L’enjeu de la révolution numérique pour les entreprises bretonnes
Cet essai est le premier d’une série de publications ayant pour vocation d’apporter aux entreprises bretonnes une meilleure compréhension des enjeux de la révolution en cours dans leur secteur d’activité.
La transition numérique déforme les filières de façon radicale en affaiblissant les maillons intermédiaires d’une chaîne de valeur remodelée. La révolution numérique opère ainsi sur le plan des filières et à moindre échelle, individuellement, sur les entreprises.
“Il n’y a rien de plus important que d’assurer la transition technologique du maillage régional des TPE/PME en région.” Sébastien Missoffe, DG Google France
C’est un fait, malgré les évolutions technologiques revendiquées et les innovations de rupture, les supermarchés continuent à vendre leur nourriture, les taxis continuent à faire des courses, les hôtels continuent à louer leur chambre.
Cependant, deux choses induisent des changements en cours :
- De nouveaux acteurs numériques se font une place dans la chaîne de valeur
- Les acteurs de la filière sacrifient une partie de leur marge au profit des entreprises du numérique qui adoptent de nouveaux modèles économiques plus proches de la multitude.
Nous reviendrons en détail sur ce qu’est la multitude et l’impact qu’elle a dans le monde numérique.
Bien que l’impact de la révolution numérique soit moindre sur le plan des entreprises, il convient de ne pas la négliger mais surtout de pas se tromper de combat. La réorganisation interne et l’intégration de nouveaux outils ne permettra pas de modifier son positionnement dans la chaîne de valeur. Ce qui compte demain c’est la capacité de l’entreprise à repenser son positionnement final dans la chaîne de valeur de son secteur d’activité.
Dans chaque filière, il existe un secteur qui capte la plus grande partie de la valeur produite grâce à la multitude. Une filière a systématiquement pour leader le plus concentré, et est régie par quelques grandes entreprises qui ont su développer une barrière à l’entrée suffisamment forte pour produire un avantage concurrentiel générant des phénomènes de rentes.
La grande distribution est aujourd’hui un exemple intéressant concernant cette position de maillon fort dans une filière. Avec l’industrialisation et la mécanisation de l’agriculture, les capacités de production ont augmenté ce qui a engendré une hausse de la productivité. Cela a poussé les marques de distribution à profiter des effets d’amonts en développant un réseau de magasins afin d’avoir un contrôle prépondérant dans l’acte d’achat du consommateur. Avec un réseau de distribution fort et souvent non duplicable (car issu de longues années d’investissements structurels lourds) une barrière à l’entrée forte s’est imposée et engendre un acteur sur-puissant, faisant poids sur les agriculteurs et apportant les produits aux consommateurs finaux. Dans cette filière, La Ruche Qui Dit Oui ou ViteMonMarché rebattent les cartes en modifiant le rapport de force entre les acteurs de la filière. Une plateforme profitant des effets de la multitude pour mettre en relation les producteurs agri/agro et le consommateur final au travers d’événements locaux . Mais avec un point commun, un système de distribution complètement digitalisé.
D’autres acteurs attaquent actuellement la filière de l’agro-alimentaire en France et ailleurs. Aucun modèle n’a encore remporté la victoire, une seule chose est certaine, il n’y en aura qu’un. Nous introduisons ici un concept clé de la transformation numérique : les plateformes. Cela fera l’objet d’une suite d’articles permettant aux acteurs de l’économie de comprendre les enjeux de plateformisation de l’économie.
Retrouvez l’excellent article d’Annabelle, intitulé :”Les 5 critères de succès d’une marketplace” pour comprendre les enjeux de votre filière.
Les étapes de la transformation numérique des secteurs
Il existe 5 étapes qui mènent à la transformation numérique d’un secteur : L’arrivée des nouveaux entrants, L’intégration de la multitude, La modification des rapports de force, L’apparition des géants ainsi que l’intégration verticale.
