Ce que nous apprend le startup week-end 2015 de Brest

Ay. Poulain Maubant
12 min readFeb 8, 2015

“La suite, c’est par où ?”

Vous ne savez pas ce qu’est un startup week-end ? Sept jours à Brest vous réexplique tout.

Du 30 janvier au 1er février 2015 se tenait la deuxième édition du startup week-end de Brest, organisée par la Cantine numérique brestoise et ses partenaires. Avec Dijon, c’était le premier startup week-end suivant les vœux à la FrenchTech par Axelle Lemaire et Emmanuel Macron. Autant dire que nous avions à cœur d’insuffler dans notre événement l’énergie que nous avions reçue aux vœux.

Une centaine de participants a ainsi travaillé sur 14 projets choisis à l’issue des propositions de plus de 30 porteurs de projet lors des pitchs initiaux du vendredi. Le hashtag #swbrest et le flickr peuvent témoigner d’un week-end très dynamique, qui a enchanté l’ensemble de ces participants, des mentors, des partenaires et du jury.

Et si cela ne suffisait pas, l’Infolab en cours de constitution à la Cantine numérique qui a monitoré les litres de café consommés et l’énergie dépensée sur le punching bag, devrait bientôt rendre publiques ses statistiques.

Merci au passage aux geeks de Cityzen Data, d’Intia et de l’ISEN (l’école qui nous recevait pour la deuxième année) qui ont conçu les applications de traitement des données du startup week-end, confirmant à la fois qu’on aime la Data à Brest et qu’il y a un nid de geeks dans le secteur.

Une réalité qui n’a d’ailleurs pas échappé à OVH (un autre des partenaires du startup week-end) qui s’est installée à Brest en 2013 (après Lyon en 2012) et qui annonce début février une forte croissance en pointe Bretagne.
Pause café mentors n°17/59

Co-fondateur de la Cantine numérique bresoise, je faisais cette année partie des mentors, plus nombreux (16) encore que l’année passée. Certains d’entre nous visitaient les équipes par groupe, et d’autres isolément. Nous nous retrouvions régulièrement dans la salle commune pour discuter des projets, et très vite l’avis général a été le suivant : tous les projets étaient valables, sur des sujets actuels, avec une vraie hausse de qualité par rapport aux projets qu’on peut sourcer ici et là. Redisons-le autrement : quelle que soit l’issue du startup week-end pour chacun des projets, il était évident qu’il y avait à creuser pour chacune des idées proposées, et qu’il faudrait rapidement revoir les porteurs de projets par la suite.

Une semaine après ce week-end intense, voici quelques réflexions que nous nous sommes faites au vu des projets présentés et des résultats du week-end.

Les projets et leurs porteurs reflètent bien notre écosystème BrestTech+

BrestTech+ est le nouveau nom du dossier porté à l’origine par Brest pour la FrenchTech. Si 9 métropoles ont déjà été labellisées FrenchTech à la mi-novembre, Brest ayant été visitée par l’équipe FrenchTech fin octobre était dans un autre calendrier, éligible pour une deuxième vague. Comme tous les autres, notre dossier a fait l’objet de remarques, et nous avons utilisé le temps qui nous restait pour approfondir des aspects qui n’avaient été que cités rapidement dans la première mouture. C’est ainsi que nous avons élargi le territoire sur un axe allant de Quimper à Lannion en passant par Brest et Morlaix, soit 16000 emplois et plus de 1600 établissements, acteurs centraux du numérique, près de la moitié de ce qui se fait en Bretagne. Nous avons également démontré notre capacité à croiser le numérique avec d’autres secteurs d’activité, parfois plusieurs à la fois (santé + mer + agro + numérique par ex.).

Ce dynamisme du territoire et des filières se retrouvait aussi bien dans nos participants, la provenance des mentors, ou les projets proposés. Une rencontre de type startup week-end est idéale pour traduire concrètement la réalité d’un écosystème FrenchTech. Ne resterait plus qu’à donner un caractère beaucoup plus international à cet événement, à travers le jury, ou des mentors à distance pendant la nuit.

