De quoi la « critique des médias » est-elle le nom ?

Antonin Grégoire
13 min readNov 30, 2016

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Dans une diatribe vraiment nauséabonde, Frédéric Lordon, idéologue médiatique laisse exploser sa haine des médias et des fact-checkeurs, rendus responsables de tout et son contraire. Traités de “morts vivants”, de “bovins”, de “singes” ou de “crétins”, les éditorialistes ont le tort de donner leur opinion, les fact-checkeurs ont le tort de ne pas la donner. Il est temps de combattre ce discours anti-média et anti-système et d’oser dire que la démocratie, la vérité et la bien-pensance c’est mieux et plus sain que le fascisme, le mensonge et la parole raciste, antisémite et islamophobe. « Lémédia » ne sont pas responsables de la société que nous produisons en commun.

Lordon reproche aux journalistes et aux fact-checkeurs de produire un monde de réalité qui prime sur l’idéologie et la politique. Dans une spectaculaire inversion des responsabilités, c’est désormais aux journalistes de faire de l’idéologie, aux fact-checkeurs de faire de la politique. Pendant que l’intellectuel et l’idéologue se posent en inspecteurs des travaux finis, volontiers insultant « les médias » dans leur ensemble quand ce qu’ils lisent ici où là ne correspond pas à ce qu’ils voudraient lire.

Une critique des médias qui se fiche de ce que font les médias

Les médias sont ainsi responsables : d’avoir voulu empêcher Trump, de ne pas l’avoir empêché, de l’avoir censuré et laissé parler, de l’avoir critiqué…

La critique de Lordon évacue d’un trait de plume sans le justifier, deux principes pourtant fondamentaux qu’il est impossible de ne pas prendre en compte lorsqu’on critique « les médias »

  • La précarisation
  • La pluralité

Les médias ont ceci de très particulier qu’ils sont à la fois démocratiques et capitalistes. La tendance capitaliste mène à la précarisation, la pluralité est la conséquence de l’activité démocratique. Les deux fonctionnent ensemble, parfois de façon harmonieuse (le capitalisme peut travailler en démocratie ou en dictature, il s’en fiche), parfois cela entraîne de vrais conflits (Itélé par exemple). Pour Lordon, l’argument de la précarisation des travailleurs de la presse serait « le bouclier humain » des « éditorialistes recuits ».

Pourtant s’intéresser à la précarisation est essentielle. La précarisation dit ceci : les journalistes ne sont pas intéressés par l’argent. Le salaire n’est pas leur motivation principale. Ils ont d’autres motivations et, parmi celles-ci par exemple : informer les gens d’une réalité avec laquelle ils ne sont pas directement en contact, équilibrer la parole du puissant ministre avec celle de l’anonyme fonctionnaire de terrain, du patron et de l’ouvrier (en allant mettre les deux paroles dans un même article), de « donner des armes » aux lecteurs pour qu’ils puissent se faire une opinion par eux-même.

Quand le pigiste précaire va risquer sa vie en zone de guerre il pense au mec dans les embouteillages qui va écouter la radio et qui n’y connait rien. Il va se plaindre de son salaire de misère mais il va continuer de faire son boulot en allant chercher sa gratification dans l’idée qu’il donne au type dans les embouteillages des moyens de comprendre et de juger.

L’éditorialiste, plus avancé dans sa carrière, fait un travail différent. C’est un scoop que la critique « des médias » ne parvient pas à comprendre : il y a plusieurs métiers dans le journalisme. Des techniciens, des monteurs, des correcteurs, titreurs, secrétaires de rédaction, pigistes, reporters, directeurs, “rédchefs” et tous ces gens travaillent ensemble. Le travail de l’éditorialiste et celui du fact-checkeur sont de natures différentes et, ô surprise, complémentaires. L’éditorialiste écrit et diffuse dans des cases séparées du reste et identifiées comme telles (chronique, opinion, édito, pages « idées » ou « rebonds »).

