WONDER WOMAN: La femme de la situation

Aymeric
6 min readJun 5, 2017

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C’était avant qu’elle ne devienne Wonder Woman, à l’époque où elle était encore Diana, princesse des Amazones et combattante invincible. Un jour, un pilote américain s’écrase sur l’île paradisiaque où elle vit, à l’abri des fracas du monde. Lorsqu’il lui raconte qu’une guerre terrible fait rage à l’autre bout de la planète, Diana quitte son havre de paix, convaincue qu’elle doit enrayer la menace. En s’alliant aux hommes dans un combat destiné à mettre fin à la guerre, Diana découvrira toute l’étendue de ses pouvoirs… et son véritable destin.

JE SUIS DIANA, PRINCESSE DE THEMYSCIRA

C’est une lourde mission qui a été confiée ici à Patty Jenkins, réalisatrice de MONSTER, petit film indépendant qui ne s’est pas privé de faire sensation à sa sortie, et qui valut à Charlize Theron son Oscar de la Meilleure Actrice. Chargée de réaliser le premier vrai film à gros budget consacré à une super-héroïne (CATWOMAN et ELEKTRA ne méritant que l’indifférence, le mépris et l’oubli), elle avait également pour mission de redorer l’image de DC Comics et de son Extended Universe, tout deux affectés par les retours critiques catastrophiques de BATMAN V SUPERMAN et SUICIDE SQUAD. Dans le film de Zack Snyder, nous avions découvert une Diana Prince mystérieuse, hantée par un passé qu’elle cherche à dissimuler, et détachée de l’humanité, dont elle dit s’être éloignée. En somme, elle s’intégrait parfaitement à l’ambiance pessimiste du film, qui remettait en cause chacun de ses héros, ainsi que leurs croyances, leurs valeurs, leurs combats. Pour mieux les réunir, et les raviver, dans un dernier acte étincelant: La fameuse “aube de la justice”, où l’espoir renaît dans la lumière du sacrifice de Superman.

Bien loin du ton dramatique et de l’esthétique ténébreuse du film de Zack Snyder, les origines de Wonder Woman démarrent, donc, de façon lumineuse, dans le paysage paradisiaque de l’île de Themyscira, terre des Amazones. La rupture visuelle est salvatrice, et détonne avec la plupart des origins stories réalisées jusque ici dans le genre. Si le film en reprend la structure la plus classique (enfance, entraînement, émancipation, naissance du symbole, et grosse baston finale), il se démarque par ses nombreuses idées visuelles, qui en mettent plein la vue. Le meilleur exemple étant l’histoire de la libération des Amazones, racontée avec un enchaînement de tableaux animés qui donne, immédiatement, une patte et une identité au long métrage. En parallèle, et dans une folle démonstration de rythme, soutenu sans se précipiter, cette exposition luxueuse, dominée par une Robin Wright iconique en mentor de Diana, enchaîne contextualisation efficace, développement fougueux de personnages, et grosse séquence d’action qui balance money shot sur money shot avec un style marqué et assumé. Les plus sceptiques reprocheront à Jenkins de faire du “sous- Zack Snyder”, mais, si l’influence du réalisateur est indéniable (il est producteur, et à co-écrit l’histoire), ce qu’elle propose ici est plus une variante de style, réapproprié et appliqué avec un regard sensiblement différent. Une façon, plutôt appréciable et incarnée, d’appliquer la continuité de l’univers sans s’effacer derrière un cahier des charges pré-établi. L’action est minutieusement découpée, pensée, et sublimée par une passion du slow motion qui viendra caractériser toutes les autres séquences majeures du film. Cette première mise en bouche est aussi l’occasion pour Jenkins d’affûter son montage, précis et parfaitement lisible, évitant le cut le plus souvent possible afin de laisser éclater toute l’ampleur de la mise en scène.

IS SHE WITH YOU?