Oui, les jeunes veulent monter des entreprises

Premier enseignement de cette nouvelle édition, oui, les étudiants continuent en masse à vouloir créer des entreprises. En 3 jours, quasiment toutes les places “étudiant” du startup week-end avaient été achetées, et par des étudiants venant de profils différents -ce qui se voyait bien dans les équipes-, pas seulement des geeks du numérique. C’était d’ailleurs sympathique de retrouver des étudiant-e-s rencontré-e-s en formation, et d’en voir qui avaient déjà participé à d’autres startups week-end ou startups contest. Preuve s’il en est que ce ne sont pas 10 startups menées par des étudiants que nous pouvons attendre du territoire brestois par an, mais bien 10 startups d’étudiants, voire plus, par école ou université. Là où certaines écoles affichent des taux de création de 13% de leurs jeunes diplômés, nous ne pouvons pas nous contenter d’un objectif de 1 à 2%. Nous ne pouvons plus dire que les étudiants préfèrent trouver un emploi stable, en CDI, et qu’ils auront envie de monter une entreprise vers 35 ans, alors que c’est maintenant, tant qu’ils n’ont pas de contraintes de toute sorte, qu’ils doivent se lancer et aider à défricher lemonde qui se crée.

Nous devrions au contraire avoir comme objectif que la majorité des étudiants se confrontent réellement (pas seulement des cours, et des projets d’étude, mais bien des startup week-end ou autres dispositifs très concrets) à l’idée de monter leur entreprise, et qu’un bon nombre d’entre eux, au moins 20%, se lancent. Cela est d’autant plus facile aujourd’hui qu’un statut d’étudiant-entrepreneur permet de faire la jonction entre les deux statuts. Une chance qu’il faut saisir rapidement pour nos jeunes concitoyens, alors qu’ils restent toujours nombreux à vouloir se lancer, mais un peu plus nombreux qu’avant après une attente de 3 à 5 ans, comme l’explique cet article de Campus Le Monde des étudiants début février.

Prototyper un objet paye

Le gagnant du startup week-end, Kiditap’, propose un tapis de jeu connecté. Pendant tout le week-end une partie de l’équipe a travaillé à la conception d’un prototype, à base de capteurs, de leds et d’arduino dans le tapis, reliés à une tablette, et permettant une interaction dans les deux sens. En 54h on n’a absolument pas le temps de définir un modèle économique (c’est pour cela que les startups existent, pour pouvoir tester des modèles), ni même celui de faire une étude de marché (même si les équipes sont invitées à créer des questionnaires en ligne et aller confronter leurs idées sur le terrain en sortant de leur salle). Ce qu’il faut donc faire, c’est convaincre le jury qu’il y a matière à aller plus loin, et pour cela, rien de tel qu’une application qui fonctionne, un site web qui tourne à peu près, ou mieux encore, parce que cela démontre des compétences techniques variées, et donc une équipe qui a su se trouver en quelques heures, un objet connecté.

Les biotechnologies ont décidément le vent en poupe

Le jury a classé en deuxième position BioSample, une entreprise qui se donne comme objectif de créer une place de marché pour mettre en relation des acteurs disposant d’échantillons biologiques, et d’autres qui les souhaitent.

Que ce soit l’occasion pour redonner un coup de projecteur aux biosciences et à la filière des biotechnologies, très présente en Finistère (voir ce travail d’inventaire effectué certains parenaires du startup week-end) et en Bretagne.

Notons qu’en parallèle du startup week-end trois explorateurs et exploratrices en provenance du BioHackLab La Paillasse ont passé quelques jours à Brest pour rencontrer quelques-uns de nos acteurs, notamment les FabLabs locaux, mais également des chercheurs, ou des locaux susceptibles d’accueillir le futur BioHackLab brestois, avec une composante Océan et une composante Cognition. C’est là une opportunité à saisir dans les semaines à venir, et le lecteur intéressé pourra s’en convaincre en lisant le numéro de février de Socialter, dont le dossier principal est consacré aux biotechnologies.

Numéro 9 “Biotech : prochaine révolution industrielle ? Comment la manipulation du vivant bouleverse l’économie.”

Les startups sont souvent là pour résoudre des problèmes simples

La troisième place revient à l’idée de Watcha, une idée toute simple. Combien de fois ne voit-on pas des salles de cinéma presque vides, dans l’après-midi notamment. Comment faire pour rentabiliser ces séances ? Peut-être en attirant de nouveaux publics, grâce à des prix différenciés et attractifs ? C’est ce que propose Watcha, à travers une application mobile connectée aux salles de cinéma.

Le modèle économique (toutes les équipes ont planché sur ce point avec la méthodologie du Business Model Canvas) à trouver, l’expérience utilisateur à imaginer, et la taille du marché potentiel correspondent bien à ce que doit être une startup.

A startup is an organization formed to search for a repeatable and scalable business model. — Steve Blank

L’équipe, qui a commencé à contacter des clients potentiels, aurait peut-être du plus proposer la gestion du pricing des salles en quasi temps réel, ainsi que la gestion des clients opportunistes (ceux qui finiraient par ne faire qu’attendre les baisses de prix).