Cette identification est aussi une information à destination du lecteur : attention, ceci est une opinion, une prise de position. Aucun éditorialiste ne s’attend à ce que tout le monde soit d’accord avec lui, pas plus que le fact-checkeur qui lui aussi distribue ses produits dans des cases clairement identifiées. Chacun conçoit son produit comme un outil d’information livré au public à qui on laisse le droit d’en faire ce qu’il en souhaite. Il ne peut y avoir de « philosophie » du fact-checking ni d’éditorialisation de la presse tant que l’éditorial et le fact-check sont rigoureusement maintenus dans des cases séparées et identifiées comme telles. La pluralité ce n’est pas seulement qu’il y ait plusieurs médias entre lesquels le public est libre de choisir c’est aussi qu’il y a pluralité des points de vues, des paroles et des rubriques au sein d’un même média. Que fait-on lorsqu’on a un journal entre les mains ? Va-t-on lire les dizaines de pages l’une après l’autre comme on le ferait avec un livre de Lordon ? Bien sûr que non, chacun navigue entre ce qui l’intéresse ou ce qui le révolte, fait un choix avec sa télécommande entre le journal régional de France 3 ou Quotidien sur TMC, entre le 20h de TF1 ou Plus Belle la Vie (qui, scoop, est aussi un « média » qui parle énormément d’actu et des débats de société).

“Les médias” c’est pourtant du pluriel

Lordon balaie le pluralisme des médias d’un revers de main parce que la revue de presse de France Inter ne cite pas l’Humanité, Politis ou le Monde Diplomatique. Si Lordon avait écouté aujourd’hui France Inter, il aurait entendu « l’instant M » consacré à l’actualité des médias citer son article du Monde Diplomatique dans sa revue de presse. L’argument, en plus d’être faux, est profondément nocif : l’Humanité, Politis ou le Le Monde Diplomatique sont des médias et suivent les mêmes règles (séparation des faits et des commentaires, vérification de l’info…) avec parfois les mêmes pigistes qui écrivent pour l’un ou pour l’autre. « Les Jours » a été fondé par des journalistes de Libération, Jean Michel Apathie est passé par Politis et Robert Fisk, éditorialiste moyen-orient du monstre mainstream « the Independant » chante les louanges d’Alain Gresh. A l’autre côté de la chaîne, les fact-checkeurs tant décriés par Lordon n’hésitent pas à fact-checker les intox ou rumeurs y compris lorsqu’elles sont issues des médias eux-même et à taper sur leurs collègues qui se font avoir par des intox sans vérifier.

“La philosophie spontanée du fact-checking, c’est que le monde n’est qu’une collection de faits et que, non seulement, comme la terre, les faits ne mentent pas, mais qu’ils épuisent tout ce qu’il y a à dire du monde.”

Si tel était le cas les « faits » fact-checkés ne seraient pas dans des rubriques séparées du reste et les pages « idées » ou « edito » auraient depuis longtemps été supprimées et remplacées par du fact-check. Ce que Lordon refuse de comprendre, c’est que le fact checking n’a rien de spontané. Il est ce qu’il prétend être : un checking de faits. Il n’y a pas de fact-checking si il n’y a pas de fait à checker. Ce que font les fact-checkeur c’est prendre une parole politique ou un fait présenté et aller le vérifier. Pas de fait présenté, pas de vérification. Le fact-checking n’entend pas promouvoir une vision du monde « réaliste » et incontestable mais précisément lutter contre une tendance de plus en plus importante (à droite notamment) à présenter des mensonges comme des réalités indiscutables. Lordon en réalité utilise exactement la méthode du fact-checking : il prend la parole des journaliste et cherche à l’opposer à des faits qui prouvent qu’ils mentent. Et Lordon, en choisissant de s’en prendre aux journalistes plutôt qu’aux politiques, est assuré de toujours avoir raison comme on le verra par la suite et surtout, qu’il évite soigneusement d’appliquer sa radicalité à tout le monde.

