Catherine Leduc
4 min readFeb 19, 2016

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Le sujet des adolescents, plus que de l’adolescence, est un de mes sujets de préoccupations les plus grands étant donné que j’en fréquente un certain nombre de manière très rapprochée…

Je dois dire que l’angle d’attaque de cet article m’a au départ peu accrochée car il me semble comme une évidence criante que les ados n’ont pas du tout le même rapport à l’argent que “les expérimentés” (comme se reprennent mes ados quand ils veulent dire “les vieux”).

En lisant cet article, parce que vous m’avez invitée à le faire, je me suis dis que ce qui me semble une évidence ne l’est pas tant que cela finalement, et qu’il faut sans doute expliquer, en argumentant comme vous le faites, pourquoi il est si important de faire confiance en ces adolescents qui bousculent nos idées, notre cadre de pensées.

N’est-ce pas justement le propre des générations suivantes de pousser les plus anciens vers la “sortie” et mettre en marche leur propre futur? Dans le meilleur des cas, ils le font doucement et gentiment, mais toujours sûrement. Mais si on ne veut pas que cela se fasse dans les cris et les heurts, la balle est dans le camp des “vieux”!

Pourquoi croire que des jeunes de 17 ans vont hériter comme par magie, ou grâce aux bons gènes de leurs parents (?), d’un système de valeurs, et s’y conformer sans en changer un iota, alors que la société dans laquelle ils sont nés n’est clairement plus la même que celle de leurs parents ? Comment peut-on croire cela alors même que cette société, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle “va à toute allure”, demande au contraire à sa jeunesse d’être hautement adaptative pour y exister? Quelque soit son opinion sur ce qu’est cette société (bien/mal, danger/espoir, décadence/progrès), je crois que la voie la plus intéressante est bien celle du pragmatisme: ne pas prendre ses désirs pour la réalité. Il me semble aussi, comme vous le constatez, que beaucoup de jeunes ont compris cela. Et ils sont effectivement démotivés, déboussolés par tous ces adultes qui prennent leurs désirs pour des réalités. Ex 1: “Tu seras docteur, mon fils, parce que y a pas de chômage et ça gagne bien!” Ex 2: “Tu dois avoir des meilleures notes en maths, sinon tu pourras jamais aller en S.” Mais, ça peut être aussi : “ Fais ce que tu veux, de toute façon, moi, je sais pas quoi te dire.” Cette petite phrase, qui veut dire “je désire être bien tranquille dans mon petit confort”, fait à mon avis encore plus de ravages.

Je pense au contraire qu’ils ont besoin et qu’ils attendent de nous, les adultes, parents, enseignants, éducateurs, que nous soyons des modèles d’adaptativité. Leur montrer comment faire pour s’adapter, comment faire pour ne pas rester sur ses acquis, comment faire pour transformer une difficulté en une occasion d’apprendre. Leur montrer en faisant cet effort là nous aussi, c’est leur donner la confiance qu’ils sauront le faire.

Vous avez formulé de manière plus diplomatique et, du coup certainement plus intelligente ou efficace, ce que moi je résume par: Ne soyons pas des adultes à côté de la plaque, qui assènent des vérités sur “les jeunes de maintenant” (comme par exemple “ils ne pensent qu’à l’argent”). Ne soyons pas des sclérosés du cerveau avant l’heure. Soyons des adultes aux côtés de nos ados pour les comprendre, plutôt que contre eux pour les contraindre.

Les jeunes sont toujours très reconnaissants et respectueux et curieux de profiter de l’expérience des “vieux”, si on leur donne leur place. Donner cette place, ce n’est pas exiger qu’ils la méritent, c’est un pré-requis. En tout cas, ça devrait l’être je crois, mais force est de constater que, dans notre société, cela ne va pas de soi. Leur donner une place, c’est tout sauf renoncer à la nôtre et, en même temps, c’est tout sauf les ériger en rois du monde (je n’ai jamais compris cette histoire de société de l’enfant-roi). Je ne sais pas comment il faut s’y prendre pour faire passer cette idée, mais il faut le faire, sans aucun doute avec de l’énergie, des énergies.

Je suis plutôt confiante quand je regarde les jeunes qui “vont bien”, c’est-à-dire tous ceux qui grosso modo ont acquis, grâce ou malgré l’école, un bagage suffisant pour savoir trouver des ressources, intérieures comme extérieures. Il faut bien sûr les accompagner. Il est évident qu’il faudrait les accompagner mieux.

Je le suis beaucoup moins pour tous ceux qu’on appelle les “décrocheurs scolaires”, qui malheureusement décrochent du système bien avant qu’ils ne sortent des effectifs de l’école. C’est pour ses jeunes fragilisés, souvent dès l’école primaire, qu’il y a urgence à agir.

Pour finir, je ne suis pas certaine que les valeurs liberté égalité fraternité soient plus particulièrement mises à mal par cette génération Z (puisque c’est comme ça qu’on l’appelle). Je pense que ces valeurs sont rediscutées par l’ensemble de la société. J’ai compris en vous lisant que la jeunesse privilégierait plus la valeur liberté par rapport aux valeurs d’égalité et de fraternité, ce qui ne me semble pas juste. Quand l’adolescent réclame plus de liberté, ça s’appelle l’adolescence. Il n’y a donc rien de surprenant à ce qu’ils utilisent ce mot en premier quand on leur demande ce qui compte le plus pour eux. Est-ce que, pour autant, ils établissent une hiérarchie de valeurs, j’en doute. Je vis peut-être dans un monde de bisounours (pourtant je n’en ai pas l’impression), mais les ados que je côtoie ne me semblent pas s’enthousiasmer beaucoup à l’idée de vivre dans un monde sans égalité ni fraternité.

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Catherine Leduc

Passionnée idéaliste en quête de sens et d’énergies. J’aime les renards et les petits princes #utopieréaliste (et j’adore mon métier d’orthophoniste!)