Une idée simple est également à l’origine du projet MyHelpr. Son porteur (un startupeur récidiviste) explique ainsi dans la presse : “Comme je suis étudiant en informatique, on me demande souvent des coups de pouce. Les réponses que l’ont trouve sur le net ne conviennent pas toujours et sur les forums, il faut attendre. Avec MyHelpr les gens répondent tout de suite grâce à un système de chat, de vidéo et de partage d’écran. Avec en prime un bonus pour ces saint-bernards : ils engrangent des points qui leur donnent droit à des bons d’achat.”

Variante, l’idée qui nous concerne personnellement le porteur de projet

Every good work of software starts by scratching a developer’s personal itch. — Eric S. Raymond, The Cathedral and the Bazaar

C’est la première des 19 leçons listées par Eric S. Raymond dans un des textes fondamentaux du monde du logiciel libre : rien de tel qu’un besoin personnel pour motiver un développeur à écrire un logiciel. On a pu retrouver cet esprit dans deux projets du week-end : “ça s’appelle revient” ou comment gérer tous ces objets qu’on prête ici et là et qui sont perdus dans la nature, et “growers” une plateforme de mise en relations de talents pour construire sa startup (avec une belle campagne de pub dans les locaux de l’ISEN).

Il n’y a aucune raison de ne pas s’attaquer à un marché déjà investi par les GAFA

Par les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple ; et les ABTX, Alibaba, BaiDu, Tencent, Xiaomi ) ou par d’autres startups d’ailleurs. L’équipe Smartkit est partie du constat que le marché des montres connectées est très porteur, mais pour l’instant construits autour de propositions plutôt chères. Alors pourquoi ne pas construire ces montres soi-même ? Que ce soit déjà imaginé par ChooseBlocks, un projet issu des recherches de type PhoneBloks ou Ara (Google) ne les a pas freinés, bien au contraire. C’est bien la preuve qu’il y a quelque chose à faire. Mais sur ce type de projets il faut rapidement réunir une équipe pluridisciplinaire (technique, marketing, design…), prototyper vite et souvent, et aller lever des premiers fonds en financement participatif pour les premiers modèles. Il faut également un écosystème d’entreprises voisines capables de démultiplier la proposition de valeur, comme par ex. des startups sur le coaching sport ou la mesure de soi (et ça tombe bien, il y en a à Brest).

Le jury a récompensé l’équipe Smartkit avec son coup de cœur.

Un logo efficace et un message simple pour être compris de la multitude

Mon prix spécial pour le travail graphique de GoRoadTrip et sa baseline “Share more, go further” : en deux secondes vous avez compris ce que propose cette startup. Compliments pour avoir retravaillé le logo initial en suivant les conseils du mentor Moeity — le talentueux graphiste du jeu Goetia actuellement sur kickstarter.

Et classe aussi, la réaction de GoRoadTrip aux résultats.

Rejoignez leur communauté naissante, ils méritent vos encouragements.

Une startup, ça pivote, autant l’apprendre vite

Exemple avec le projet “relookeunmec” présenté aux pitchs du vendredi soir, et clairement axé sur l’idée que des gars qui ont besoin de changer de style vont trouver des filles qui les amèneront dans les magasins, et hop, emballé c’est pesé, on a aura un gars tout neuf (voire plus si aff.). En cours de week-end, plusieurs mentors estiment que le projet doit être plus large que ça, et englober toutes les personnes qui veulent changer de look. Le modèle d’affaires avec les magasins est également à reprendre.

Plus neutre, et offrant plus de possibilités de développement, le projet deviendra dimanche “trouvetonlook.com”.

La palme du pivot revient quand-même au projet de drone de sauvetage qui est devenu une startup de toilettage pour chiens. Là, j’ai pas bien suivi ce qui s’est passé.

Et pourtant, un drone de sauvetage c’est plutôt une bonne idée, il y aurait de quoi faire à Brest en coopération avec la sécurité civile et les CROSS. L’idée a été démontrée par Alec Momont dans le cadre de ses études en octobre dernier, donc go go go, il faut retourner creuser ce sujet. D’autant plus que l’idée fait son chemin, un studio de design ayant poussé le concept début février avec un quadricopter capable de transporter des blessés.

