Private Equity vs. Venture Capital : mon retour d’expérience

David Domingues
5 min readJan 23, 2018

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« Toi, tu viens du Private Equity ! » — j’ai été marqué par cette phrase que m’a faite un Business Angel renommé après 5 minutes de discussions alors que j’étudiais l’opportunité d’investir dans une de ces participations. Il m’a dit cela parce que je trouvais la valorisation du tour trop élevée et un marché adressable relativement petit.

Une autre anecdote vient d’un des pontes du Private Equity en Europe qui m’indiquait qu’il était inutile de demander des chiffres mensuels pour une startups, alors que les plus grands groupes ne sont pas toujours capables de fournir ces données…

Ces échanges montrent que même si les métiers sont très similaires, il y a une grande différence de culture entre les investisseurs en Private Equity (PE) et en Venture Capital (VC).

PE, VC : good or evil ?

On m’a plusieurs fois demandé quelle était la différence entre le PE (comprenant le capital développement et le LBO) et le VC (ou capital risque), d’où l’idée de ce post. Après 5 années passées dans un fonds de PE, cela fait maintenant bientôt 2 ans que je réalise des investissements Seed. J’ai investi au total dans une quinzaine de sociétés tech, du projet n’ayant pas encore de CA à la société qui fait plus de 25m€ — cela m’a permis d’avoir une bonne vision des 2 écosystèmes.

La théorie est que les VC investissent dans les startups tandis que les fonds de PE se focalisent sur les sociétés matures. La différence est principalement une question d’ambition, de traction des sociétés et de rentabilité à un instant T. Un VC ne regardera pas une société qui vise moins de 50% de croissance annuelle — un fonds de PE trouvera qu’une telle croissance présente un risque opérationnel trop important, sachant qu’il sera difficile de soutenir ce rythme de développement en conservant une bonne rentabilité.

Niveaux de valorisation

Le premier élément qui m’a étonné, ce sont les différences de niveaux de valorisation. En PE, un investisseur peut racheter ou investir dans une société qui génère 10 m€ de chiffre d’affaires, bien installée, avec une clientèle diversifiée, une bonne rentabilité et un management de qualité pour une valorisation de 5 m€. C’est le niveau de valorisation que certaines startups ont aujourd’hui en Seed et ce, seulement après quelques mois de développement, une équipe de 5 personnes et moins de 100 k€ de chiffre d’affaires ! Pour autant, cela reste rationnel car une valorisation d’entreprise repose sur l’espérance que les investisseurs ont sur la capacité de la société à réaliser son business plan — lequel est généralement beaucoup plus ambitieux dans une startup.

bien choisir vs bien acheter

La valorisation est très sensible pour un fonds de PE. Il réalise son rendement en revendant bien ce qu’il a acquis à un bon prix en essayant d’optimiser l’effet de levier bancaire. Cela est encore plus vrai dans les montages LBO, où une fois calculé le service de la dette possible, la marge de manœuvre sur la valorisation est très faible. Le taux de défaut des LBO en France est actuellement inférieur à 5% !

En revanche, un VC génère avant tout du rendement en ayant sélectionné et accompagné les bons entrepreneurs. Une startup peut potentiellement multiplier sa valorisation par 5 ou 10. On comprend donc facilement qu’un écart de valorisation à l’entrée de 50% peut se justifier sur un projet ayant de fortes chances d’être bien exécuté.

J’ai simulé ci-contre des portefeuilles standards que l’on peut retrouver dans un fonds de VC et un de PE donnant chacun un multiple de x2. Le tableau présente le nombre d’investissements réalisés classés selon leur multiple de sortie. En prenant pour hypothèse, une survalorisation des investissements de +50% à l’entrée en échange d’un meilleur taux de réussite, on s’aperçoit que l’impact est assez faible pour un VC alors que la rentabilité du fonds de PE se dégrade nettement.

Mindset

J’ai également remarqué une vraie différence de mindset.

Les VC sont très « founders friendly » et essaient de s’aligner au maximum avec les intérêts de ceux-ci. Ils gèrent dès l’entrée et en permanence la dilution du CEO. En Private Equity, le fonds aligne ses intérêts sur ceux de l’entreprise. Là encore, cette différence s’explique de manière rationnelle : une startup repose avant tout sur son dirigeant, sa connaissance du marché, sa vision, sa capacité à fédérer ses équipes, etc. La structure étant fragile, il est difficilement remplaçable. A contrario, en Private Equity, les sociétés ciblées ont généralement un « middle management » capable d’assurer l’interim le temps de mettre en place un nouveau CEO.

Par ailleurs, un VC accepte facilement d’entendre de la part d’un entrepreneur qu’il n’a pas atteint ses objectifs, et sera souvent enclin à réinvestir avec une dilution raisonnable pour les autres actionnaires. En revanche, lorsqu’un fonds de PE doit refinancer une participation, il prendra généralement des actions beaucoup plus drastiques (réductions de coûts, changement de management, relution forte, …).

Sourcing / Analyse

En ce qui concerne la charge de travail au quotidien, la répartition du temps consacré au sourcing, à l’analyse de dossiers et au suivi de participations me semble à peu près équivalente. Mais les opérations de PE sont généralement plus longues car elles impliquent des montages juridiques et financiers souvent plus complexes.

Le sourcing est également très similaire, aux différences près que le Private Equity me semble plus intermédié et que le nombre d’opportunités regardées en VC est beaucoup plus élevé, opérant donc une sélection plus forte.

Les deck reçus pour pitcher les fonds sont sensiblement différents. Les présentations sont généralement effectuées sous cette forme :

· Pour une start-up : problème / solution / marché adressable / équipe / traction ;

· Pour une entreprise mature : situation de la société / management / projet / résultats historiques / projections ;

En termes d’analyse du dossier, le PE se focalisera davantage sur les éléments financiers alors que le VC est plus prospectif.

Due diligence

La différence entre ces 2 mondes est principalement liée à l’échelle de temps : d’un côté vous avez peu d’historique et vous êtes dans un environnement qui peut changer très rapidement, de l’autre, vous pouvez observer l’environnement sur des périodes longues.

Le PE fait appel à de nombreux auditeurs externes : finance, social, legal, IP, … avec un gros audit financier porte principalement sur l’ajustement d’EBITDA et de dette nette des derniers comptes disponibles. L’audit VC porte sur la validation de la traction des derniers mois et des KPIs (les « unit economics », l’analyse de cohortes, …), la compréhension du marché et la scalabilité technique.

Synthèse

En synthèse, je résumerais les thèses d’investissements de la façon suivante :

· Pour un VC : people, people, traction

· Pour un PE : EBITDA, valorisation, potentiel de sortie

Et comme vous avez pu le constater, il y a dans les 2 cas, un jargon et beaucoup d’anglicismes 😉.

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