Il y a bel et bien une idéologie organisée de l’intox

Là où la critique de Lordon se trompe volontairement de cible c’est qu’elle met la charrue avant les bœufs et le fact-checkeur devant le manipulateur. Il y a une industrie de l’intox et une idéologie de l’intox. Celle là, Lordon s’en tamponne bravement. Ce pur produit du capitalisme débridé qui se fait 10 000 dollars par mois en publiant des mensonges, voilà un capitalisme qui n’intéresse pas Lordon. Ce déversement de haine antisémite et islamophobe, voilà une idéologie qui n’intéresse nullement Lordon. Voilà contre quoi le « crétin post-politique » fact-checkeur se bat toute la journée parfois totalement gratuitement : un néoliberalisme de la haine.

Lordon fait aussi semblant de ne pas voir aux côtés de qui il se place quand il s’en prend aux fact-checkeurs. S’en prendre aux médias, quel courage, quel audace, quelle subversion. Et taper sur les fact-checkeur en les traitants de “crétins”, de “singes”, de “bovins” mais qui d’autre fait ça ? Avec quels loups Lordon hurle-t-il ? N’y a t-il pas un tout petit problème de voir un idéologue (de gauche?) vociférer sur les mêmes cibles que la pire des extrême-droites et avec les mêmes références animalières ? Est-ce qu’il n’y aurait pas un bon combat à mener à défendre des hommes et des femmes qui se font traiter toute la journée de « journalopes » ou de « putes à buzz » ? Quand est-ce que enfin des idéologues vont essayer de réfléchir à ce qu’il y a derrière cette haine des médias ? Antisémitisme, Islamophobie, fascisme (haine de la démocratie), sexisme : quand est-ce que la « critique des médias » va oser regarder ça en face. A qui on s’associe, à quoi on participe quand on vient insulter les journalistes ?

Il existe une puissante machine de mensonge et de haine dans nos sociétés. Une machine parfaitement organisée avec des stratégies coordonnées, des réseaux et qui se rémunère soit en espèces capitalistes sonnantes et trébuchantes soit en gain politique (quand elle parvient à placer Trump au pouvoir, à faire interdire un concert de Black M, à éliminer « Ali Juppé » et par ricochet toute personne prénommée « Ali »). Il y a, face à cela, un début d’organisation des fact-checkeurs qui tentent de mettre en commun des ressources journalistiques, des ressources citoyennes, l’outil internet afin de lutter contre ce torrent de haine et de mensonges.

Bien sûr que le concept de « post-vérité », appliqué aux fausses infos, intox, au conspirationnisme et à la crise de confiance dans les médias n’est ni intellectuel ni adapté. Il exprime pourtant le besoin d’un nouveau concept pour une nouvelle réalité. Il y a bien un moment où le Brexit, l’élection d’un troll d’extrême-droite à la présidence des US signifie un changement d’ère. En réalité les journalistes qui parlent de « post-vérité » ont déjà deux longueurs d’avance sur Lordon : ils n’en sont plus à « se poser la question » mais déjà à chercher une réponse. Et on se demande quelle espèce de post-jalousie pousse Lordon à courir derrière pour leur barrer la route plutôt qu’à les aider à trouver un concept approprié.

Lordon reproche aux journalistes d’utiliser le fact-check pour s’immuniser des critiques. Ils osent, ces êtres infâmes, tenter de bien faire leur travail pour être irréprochables. Comportement odieusement humain, digne de cet horrible scientifique qui teste ses hypothèses en laboratoire, de cet odieux sociologue qui établit sa méthodologie, de cette crapule de juge qui se réfère à la loi pour juger, de cet ouvrier qui met un point d’honneur à ce que le produit de son usine soit exempt de toute imperfection, de cet universitaire qui met des notes en bas de pages et une bibliographie. Le fact-checking évidemment date de bien avant l’élection de Trump mais pourquoi s’éviter un anachronisme puisqu’on a décidé qu’établir des faits, des lieux et des dates c’était une attitude de singe.

