirus. Un jour, il est revenu à la maison et a demandé que je parte de chez lui parce qu’il ne veut pas être contaminé. J’ai donc été renvoyée de la maison.

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Let’s take injustice personally in West & Central Africa. / Faisons de l’injustice une affaire personnelle en Afrique de l’ouest et du centre.