PixelMe lève 1m€ : avec liquidation préf. simple ou “ double dip “ ?!

Arnaud LAURENT
7 min readJan 9, 2019

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Fin décembre, Pixelme, la startup co-fondée par Maxime Berthelot et Tom Benattar annonçait une levée de fonds d’1m€. Cette dernière a été particulièrement bien relayée dans la presse (voir article Maddyness ou Wydden) parce que les fondateurs ont publié leur termsheet et fait preuve de beaucoup de transparence. Hier midi, j’ai pris quelques minutes pour assister à la présentation très intéressante de Tom Benattar.
Lors des questions réponses et en parcourant la termsheet en ligne que je découvrais sur mon smartphone, je lui ai posé la question simple suivante : avez-vous négocié une liquidation préf. simple ou “ double dip “ ?!
Le problème, c’est que la plupart des personnes présentes dans la salle composée d’entrepreneurs destinés à lever des fonds pour la plupart, ne connaissaient pas réellement la différence alors que c’est un sujet considérablement engageant ! Du coup, j’en ait fait un petit article.
Bonne lecture !

Tom Benattar lors de sa présentation à Cap Oméga Montpellier le 9/01/2018

D’où vient PixelMe ?

J’ai personnellement rencontré Tom en 2015 lors de ses deux premiers essais de Startups, Lynxia et Saas Invader. Nous avions décidé à ce moment-là de ne pas investir via XLR Capital, malgré la qualité / ténacité de l’entrepreneur que j’avais perçue.

Pour PixelMe, le 3e essai donc, tout commence à Bali en octobre 2017 où Tom Benattar et Maxime Berthelot, alors en vacances, ont l’idée d’un produit de growth marketing et se demandent s’il peut réellement fonctionner sur le marché. A partir de là, au lieu de monter un business plan ou de chercher des solutions pendant des heures, ils décident de “ bootstraper “ et de procéder de manière inverse. Ils créent tout simplement une landing page en faisant croire aux visiteurs que le produit existe déjà. Ils mettent également en place une publicité Facebook pour voir si elle génère des conversions. Puis, ils intègrent un programme de referral simple : “si tu veux rejoindre notre version beta, tu dois inviter des amis”. Ils récupèrent ensuite des adresses mails ciblées et rapidement le constat est sans appel. 120 sign up en 2 semaines. Les deux associés ont un début de confirmation : le produit intéresse les clients.

A ce moment-là, ils commencent à travailler avec Jérémie Doucy, l’associé développeur qui code le MVP en quelques heures. Aucune technologie poussée / pas de grosses barrières techno, mais un produit utile / performant qui plaît.
A la fin de la période de trial, lorsque les premiers clients commencent à les contacter pour leur dire qu’ils souhaitent payer ils décident d’intégrer un moyen de paiement.

PixelMe, c’est quoi ?

C’est un URL shortener (comme Bitly) qui contient des pixels de retargeting. Le but est de créer des audiences et de retargeter les gens qui ont cliqué. Les principaux clients sont des Amazon sellers et certaines startups.

Exemple :

1) On copie l’URL d’un article Medium/Forbes/Techcrunch qui parle de nous
2) On génère un nouvel URL sur PixelMe
3) On partage l’article sur les réseaux sociaux
4) Le traffic qu’il a généré est analysé et les gens qui ont cliqué sont mis dans une custom audience sur chaque réseau pour pouvoir les retargeter

Les tarifs débutent à 29$ et peuvent monter jusqu’à 149$, en fonction du nombre de clics.

Quelle culture & valeurs pour PixelMe ?

La culture d’une entreprise est un subtil équilibre à trouver entre la personnalité des fondateurs et des collaborateurs, le secteur dans lequel on évolue, le package qu’on propose à ses salariés etc.

  • Côté localisation, il semble que l’équipe actuelle est en full remote : de Montpellier à Amsterdam en passant par San Francisco, ils n’ont pas de bureaux.
  • Niveau package, leur mutuelle est Alan, leurs fiches de paie sont gérées par Payfit, leur banque est Qonto & leur assurance Weassur... Il ne leur manque plus que les tickets resto Lunchr Loïc Soubeyrand.
  • Sur la partie support / relation client, ils affichent une vraie volonté de proximité avec leurs utilisateurs : contact par téléphone lors de lancements de nouvelles features, réponse au live tchat en 3 minutes maximum... etc. bref une vraie startup où tout le monde est à 200%.
  • Côté communication interne / externe, Maxime Berthelot ayant travaillé chez Buffer, un entreprise connue pour ses méthodes de management, il semble que les 3 associés adoptent les mêmes recettes : transparence sur les salaires, les chiffres, etc car cela peut créer selon eux des frustrations et tensions inutiles.

Evidemment, ils ne s’en cachent pas, il y a également un gros aspect marketing pour eux. Très peu de boîtes sont aussi transparentes donc beaucoup de monde parle de PixelMe … cela leur génère du business etc.

Sur quels KPIs a levé PixelMe ?

