Newsletter Crypto Hebdo #8

Catenae
8 min readJul 31, 2020

Catenae est un cabinet de conseil en intelligence des protocoles à blockchain. Ses news letters et analyses sont ici : https://medium.com/@Catenae. Ses notes de réflexion peuvent être communiquées sur demande.

(English translation here)

1/ Algorand : après le lancement de deux stable coins sur ce protocole de nouvelle génération, Coinbase annonce le listing du token sous-jacent

  • Après l’annonce au cours du mois de juin du lancement d’un stable coin dollar par Circle et Tether sur ce protocole de dernière génération, c’est au tour de Coinbase d’annoncer son listing sur sa plateforme d’échange.
  • Ces annonces soulignent la reconnaissance par l’écosystème d’un protocole qui est pourtant très jeune. Alors que ce dernier n’est live que depuis a peine plus d’un an, il est désormais listé sur les principales plateformes d’exchange et dispose de stable coins dollars
  • Ce dernier point est un avantage de taille, dans la mesure où il facilite la possibilité pour les applications de fonctionner avec des monnaies fiat. Tous les protocoles de dernière génération ne peuvent pas en dire autant, ainsi Cardano bien que plus anciens et plus important en terme de capitalisation ne dispose toujours pas d’un stable coin.
  • Après un premier lancement en mai 2019, Algorand a lancé la version 2.0 de son protocole en mars 2020. Centrée autour des usages, l’ambition première de Silvio Micali, son fondateur, semble perdurer avec cette nouvelle version, à savoir la résolution du trilemme de la décentralisation.
  • De nombreuses fonctionnalités sont proposées, au premier rang desquelles les standards de tokenisation, de nouvelles possibilités offertes par un langage de smart contract, ainsi que de nouvelles logiques de settlement inter-tokens.
  • La road map montre que les prochaines étapes passeront toujours par les cas d’usage, et par un kit de développement pour tous les langages.

→ Pourquoi c’est important ?

  • Parce qu’il est encore peu connu, il convient d’insister sur la genèse et le parti-pris fondateur d’Algorand : un protocole à finalité essentiellement financière. A la différence de ses concurrents, Ethereum ou d’autres protocoles proposant une gamme de smart-contracts, Algorand suit le sillon tracé par Bitcoin en proposant des smart-contracts tout en conservant une logique non-turing complete. Au regard des nombreuses médailles et récompenses de son fondateur, S. Micali, l’originalité de la chose ne manquera pas d’étonner de nombreux lecteurs !
  • Ce choix assumé, et fondamentalement stratégique, se fonde sur un choix judicieux : réduire le nombre de possibilités, mais proposer un cadre fiable avec des standards à vitesse d’exécution plus élevée. C’est ainsi qu’Algorand promeut une adoption plus aisée, une intégration rapide et un risque moindre.
  • C’est cette même nature financière qui fut déterminante dans le choix d’Algorand par différentes institutions, publiques dans le cas de la monnaie des Îles Marshall, ou privés, avec le portage de l’USDC de Coinbase.
  • Enfin, on soulignera la vitesse de développement élevée avec une livraison de nouvelles fonctionnalités dans les temps au regard du planning prévisionnel annoncé, accompagné de kits de développements concrets permettant aux différents acteurs de se saisir facilement de ces dernières.

→ Catenae Insight

  • Le choix d’Algorand permet d’introduire la question de la non-nécessité des langages turing-complete, débat qui se situe au coeur de ce qui donna naissance à Ethereum, la scission entre Vitalik Buterin et Bitcoin. Bitcoin utilise des scripts prédéfinis, alors qu’il est possible dans Ethereum de faire des boucles bien plus complexes, et avec une grande liberté.
  • Mais selon une étude allemande (Do Smart Contract Languages Need to be Turing Complete? ) et après vérification de plus de 53 000 contrats sur Ethereum, il apparaît que les fonctionnalités offertes par un langage turing complete sont en réalité très peu utilisées : moins de 7%.
  • En outre une grande quantité de ces contrats pourraient être réécrits sans faire nécessairement appel à une fonction nécessitant un langage turing-complete.
  • Finalement, dans son approche très “bitcoineuse”, Algorand profite d’une certaine simplicité qui fait défaut chez Ethereum et ses concurrents.