L’économie sociale et solidaire est aussi une source de projets de startups

Les startup week-end ne font pas émerger seulement des projets gadgets, geeks ou débordant de numérique. Les projets qui utilisent le numérique pour changer ou améliorer le vivre ensemble ont toute leur place. La plupart du temps, ces projets relèvent de l’économie sociale et solidaire, et c’est quelque chose qui nous convient bien à Brest, Ronan Pichon, vice-président de Brest Métropole en charge du numérique, de l’économie sociale et solidaire et du développement durable, étant l’élu référent direct de la Cantine numérique (voir par exemple l’atelier contributif du Conseil National du numérique, “La Société face à la métamorphose numérique”, qu’il a animé le 24 janvier dernier). Brest, en pointe sur ces sujets, a notamment été à l’iniative des rencontres autour des biens communs, avec un colloque tous les deux ans, reproduit dans de nombreuses autres villes depuis 2014.

Nous sommes dont complètement en phase avec Axelle Lemaire (qui l’avait d’ailleurs remarqué lors de son passage à Brest en juillet 2014 pendant le Forum des Usages Coopératifs) qui déclarait à NetExplo début février être “particulièrement sensible à l’impact social du numérique”.

Quatre projets relevaient de cette catégorie cette année :

  • “Osez l’habitat partagé”, une plateforme d’éducation à l’habitat partagé et de mise en relation entre groupe de personnes intéressés et collectivités,
  • “Lips”, (lutte contre l’isolement des personnes seules) un projet de développement d’un environnement pour tablette, permettant à toute personne isolée de communiquer facilement avec ses proches,
  • “Le français est un jeu”, ou comment retrouver le plaisir de bien écrire en français, car cela est essentiel dans de nombreux moments de la vie,
  • “Chupil”, place de marché géolocalisée où les agriculteurs proposent leurs surplus en vente directe, pour moins de gaspillage & de transport.

Peut-être moins spectaculaires que les projets récompensés, ce type de projet mériterait sans doute à l’avenir d’avoir sa catégorie à part pour pouvoir sortir du lot. Et d’autant plus à l’heure où BPI France a émis son nouveau référentiel de l’innovation (élaboré en partenariat avec la FING) qui n’est plus -enfin- construit seulement autour de la technique ou de la R&D.

Quoiqu’il arrive, l’important, c’est de participer

Pas mieux !

Il faut soutenir les organisateurs de startup week-end

Tout le monde apprend quelque chose dans un SW, que ce soit bien sûr les participants, mais également les organisateurs qui ont un boulot énorme pendant plusieurs mois, les mentors qui se frottent aux idées des porteurs de projet, et le territoire qui peut prendre conscience de ses richesses et de ses talents. BrestTech+ souhaitant organiser deux SW par an, nous imaginons en faire une deuxième édition par exemple à Lannion, qui en a déjà l’expérience. Ce deuxième SW pourrait se focaliser plus sur les biotechnologies, ou sur les nouveaux médias, deux des thèmes pour lesquels nous avons déjà de belles entreprises locales, ainsi que des formations de haut niveau. D’autres week-end de ce type (même méthodologies, même état d’esprit, même envie de créer des startups…) pourraient se monter sur Quimper et Morlaix.

Alors, c’est simple, c’est même très simple. Il faut soutenir la Cantine numérique brestoise (et la récente Cantine numérique de Quimper), et notamment financièrement en devenant partenaire au long cours de nos structures. Cela peut rapporter très très gros. Un seul nom à retenir : Jessica Pin, directrice de la Cantine numérique brestoise, et un numéro, le 02 98 01 65 83. Appelez, prenez rendez-vous pour nous visiter, ou bien c’est nous qui venons nous voir, et devenez partenaires des chantiers navals du numérique !

Merci aux partenaires du startup week-end 2015 : Crédit Mutuel Arkea, Brest métropole, Technopole Brest-Iroise, Crédit Agricole du Finistère, Investir en Finistère, Brest Business School, Orange, Cegefi Conseils, The Family et C For Com. Aux bénévoles : Cap’ISEN, Moviezen, Florent Corre ; à l’équipe de l’Infolab avec Alice, Kevin, l’équipe Cityzen Data ; à Nicolas Ollier, notre photographe ; aux mentors qui nous soutiennent: Antoine Dumont, Charles La Fay, Anne Choquet, Aymeric Poulain Maubant, Christel Le Coq, Katell Le Scanff, Thibaut Romaggi, Lucie Piriou, Sabine Klein, Nicolas Bravin, Steven Le Roux, Régis Lechien, Stéphane Castrec, Julien Gueguen, Serge Appriou, Marianne Laurent, Maud Soulat, Tony Cois… ; à l’ISEN pour son accueil: Mikaël Cabon, Marc Faudeil et à notre facilitateur de choc: Damien Cavaillès.

Et le mot de la fin est pour…

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Ay. Poulain Maubant

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