PixelMe observe une croissance de 20% par mois, génère plus de 10k€ de MRR et recense 10k users (dont 350 clients payants).
La vision et le potentiel marché ont semble t-il également plu aux nouveaux investisseurs : Serena, Kima Venture et différents business angels qui ont décidé d’investir 1m€. Les éléments du deal sont accessibles en ligne :

Mais alors, diable : qu’est ce qu’une liquidation pref. simple et la différence avec une “ double dip “ ?

Il y a quelques mois, je lisais un post de Jean Marc Patouillaud qui expliquait, que dans un monde idéal chaque levée de fonds devrait reposer sur un scénario équilibré, et que si ce n’était pas le cas, il fallait fuir la table des discussions ! En d’autres termes, que le deal ne soit ni trop à l’avantage de l’entrepreneur (assez rare), ni trop à l’avantage de l’investisseur (plus fréquent).

Je suis complètement en ligne avec ça. J’aime expliquer aux entrepreneurs avec “ mes mots “ ce que je signe ave eux, et ne pas me cacher derrière un conseil / la technicité juridico / financière.

Aussi, si j’ai décidé de rebondir sur la levée de PixelMe, c’est parce que depuis plusieurs mois je constate sur le terrain (et ça m’énerve) que la plupart des entrepreneurs ne font pas la différence entre les deux, et que certains d’entre eux ont même signé des deals sans le comprendre… L’imagination des rédacteurs n’a parfois pas de limites, c’est pourquoi je conseille toujours aux entrepreneurs d’essayer de rester sur des modèles simples. Lorsqu’ils utilisent une termsheet type Galion, l’enjeu c’est d’être bien accompagné, de pas reprendre tout tel quel et maîtriser les concepts / enjeux parfaitement.

A ma connaissance il existe a minima 7 types différents de répartition (sans préférence, avec préférence non cumulative simple / avec multiple / avec rendement, avec préférence cumulative simple / avec double dip / avec couloir sans préférence / avec multiple) … mais pour faire simple je vais rester sur 3 exemples que j’avais utilisé pour illustrer cela auprès d’une société du portefeuille WeSprint :

  • exemple de répartition sans liquid pref :
% de capital / Hypothèse de cession
  • Exemple de répartition d’une liquid pref. simple avec rattrapage :

Rang 1 — nominal
Rang 2 — préférence
Rang 3 — rattrapage pour les associés non détenteurs d’actions de pref.
Rang 4 — tous les associés au pro rata

La préférence s’exerce pour les investisseurs tant qu’ils n’ont pas récupéré le prix de souscription (= la prime d’émission liée à la valorisation pré monnaie). Ensuite, les fondateurs rattrapent cette préférence (= sur une tranche définie ex : de 2 à 3m€ ils sont quasiment les seuls à toucher un % du prix de cession pour qu’in fine la répartition du prix de cession soit conforme à la répartition du capital).

% de capital / Hypothèse de cession
  • Exemple de répartition d’une liquidation préférentielle cumulative double = sans rattrapage

Rang 1 — nominal ou X% du prix de cession (0 à 30% habituellement)
Rang 2 — préférence
Rang 3 — tous les associés au pro rata

% de capital / Hypothèse de cession

Dans ce contexte, ce qui change fondamentalement pour les entrepreneurs c’est que la liquid préf. n’est jamais rattrapée par les actions ordinaires (pas de catch-up / rattrapage). Les actions préférentielles sont donc servies 2 fois (double dip) : d’abord prioritairement au titre de la préférence, puis au pro- rata de l’ensemble des actions.

Ce mécanisme assure aux investisseurs une priorité pour la récupération du capital investi, qui reste acquise au détriment des actions ordinaires. Lorsque le prix de cession de la société augmente, la répartition du prix entre les actionnaires tend vers le prorata des actions, sans jamais l’atteindre, compte tenu de la préférence qui reste acquise aux investisseurs.

A titre personnel, je n’ai aucun “ avis “ sur le sujet / ne suis pas en faveur d’un scénario ou l’autre. Chaque opération est différente, et c’est aux entrepreneurs de définir ce qu’ils sont prêts à accepter, qu’il s’agisse de la liquid pref ou d’autres points (bsa ratchet, inaliénabilité, bad leaver etc). Par contre mon rôle dans l’écosystème est de “ combattre “ l’ignorance de certains entrepreneurs sur ces sujets fondamentaux… Si j’ai le temps, je publierai d’autres articles de ce type.

Si vous êtes encore là et que vous voulez allez plus loin, je vous recommande l’excellent Guide de la LOI publié par l’AFIC.

Et après ?

PixelMe veut devenir l’outil de growth marketing qui permet de centraliser toutes ses campagnes en mettant tous les liens au même endroit. Un dashboard personnalisé pour créer et analyser ses campagnes… Il ne me reste plus qu’a vous souhaiter bonne chance les amis !

NB : J’ai co-rédigé avec l’aide d’Hanaé notre super UX Designer qui rédige aussi des articles ! Cool d’écrire à 4 mains ça va plus vite : )

PS : Bravo Tom Benattar et vive France Digitale !!!

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Arnaud LAURENT

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