Coupables de tout et aussi de son contraire, c’est facile puisque les médias font des choses contradictoires

“C’est qu’un Trump puisse débouler dans le paysage dont vous êtes coupables. Vous êtes coupables de ce qu’un Trump n’advient que lorsque les organes de la post-politique ont cru pouvoir tenir trop longtemps le couvercle sur la marmite politique.”

Coupables d’avoir voulu empêcher Trump et coupables de ne pas l’avoir empêché. Le couvercle, la marmite, le bébé et l’eau du bain.

Le problème de cette critique des médias est qu’elle se contrefiche de ce que sont les médias et du travail qu’ils font. Les médias, les journalistes, font des choses contradictoires. C’est la raison pour laquelle qui veut les critiquer pourra leur reprocher tout et son contraire.

Un journaliste doit rendre son papier au plus vite mais aussi creuser et vérifier le plus profondément possible, c’est contradictoire. Il doit contextualiser au maximum et être le plus précis possible mais respecter un format extrêmement limité (qu’il essaye un peu Lordon de faire tenir le conflit israélo-palestinien en 5000 signes) c’est contradictoire. Un journaliste doit être proche de sa source pour qu’on lui confie des infos et savoir s’en distancier pour diffuser ces infos au public, c’est contradictoire. Un journaliste doit être payé mais aussi indépendant c’est contradictoire. Un média est une entreprise capitaliste privée et un service public d’information et de démocratie c’est contradictoire. La façon dont les journaliste résolvent ces contradictions est une négociation permanente. Aucune « règle » prescrite, parfois c’est un côté qu’il faut privilégier, parfois un autre et un publireportage complaisant peut servir à financer une enquête d’investigation. Les journalistes sont jugés comme bon ou mauvais selon leur capacité à négocier correctement ces contradictions. La critique de “lémédia” arrive ensuite, sélectionne ce qui lui a déplu et reproche au journaliste d’avoir négocié entre les contradictions sans tout faire parfaitement. C’est facile et ça provoque les applaudissements de l’assistance et de l’extrême-droite.

Lordon grand patron de l’idéologie dominante.

La « post-vérité », la défiance envers « lémédia », le conspirationnisme, le mensonge politique sont à l’heure actuelle dominants. C’est Trump et le Brexit qui gagnent aux élections. C’est 5 élèves sur 6 qui croient aux illuminatis. C’est le Fillon qui crache à la figure de Pujadas et d’Elkabbach qui est élu à la primaire. C’est l’intoxicateur qui se fait 10 000 dollars par mois, le Soral qui est best-seller. On serait bien en peine de trouver un seul candidat à la présidentielle qui ne joue pas dans la posture « anti-média » ou « anti-système » (ce qui revient au même). Taper sur les médias est devenue la posture politique de base ultra dominante. On ne va même plus chercher de faits ou d’arguments pour dénoncer par exemple la politique israélienne en Palestine, il suffit juste de dire « les médias ne parlent pas correctement de la politique israélienne en Palestine » et le succès est assuré.

Qu’on ose critiquer Lordon, ce sera la preuve que « les médias refusent qu’on les critique » et on repart sur le système, l’élite qui se reproduit, la caste éditorialiste, sans se rendre compte de combien cette rhétorique pue les années 30. Et la critique des médias, quand se remet-elle en question?

En réalité sous « les médias », la critique cache toutes ses saletés sous le tapis

Où est la critique de Breitbart ? Où est la critique de fdesouche ? Où est la critique de Russia Today ? Ce ne sont pas des médias ? Ils sont irréprochables ? Quel est donc le fameux système dominant aujourd’hui ? Celui qui ne parvient pas à empêcher Trump ou celui qui le fait élire ?

