“The art of the brick — Differences” by Giuseppe Savo — flickr

Les différences entre médiation et vulgarisation

Thomas Grospiron
5 min readJan 29, 2017

1ère partie / La médiation culturelle contemporaine

Hypothèse sur les différences entre deux actions culturelles complémentaires offrant à tous l’accès à la culture, ou presque…

La difficulté qu’éprouve la médiation culturelle à s’épanouir dans sa mission historique; rendre accessible les arts auprès d’un large public, établir une relation entre la création et les publics; est accentuée par le raz de marée provoqué par la vulgarisation sur Internet.
Les contenus dit “de vulgarisation” créés par des vidéastes offre une nouvelle approche pour créer du lien entre les oeuvres et les publics; celle-ci largement diffusée grâce, entre autres, à Youtube est une nouvelle piste pour perpétuer une certaine démocratisation culturelle.

Quelle différence entre la médiation & la vulgarisation culturelle ?

Ne dissocions pas la vulgarisation et la médiation sans rappeler leurs véritables rôles. La vulgarisation, je cite, fait d’adapter des notions, des connaissances scientifiques ou techniques afin de les rendre compréhensibles au non-spécialiste (CNRTL) fait peu à peu oublier sa définition la plus succincte : rendre vulgaire.

“(…)Il y a une vulgarisation noble, qui respecte les contours de la vérité scientifique, et qui permet (…) de se la représenter en gros” (Henri Bergson, Deux sources de la morale et de la religion, 1932).

La médiation quant à elle, est le processus enrichissant la relation entre l’oeuvre et les publics. Portée par un·e médiateur·trice, elle a pour mission de tisser des liens et d’amener une compréhension de l’oeuvre artistique et de son contexte. Polymorphe, elle instaure, entre autres une relation sensible.

“(…) Son objectif principal est de créer des liens entre les propositions artistiques et les publics sur le territoire.” (RéseauRP, Référentiel Métier de la médiation et des relations avec les publics, 2016)

La Médiation culturelle, le rapport humain au coeur d’une action

En dehors de la définition, attardons-nous à analyser tout d’abord la médiation culturelle à travers le modèle de Claude Shannon et Warren Weaver; modèle simple de représentation de la communication, publié en 1948 dans Théorie mathématique de la Communication.

Infographie “la médiation culturelle selon Shannon & Weaver” — Thomas Grospiron

Quoi ?

La richesse de la médiation culturelle est produite par l’échange entre l’oeuvre et ses publics, accompagnée et soutenue par la personne en charge de la médiation. Cette richesse peut prendre différentes formes, qu’elle soit intime ou partagée : l’émotion, la prise de conscience ou encore l’échange comme le débat, etc.
Cependant, elle est toujours : engendrée par un rapport humain, documentée par un travail en amont, orientée et analysée dans son contexte par l’artiste et la direction artistique, argumentée et décryptée par la personne en charge de la médiation.

Pourquoi ?

“La médiation culturelle passe d’abord par la relation du sujet à autrui par le biais d’une « parole » qui l’engage, parce qu’elle se rend sensible dans un monde de références partagées. Le sens (…)est (…) le résultat de la relation intersubjective, c’est-à-dire d’une relation qui se manifeste dans la confrontation et l’échange entre des subjectivités” (Jean Caune, La médiation culturelle, une construction du lien social)
La médiation par la culture est une des pierres dans l’édifice du vivre ensemble dans laquelle l’épanouissement avec l’autre, l’affirmation de soi par rapport à l’autre est l’essence.
Dans ce sens, on peut estimer que les arts jouent un rôle déterminant dans la construction du sens critique de chaque citoyen; la médiation culturelle l’y aidant.

Comment ?

Les professionnels de la médiation, quelque soit leur discipline artistique et culturelle renouvelle régulièrement leurs outils et leurs méthodes pour faciliter l’accès à tous les publics.
Cependant, la démarche reste la même : faire susciter au destinataire une réaction, une émotion, une réflexion; être à leur écoute et accompagner cette démarche d’épanouissement tout en leur apportant en temps réel les ressources documentaires (historique, politique, sociologique, etc.) nécessaires en aval.

De plus, le dialogue avec le ou les artiste·s, l’échange avec la direction artistique sont des fondamentaux de médiation dans le but de comprendre le contexte et l’attitude à adopter face à des publics, souvent avides de réponses à ces sujets.

Enfin, le rapport corporel est évidemment le dernier outil : il est raisonnable de constater que le sens est davantage compréhensible quand on prend part à un échange : Intervenir, participer à un débat pour se forger sa propre opinion.

La médiation culturelle ou outil d‘accessibilité culturelle

André Malraux, 1974

Si la médiation culturelle est encore empreinte du célèbre décret d’attribution des compétences du ministère des Affaires culturelles du 24 juillet 1959 qui parle de « rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité » dont la figure politique n’est autre qu’André Malraux, il faut rappeler que ce dernier ne parlait pas de démocratisation culturelle mais bien d’accès direct à l’Art.

Pour la médiation culturelle, il s’agit bien de contribuer à une démarche qui favorise la venue des publics à l’Art; celle d’accueillir ou de faciliter l’accueil de ces mêmes publics dans les lieux consacrés à l’Art; d’accompagner leur démarche personnelle d’épanouissement et d’enrichissement culturel; et de leur donner les clés de compréhension et d’analyse.
En résumé, il s’agit de les accompagner dans cette démarche “exigeante”, je cite, d’une « culture pour chacun », cette culture n’étant plus depuis longtemps et malgré les apparences trompeuses de la « culture bourgeoise », réservée à une élite.

« (…) Rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité » · (Extrait du décret d’attribution des compétences du ministère des Affaires culturelles du 24 juillet 1959)

Le rapport humain comme outil de médiation

Partagée entre les laborieuses prérogatives de l’accès direct à l’art, inauguré par Malraux, la culture démocratique de Jean Caune, comment l’accès à la culture se renouvelle t-il aujourd’hui ?

Peut-être, de plus en plus à travers Internet et ses puissants outils de diffusion. Cependant, une visite au musée entre amis, une représentation théâtrale ou chorégraphie, la visite d’un monument historique... resteront des moments singuliers dans une vie car ils sont empreints de rapport humain et de partage.

Et quand est-il de la vulgarisation culturelle ? Est-elle la digne successeuse de l’accès direct à l’Art ou est-elle née d’une autre prérogative ?
Ma réponse dans le second chapitre

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Thomas Grospiron

Artisan en #Communications #Marketing #Culture · S’y connait en méthodes, outils et stratégies + coordonne le RéseauRP (www.reseaurp.org)