Gilbert, George & Obey : engagés et déroutants

Fisné Audrey
4 min readFeb 21, 2015

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Des OVNI british face à un street artist engagé prennent possession de l’espace Vallès à Saint-Martin-d’Hères (Isère). Jusqu’au 14 mars, la galerie d’art propose une exposition de quelques œuvres de Gilbert et George ainsi que des créations signées Shepard Fairey, célèbre pour sa campagne Obey.

Provocateurs, Gilbert et George aiment se représenter sur leurs œuvres, ici avec « Drops of blood ». Crédits photos: Adeline Gailly

Le contraste est net dès l’entrée dans la galerie de l’espace Vallès : sur les murs immaculés, les œuvres exposées éclatent de couleurs. Un immense assemblage de tableaux quadrillés forme l’œuvre « Garden City » de Gilbert et George. Figures majeures de l’art contemporain depuis les années 1960, les deux Anglais sont connus pour traiter, avec dérision, sexualité, prostitution et autres thémes sociétaux. Avec “Garden City”, les deux artistes mettent l’urbanisme à l’honneur. Rouge, bleu, vert et jaune colorient des photos retouchées et réunies en une seule. Celle-ci regroupe des jeunes garçons, la coupe en brosse, le jogging extra-large alors que le fond représente un immeuble HLM. En haut, tels deux petits démons espiègles, Gilbert et George observent, vêtus d’un costume noir, leur marque de fabrique. Mains levées, bouche ouverte et yeux transperçants. Malaise. L’envie de détourner le regard de leurs portraits est immédiate.

En face, le mur a été peint en rouge. Il est saturé de cadres représentants la collection deprints de Shepard Fairey. Le street artist s’est surtout fait connaître pour son affiche de Barack Obama lors de sa campagne présidentielle en 2012, une sérigraphie rouge et bleue. Il est désormais associé à la campagne Obey, mouvement de street art diffusant des oeuvres sous la forme d’autocollants. Ici, 80 affiches captivent les visiteurs qui s’arrêtent un à un sur chaque œuvre. L’oncle Sam critique le capitalisme, l’index pointé vers eux tandis que John Lennon enserre sa femme Yoko entre une colombe et Ozzy Osbourne. Devant ce joyeux pêle-mêle rouge, noir et blanc, impossible de choisir son affiche préférée. L’ensemble dégage une force et une cohérence esthétiques.

Un drapeau réinterprété des États-Unis fait l’angle de la pièce. Sur ce « Mayday flag », un assemblage de logos et symboles ont remplacé les étoiles traditionnelles. Le serpent de la médecine, le sigle de l’anarchie, les pictogrammes des produits dangereux, corrosifs ou recyclables accompagnent l’étoile juive ou le symbole de la paix. Les bannières, en relief, sont également constituées de dessins et extraits de journaux. Le tout renvoie un effet vieilli et quelque peu meurtri.

Le parcours pauvre en œuvres

Il faut monter les marches pour en voir davantage. Quelques notes du groupe de rock expérimental No age viennent habiller l’exposition. Au deuxième étage, un rideau noir fait face au public. Derrière, dans des extraits vidéos, Gilbert et George, autoproclamés sculptures vivantes, dansent de manière clownesque. Un documentaire raconte les étapes de création d’une immense fresque de Fairey sur un mur parisien.

La visite se poursuit tandis que les deux Anglais continuent de dérouter dans leur « Zig Zag » et « Drops of blood ». Les photos retouchées et assemblées à l’encre de couleur créent la confusion. Des globules rouges en gros plan sont perturbés par le buste des deux compères anglais avec, toujours, ce regard perçant et dérangeant. En vis-à-vis,une petite annonce en anglais est accompagnée d’un tas de pièces et de doigts. Complexe, quasi insensé, l’ensemble est lié par un trait jaune.

Tandis que l’interrogation règne, Shepard Fairey multiplie les symboles d’engagement dans ces créations. Une main faite en sérigraphie, technique d’imprimerie à partir de pochoirs, attrape une bombe dans un arbre fruitier. A côté, une femme, également réalisée au pochoir, propose de « manger les riches », sa fourchette déjà dégainée. Anticapitalisme, anti-matérialisme, pacifisme, les combats de Fairey font figure d’idéalisme et de clichés. L’artiste séduit cependant par sa créativité et son esthétique.

L’exposition s’achève cependant trop vite. Les trois œuvres des extravagants britanniques donnent faim d’en dévorer davantage. Celles de Shepard Fairey, bien que plus nombreuses, manquent toutefois de diversité. Le parallèle entre les deux est tout de même plaisant et donne une pluralité artistique riche. Art contemporain ou street art, la comparaison semble cohérente tant par les couleurs que par le fond. Ce ménage à trois s’inscrit dans une lignée de la culture pop qui ravit petits et grands, connaisseurs comme amateurs. L’esthétique et l’engagement sont réunis, grâce à l’âme omniprésente de Obey et la british touch déroutante de Gilbert et George, artistes, quand même, bien siphonnés !

Gilbert & George et Shepard Fairey

Espace Vallès à Saint Martin D’Hères (Isère)

Jusqu’au 14 mars

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Fisné Audrey

Journaliste issue de l'Ecole de Journalisme de Grenoble. Utilisatrice courante des nouveaux outils numériques.