S’il est devenu commun, voir inévitable, de comparer les films de super-héros suite à l’explosion du genre et du nombre, plutôt conséquent, de longs-métrages qu’il a enfanté, WONDER WOMAN, contrairement à ce que l’on pourrait penser au premier abord, ne se rapproche pas d’un CAPTAIN AMERICA: FIRST AVENGER, excepté peut-être dans son setting “guerre mondiale” et dans la configuration de l’équipe qui accompagne l’héroïne. Si comparaison il doit y avoir avec l’écurie Marvel, c’est plutôt du côté de THOR qu’il faut regarder. Pourtant très loin du film de Kenneth Branagh (ne vous affolez pas), WONDER WOMAN reprend et explore, dans sa seconde partie, la découverte et le décalage d’un monde “moderne” auquel notre héroïne est étrangère. Avec beaucoup de légèreté, et une Gal Gadot exceptionnelle dans le registre comique, le film se livre alors à des séquences “fish out of water” (littéralement, “poisson hors de l’eau”), savoureuses, et qui, à la différence de celles qui mettaient en scène le dieu du tonnerre, un brin lourdaud, permettent d’approfondir des traits de caractère bien particuliers de Diana: sa bonne foi, son optimisme débordant, et surtout, sa détermination. Mais plus que de verser dans la légèreté bête et méchante, ces séquences sont aussi l’occasion d’affiner le propos féministe du film, en envoyant une femme forte, intelligente, guerrière, et surtout: libre, dans une société où les femmes sont relayées au second plan, n’ont pas le droit de vote, et surtout pas leur mot à dire en présence d’hommes. Diana est le portrait idéal d’une femme forte, drôle, et attachante, dont la candeur éclatante n’est pas sans rappeler le vrai titre avec lequel le film de Patty Jenkins doit être comparé: le SUPERMAN de Richard Donner (d’ailleurs cité comme principale influence par la réalisatrice).

Cette seconde partie de métrage est aussi le théâtre de la naissance de Wonder Woman, et de l’une des meilleures séquences de l’année. Grand moment d’empowerment (“aucun homme ne peut traverser” lui dit-on, et effectivement, c’est donc elle, une femme, qui s’en chargera), où l’héroïne déploie pour la première fois l’ensemble de ses pouvoirs, devenant le symbole que l’on connait tous, la fameuse séquence du No Man’s Land, intense séquence d’action, est probablement ce que le genre super-héroïque a crée de plus iconique. Nul doute que cette séquence est amenée à devenir culte, autant pour sa démonstration technique et visuelle irréprochable, que pour sa façon inédite de filmer l’action, toujours dans un style hybride et incarné, où chaque mouvement de Wonder Woman est sublimé, maîtrisé, parfaitement capté. Gal Gadot y est gracieuse, féroce, et prouve qu’elle est l’incarnation idéale de Diana, tout à fait capable de porter un film de cette envergure sur ses épaules. Mais au-delà de sa générosité spectaculaire, cette séquence sert aussi l’un des thèmes principaux du film, à savoir l’opposition de point de vue sur la guerre et ses enjeux, reflétée entre elle et Steve Trevor (excellent Chris Pine). Entre la mythologie, et la réalité humaine. Elle découvre les conséquences du conflit directement sur le peuple, qui salue généreusement son acte, quand Steve, de son côté, commence à accepter le discours de Diana, jusque là considéré comme fantasque. Car le film est également une histoire d’émancipation, tout d’abord via le personnage de Robin Wright, mentor et figure maternelle dont Diana doit faire le deuil, puis via Steve Trevor, son guide dans le monde moderne, un brin paternaliste, et miroir de la société, évoquée plus haut, dans laquelle il évolue, qu’elle dépasse rapidement en contestant ses ordres et son influence, afin d’imposer ses décisions.

LE DIEU DE LA GUERRE

Conséquence là encore de la popularité exacerbée du genre super-héroïque, et de la structure narrative classique empruntée par le film, le troisième acte de WONDER WOMAN n’échappe pas à l’habituelle conclusion démesurée et destructrice où l’équipe en charge des effets spéciaux se lâche. Malgré une petite touche d’originalité, qui vise à prendre l’héroïne à contre-pied, il faut reconnaître que c’est ici que le film montre ses premières maladresses. L’antagoniste, bien que sa présence hante le film à de nombreuses reprises, sort un peu de nulle part (avec un design générique discutable), et est incarné avec un premier degré que le film n’avait jusqu’alors jamais intégré à son récit. Cette interprétation grandiloquente tend à amoindrir les enjeux d’une séquence pourtant majeure, heureusement rattrapée par la force de jeu de Gal Gadot, toujours juste, et franchement impressionnante. Impossible cependant de bouder son plaisir, Jenkins faisant preuve de la même générosité qui traverse l’ensemble de son film, via de belles fulgurances visuelles qui maintiennent les débordements habituels de ces séquences XXL, tout en donnant un cachet à sa conclusion, raccord avec les ambitions esthétiques du métrage.

Lumineux, drôle, stylisé, visuellement osé, et porté par l’interprétation démente de Gal Gadot (on n’insistera jamais assez là-dessus), WONDER WOMAN est donc bel et bien le grand film de super-héroïne que l’on nous vendait. Il n’a à rougir d’aucune comparaison, et il ne fait aucun doute que son influence à venir sur le genre sera primordiale. Merci Patty Jenkins.

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