Il est temps que cesse cette systématique dénonciation du « système » de la part de gens qui ont une stratégie médiatique anti-média dont ils usent et abusent. « On est jamais cité dans les médias mainstream » dénonce Frédéric Lordon qui accuse les médias généralistes d’étouffer la parole ou la pensée de gauche. La pensée de Lordon qui donc n’est pas dans le Monde, ni dans Libé, ni bien sûr sur France Inter, victime de censure dans l’Obs, ostracisé dans les Inrocks , banni de France Culture, banni encore de France Culture

Sans compter toutes les fois où Lordon, drapé dans sa posture anti-média, a refusé de répondre à leurs questions pour mieux dénoncer ensuite l’entre-soi de cette élite qui ne s’intéresse pas à la pensée de gauche.

Peut-être que si les médias ne montrent pas assez la différence de la gauche radicale c’est que cette différence est de plus en plus difficile à voir?

Mais non évidemment, « lémédia » sont coupables d’écraser la gauche, de nier volontairement la différence fondamentale entre la gauche et la droite au profit de la « réalité » qui serait une pensée de droite.

“Cet étouffement ne laisse ouvert que le soupirail de l’extrême-droite, porte des Trump au pouvoir car ceux-ci arrivent lancés avec bien plus d’avance que des Sanders, dont lémédia, en effet, ont tout fait pour qu’il ne vienne pas déranger la candidate chérie, comme ils font tout pour abaisser Corbyn, traîner Mélenchon dans la boue, tous noms propres à lire ici plutôt comme des noms communs, comme les appellations génériques d’une possibilité de différence.”

Lémédia coupables d’étouffer Sanders qui a concouru à la primaire démocrate, d’abaisser Corbyn chef du parti d’opposition britannique, de traîner dans la boue un Mélenchon qui touche aux 15% dans les sondages. Pauvres victimes du système qui leur refuse leur « droit à la différence ». Et quelle différence. Sur un sujet très idéologique comme le soutien à Assad et Poutine par exemple, quelle est exactement la différence de Sanders, Mélenchon ou Corbyn par rapport à Le Pen, Trump ou Fillon ? Quand le brave camarade Méluche va se vautrer dans la fange d’extrême droite poutinienne en mettant « crimes de guerres » et « bavardages » dans la même phrase, est-ce le rôle des médias de le sortir de sa boue ? Cette pseudo gauche radicale qui se compromet avec l’extrême-droite sur tout un tas de sujets, des réfugiés au génocide syrien en passant par la dénonciation de l’Europe et les crachats sur « lémédias », exempte de tout reproche bien sûr, héroïque dans ses compromissions.

Et la différence entre Lordon et Bolloré, où est-elle?

Lordon et sa « pensée » sur lémédia est le symptôme d’une grave crise démocratique sur laquelle la critique de « lémédia » évite de se pencher. Le « système médiatique » une cible commode qui évite à une certaine gauche de porter son regard sur d’autres systèmes. Le système oligarchique russe, le système génocidaire d’Assad, le système de propagande de Poutine, le système de corruption chinois, le système médiatique antisémite et islamophobe de l’extrême droite…

“Un système qui ne possède plus aucune force de rappel, plus aucune régulation interne, plus aucune capacité de piloter une réelle transition politique à froid ne mérite que de disparaître.”

Voici l’immonde conclusion de Lordon qui préfère la haine de « lémédia » au soutien aux salariés grévistes d’itélé qui ont lutté avec un incroyable courage pendant un mois durant pour faire exister une force de rappel, une régulation interne, une capacité à piloter une réelle transition politique à froid. Elle est où la différence entre Lordon et Bolloré ?

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Antonin Grégoire

Reborn sociologist, master in History, master in War Studies, spare time freedom researcher, reggae DJ and revolution writer. bloqué par Nadine Morano