La génomique, un enjeu collectif et transversal

Parmi les technologies qui ont émergé au cours des dix dernières années, les nouvelles techniques de séquençage et le séquençage haut débit de génomes complets (Next Generation Sequencing, ou NGS, et Whole Genome Sequencing, ou WGS) et leur démocratisation font partie des éléments déterminants qui ont pu orienter les réponses à des questions de recherche et d’évaluation jusque-là insolubles ou inaccessibles. La révolution génomique transforme ainsi sans attendre et en profondeur les pratiques scientifiques dans les secteurs médical, agronomique et agroalimentaire, en permettant des approches nouvelles en matière de surveillance des dangers sanitaires comme en matière d’évaluation des risques.

L’Anses affirme fortement son orientation vers le recours, progressivement systématisé, au séquençage génomique complet pour identifier et caractériser les agents pathogènes en santé humaine, animale ou végétale. L’objectif est l’identification des dangers sanitaires et leur description grâce à l’amélioration constante des méthodes analytiques, à la fois en termes de performances et d’adaptation à leur identification, notamment lorsqu’ils sont nouveaux ou émergents (virus alimentaires, gènes de résistance, gènes de virulence, éléments génétiques mobiles, etc.), mais également à de nouvelles matrices biologiques.

Le développement des plateformes technologiques, axées notamment sur la veille technologique et son partage, vient appuyer cet objectif afin de renforcer les capacités de l’Anses à anticiper les tournants technologiques et à déployer une stratégie partagée sur l’utilisation étendue du séquençage génomique complet dans les activités de recherche, de référence, de surveillance et d’expertise.

En matière de réponse aux crises sanitaires, la génomique et la métagénomique ont déjà démontré tout leur intérêt dans l’identification d’un agent pathogène nouveau (SBV), mais également dans la détermination rapide d’un éventuel risque zoonotique lié à une émergence (IAHP). Ces réponses rapides permettent à la fois d’adapter les moyens de diagnostic et de proportionner les moyens de lutte en produisant les éléments d’une évaluation de risque plus sûre et la sélection de protéines candidates pour la recherche vaccinale. Elles permettent également d’envisager des investigations sur l’interaction du microbiote intestinal ou respiratoire avec les bactéries pathogènes. De même, il s’agit également de permettre la détermination sans a priori du pathobiome d’espèces domestiques ou sauvages afin d’anticiper des émergences ou du résistome pour l’évaluation des risques de phénomènes complexes de flux de gènes de résistance aux antimicrobiens.

Le cas particulier de la surveillance et de modélisation en santé animale

L’accès rapide et massif aux données de séquençage de nombreuses souches virales, constitue un apport supplémentaire dans la modélisation des réseaux de propagation des maladies. En apportant aux épidémiologistes des données sur les liens des souches entre elles, il sera désormais possible d’évaluer la propagation spatio-temporelle des virus entre élevages. Ces données, croisées avec les données de terrain, permettront d’écrire le scénario d’une épizootie et de mettre ainsi à disposition des décideurs des outils d’anticipation en matière de gestion des risques.

Surveillance et détection des émergences en sécurité sanitaire des aliments

L’accès à la séquence de toutes les bactéries pathogènes collectées sur le terrain ouvre la voie à la détection rapide de liens entre les souches qui émergent en santé humaine (collectées et séquencées dans les centres nationaux de référence) et celles isolées dans les aliments, permettant ainsi de mieux cibler les interventions de gestion et d’assurer une meilleure traçabilité de la chaîne alimentaire. Il est une autre application où l’évolution du séquençage génomique ouvre la voie à un bouleversement : celui de l’évaluation des risques en santé humaine, où l’évolution du séquençage des populations et l’annotation du génome humain vont conduire à l’identification de sous-populations à risque pour un certain nombre de pathologies, notamment nutritionnelles, ou présentant une sensibilité exacerbée à certains contaminants de l’environnement. Ces avancées scientifiques vont conditionner les travaux de l’Agence dans de nombreux domaines, en rendant les évaluations plus précises et mieux ciblées, ouvrant la voie à des politiques publiques orientées vers des populations spécifiques ainsi que vers les causes avérées à l’origine de risques pour l’homme.

On le constate, la génomique aura dans les dix prochaines années des conséquences majeures sur les travaux de recherche et les outils disponibles en sécurité sanitaire, permettant ainsi à l’Anses et à ses partenaires de répondre à de nouvelles questions de recherche jusque-là non investiguées.

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