→ Catenae Doc

Pour toute information complémentaire, Catenae tient à la disposition des institutions intéressées une note dédiée : « Algorand »

2/ Chainlink en flèche

  • Chainlink est un protocole/middleware initié en 2017 avec l’ambition de créer un écosystème d’oracles décentralisés permettant l’inclusion de données dans les différentes blockchains. Cela permettrait notamment de disposer de smart contracts interagissant avec des données extrinsèques (off-chain), au travers d’un token ERC20 associé à son service : le LINK.
  • Depuis son lancement, le prix du token de Chainlink n’a pas dépassé le seuil des 1$. Mais dès le printemps 2019, on constate une augmentation significative de son cours, pour atteindre plus de 8$ en 2020, positionnant de facto Chainlink parmi les 20 tokens les plus valorisés, avec une capitalisation de marché située entre 2 et 3 milliards de dollars.
  • Un rapport récent de Zeus Capital (un fonds d’investissement sur lequel nous possédons peu d’information) accuse Chainlink de pump and dump et de manipulation de son cours. Ce rapport n’a pas vraiment été pris au sérieux et serait lui même une tentative de manipulation de marché. L’affaire a même récemment pris une nouvelle tournure avec des soupçons émis contre Nexo, qui pourrait être derrière ce papier. À suivre…
  • On peut toutefois aisément expliquer cette explosion du cours par l’explosion des dApp DeFi nécessitant de récupérer les prix des jetons on-chain. De plus, de nombreux acteurs significatifs, à l’instar de Coinbase, en ont profité pour devenir eux-mêmes des fournisseurs de données sur Chainlink.

→ Pourquoi c’est important ?

  • Chainlink est un projet d’importance, si ce n’est précurseur en parvenant à démontrer la possibilité d’émettre des smart-contracts avec des données issues du monde réel, et ce sans devoir, pour l’inclusion de la donnée on-chain, faire confiance à un tiers unique.
  • Chainlink se fonde ainsi sur un réseau d’oracles donnant une mesure pondérée. Le service prouve alors qu’il devient possible de réaliser n’importe quel contrat autonome requérant des flux de données extérieures. Sa mise en place n’est limitée que par la multiplication des oracles et des données traitées.
  • Un autre fait notable réside en ce que Chainlink devient le premier protocole concentré sur un service spécifique à connaître une telle valorisation. Les protocoles les plus valorisés étaient généralement ceux adressant la problématique de transfert de valeur (Bitcoin, Litecoin, Monero, Dash, …) ou bien la problématique du calcul décentralisé agnostique (Ethereum, EOS, Cardano, Tezos, …). Ici, et pour la première fois, on dispose d’une brique complémentaire à d’autres blockchains, elle-même valorisée à plus d’un milliard de dollars.
  • C’est finalement le premier “service” dans l’écosystème à atteindre une telle valorisation. Cela montre une nouvelle fois que de nombreuses nouvelles verticales et briques élémentaires sont encore à créer et développer. On peut notamment penser à l’identité ou au stockage.

→ Catenae Insight

  • La récente réussite de Chainlink a ouvert à la voie à celle d’autres protocoles d’oracles décentralisés, à l’instar de BAND, notamment soutenu par Sequoia. Pour l’instant, il semble que les différences entre ces différents projets soient assez subtiles. Toutefois, cela démontre que la maturité croissante de cette brique presque élémentaire, celle des oracles, et ouvre la voie à un environnement concurrentiel (au meilleur effet réseau). Une course comparable à celle que mène aujourd’hui les protocoles souhaitant dépasser Ethereum.
  • Chainlink résout le problème des flux de données de manière assez intéressante. Toutefois, d’autres protocoles seront sans doute nécessaires pour des sets de données intégrants des facteurs humains, et de facto moins automatisés. On pense notamment à des données de type “huissiers” qui exigent un constat humain.
  • Si Chainlink ouvre le pas à la logique de contrat utilisant des données off-chain, de nouveaux protocoles devraient émerger sur le segment des données non-automatisables. On pense alors notamment à Kleros.