#1 : Les nouveaux entrants ☀️
L’arrivée de nouveaux entrants résulte en l’apparition de nouvelles pratiques : L’apparition d’entrepreneurs qui commencent à créer des startups tout au long de la chaîne de valeur en essayant de nouveaux modèles d’affaires au sein du secteur. Cette étape n’a pas encore de réel impact sur les acteurs « traditionnels » du marché.
#2 : L’intégration de la multitude 💻
La multitude est la force générée par l’interconnexion de la population grâce au numérique. En captant la valeur générée par les interactions de la population, les startups commencent à fédérer une communauté autour de leur produit ou de leur service. L’indifférence des entreprises traditionnelles n’est plus de mise, elle se rassure en activant des Chief Digital Officiers, incubateurs internes aux entreprises, de l’open innovation, une campagne de publicité virale… c’est le début de l’affirmation de la puissance de la multitude en tant qu’individu. Ils s’élèvent ainsi à l’encontre des entreprises proposant des services à faible valeur ajoutée. Le concept de multitude a été popularisé par Nicolas Collin et Henri Verdier et tiré des théories d’un économiste Italien du début du 19ème siècle.
#3 : La modification des rapports de force 😭
Les nouveaux rapports de force s’induisent par deux faits : les habitudes des entreprises traditionnelles à fonctionner : « comme elles l’ont toujours fait », l’apparition d’expérience utilisateur unique en direct avec le consommateur. A cette étape, déjà, la prise de conscience est souvent trop tardive, les nouveaux entrants développent des marges considérables et attaquent les parts de marché. Jusque là jugées comme intouchables, les entreprises traditionnelles se tournent vers la régulation juridique pour contrer ces nouveaux entrants : « qui font de la concurrence déloyale ». Les vieilles corporations sortent ainsi du bois et profitent de leur main mise sur les acteurs du monde politique pour défavoriser les nouveaux entrants de la scène technologique.
#4 : L’apparition des géants 😱
La compétition se fait de plus en plus forte, de nombreuses start-ups sont désormais des « licornes » et font face à des croissances vertigineuses sur le plan international. Pour contrer ces effets, la concentration est un des recours des acteurs traditionnels pour contrer la puissance des nouveaux entrants. Cependant, ces efforts sont inutiles. Grâce aux modèles de scalabilité des nouveaux entrants et à leur positionnement dans la chaîne de valeur, ils contrôlent l’accès à la multitude et créent de la valeur de façon répétitive et croissante tout en ayant une construction de leur coût fixe de plus en plus faible.
#5 : L’intégration verticale 🚀
Cette étape est la dernière du processus, les entreprises numériques dominent la chaîne de valeur et répondent aux besoins de la multitude : avoir plus, pour moins avec de la nouveauté. Les acteurs traditionnels adoptent la stratégie de l’autruche : « ne changeons rien, ça a toujours bien fonctionné, même si les habitudes de nos consommateurs changent, même si les attentes de nos consommateurs changent si vous n’aimez pas, ça ne changera pas ». L’intégration verticale est l’étape la plus forte et la plus représentative des pratiques des nouveaux géants : ils arrivent dans un marché en contrôlant la « ressource » : la multitude et une fois le contrôle en place, se mettent à remonter la chaîne de valeur depuis le bas. Les exemples sont aujourd’hui nombreux : Airbnb qui s’apprête à louer ses propres appartements, Uber qui attaque tous les secteurs du transport (Hélicoptère, bateaux, etc…).
Ces étapes sont un moyen pour vous, entreprises, de comprendre où se situe votre filière dans sa transformation et ainsi d’anticiper les changements à venir.
Vous souhaitez réaliser un état des lieux des forces en présence dans votre secteur ? La West Web Valley peut vous accompagner dans l’analyse de votre filière.
Vous avez des remarques, des compléments d’informations à apporter ou des compliments à donner, les commentaires sont là pour ça ✌🏾