3/ Le succès de l’ICO d’AVA labs

  • Avalanche est un protocole co-créé et promulgué par Emin Gün Sirer. Celui-ci est extrêmement connu au sein de l’écosystème crypto, considéré comme l’un des spécialistes mondiaux des réseaux décentralisés, et advisor de projet comme Tezos.
  • Le projet Avalanche vise (lui aussi) à résoudre le trilemme de la décentralisation via une nouvelle famille d’algorithmes de consensus nommée éponymement Avalanche.
  • Le protocole Avalanche a effectué il y a quelques jours une ICO qui a connu une réussite remarquable, levant en moins de 5 heures plus de 42 millions de dollars qui seront alloués au développement du protocole.
  • Ce succès est impressionnant l’opération était conçue sur le modèle à l’ancienne “premier arrivé premier servi”, donc certains investisseurs ont dû acquitter des frais (montants en “gas”) très important pour être inclus.

→ Pourquoi c’est important ?

  • Les ICO ne sont pas mortes : suite à la folie de 2017 et à l’explosion de la bulle en 2018, on aurait pu penser que les ICO ne pourraient revoir le jour en raison de leur réputation sulfureuse et des nombreuses pertes qu’elles ont générées. Toutefois, force est de constater qu’il est encore possible de lever des fonds de manière globale en quelques heures. L le problème résiderait plus dans la qualité des ICO et la fièvre qui s’en est suivi que dans leur mécanisme même, qui demeure fort efficace.
  • La recherche fondamentale ( ou “de bas niveau”) ne connaît pas d’interruption : de la même manière, au vu de la concurrence très forte sur les protocoles agnostiques en terme applicatif, qui ont donc vocation à accueillir toutes sortes de calculs, il est normal de penser que les nouveaux protocoles de ce type ne pourraient prospérer, les différents entrepreneurs tentant de se rallier à un projet existant ou se déplaçant vers des segments non explorés. Mais tel n’est pas le cas, et l’on voit encore une fois que la recherche dans les cryptos se poursuit activement, tous les protocoles désirant résoudre tous les problèmes connus avec des choix d’architecture différents.

→ Catenae Insight

  • ICO et private sales : Le dernier cycle a été nourri par la multiplication du nombre de tokens et la hausse continue de la capitalisation du marché des cryptomonnaies. Il pourrait être raisonnable de penser que ce nouveau mouvement de capitaux (on le voit à travers les tokens de la DeFi, quelques ICO et des privates sales comme Polkadot) et ce nouveau mouvement d’innovations (que ce soit en termes protocolaires ou applicatifs) constituent les nouveaux moteurs du secteur.
  • De nouveau, pour l’instant Ethereum semble indétrônable du fait de son effet de réseau. Les moqueries sur le coût du gas, l’arlésienne de la version 2.0 ou la figure discutable de Vitalik Buterin n’y font rien. Ethereum continue de déclencher des tendance comme avec la DeFi, continue aussi d’être le réseau avec 95% des dApps et des développeurs. Toutefois cela n’empêche pas la concurrence d’être féroce et de viser à le remplacer. Les protocoles interblockchains seront peut-être la brique technologique permettant la spécialisation des protocoles agnostiques sur ce segment ; calcul permettant à Ethereum de se décharger sur certains usages qui viendraient alors peupler d’autres protocoles.

--

--

Catenae

Catenae accompagne les projets ayant recours à des protocoles à blockchain de l’audit de faisabilité à la mise en production.