PublicaPersonae · Et si les publics étaient des archétypes…
Nouvelle d’une exploration méthodologique · Chapitre 2 · Sonder & observer
Essai sur une nouvelle méthodologie d’approche des publics culturels,
Proof of Concept sur une adaptation méthodologique des personae au profit de l’étude des publics.
Mes recherches documentaires confirment mon initiative. Je peux explorer un territoire encore inexploré ou tout du moins pas encore documenté: l’étude de typologie des publics culturels à travers leurs personnalités.
Étape I · Sonder & observer
Sonder est un labeur de longue haleine
Me basant sur la méthodologie des personae d’Alan Cooper, j’entreprends un travail de recherche de terrain consistant à recueillir des informations sur des pratiquants culturels.
En parallèle des données récoltées dans les rapports et autres publications, je m’évertue à poser certaines questions, précises en ce qui me concerne mais étonnantes pour les interlocuteurs, sur leur pratique culturelle.
Que ce soit lors d’interventions auprès d’étudiants, dans le cercle familial et amical ou lors d’évènements avec de parfaits inconnus, je m’inspire des réponses et j’amasse petit à petit un corpus de traits de personnalités, de rapports sociaux et d’habitudes; ou tout du moins une série de mots, des termes récurrents qui les caractérisent.
Aux termes de ces sondages, ma besace est pleine de mots… surtout d’idées. Il est temps de définir des traits de personnalités, plus précisément des couples de traits antinomiques.
Parmi ceux-ci, [archéologue], [flâneur], [cul-de-plomb] sont les traits qui se montrent les plus étonnants. Non pas qu’ils soient originaux mais bien qu’ils amènent un imaginaire déjà ressenti…
Je souhaite que les personnes que j’interroge désormais se positionnent face à deux traits de caractère, de motivations ou de comportements opposés.
16 termes sont récurrents; ils ont chacun une définition et ils forment des couples parfaits…
Je décide donc de passer à la réalisation d’un sondage en ligne pour élargir le panel des personnes interrogées et atteindre des personnes en dehors de mon cercle proche.
Chaque trait de personnalité possède sa présentation. Ils sont définis par une mise en situation concrète avec les mots clés associés. Pour la plupart, ils mettent en lumière les motivations des pratiquants culturels, leurs comportements et leurs buts lors d’une activité quelque soit la discipline artistique.
S’en suit son trait opposé ;
À la suite de chaque couple de traits distinctifs et de leurs définitions, j’invite la personne à se positionner sur une échelle de valeurs entre 1 et 11, le 6 étant la réponse neutre…
La question étant :
“Êtes-vous plutôt Archéologue ou flâneur ?”
Et ceci pour les 7 autres couples…
76 personnes ont fait l’effort de ce jeu.
Cependant, l’aventure ne pouvait pas se dérouler sans accroc. Me voilà face au premier problème majeur : Implicitement, les personnes répondraient : “Ca dépend des situations”. Cependant, j’avais omis une précision à apporter à chaque question : il s’agit d’une tendance.
Avez-vous tendance à être davantage archéologue ou flâneur ?
Mon exploration accueille son premier compagnon, un registre de poche où sont désormais inscrites toutes mes notes. Cette première amélioration sous forme de question constitue la future base d’un sondage plus pertinent.
Se termine donc 4 semaines d’enquête; il est temps de passer à l’observation.
S’orienter dans un univers de traits
Même sécurisé par la méthode de Cooper, ma besace vidée sur la table me donne un frisson. La tâche s’annonce énorme…
Me voilà face à une multitude de profils de pratiquants culturels composées de 8 traits de personnalité… certains affirmés et d’autres frileux.
Premiers moments de doute. Je me concentre sur mon objectif : déterminer des profils saillants et identifier les archétypes prononcés. Cela devrait produire les premiers archétypes majeurs de publics…
Cependant, l’observation seule de faits ne conduit pas à une connaissance mais bien à des hypothèses ou des principes permettant une interprétation. Ces données doivent me permettre de vérifier, confirmer ou non mes hypothèses.
Cooper propose dans son modèle de se focaliser sur ces cinq types de variables que je m’emploie à réinterpréter :
- Activité · Ce que le public fait, à quelle fréquence et dans quel volume.
- Attitudes · Comment le public se comporte dans sa pratique culturelle ?
- Aptitudes · Quelles connaissances ont les publics & leur capacité d’apprentissage ?
- Motivations · Comment le public est-il engagé dans l’activité culturelle ?
- Compétences · Comment le public utilise-t-il ses capacités par rapport à la culture & aux technologies ?
Je décide de me focaliser sur 4 variables comportementales en omettant celle de l’activité : je n’ai pas de traits antonymiques susceptibles de répondre à cette dernière.
C’est une difficulté que je n’avais pas anticipée. Au lieu de répartir des profils sur des échelles, je décide de fabriquer 4 tamis de variables différentes.
L’idée étant d’utiliser ces tamis dans des ordres déterminés…
Ma récolte est tout d’abord passée au tamis de la variable “attitudes” : j’en tire trois calibres : les profils à tendance [timide], les profils à tendance [extraverti] et les neutres.
Une fois ces profils calibrés, j’utilise le tamis de la variable “Aptitudes”…
puis celui de la “motivation”…
Et enfin, celui des “compétences”.
J’en tire des groupes de profils plus ou moins distincts. En revanche, deux ressortent clairement du lot, comme deux belles pépites d’or dont la forme et la couleur sont totalement différentes.
Ils sont manifestement des profils saillants; mais ils ne sont que deux…
Je décide donc de réitérer l’opération pour l’ensemble de mes données en modifiant les variables de tamis…
Après avoir tamisé les 76 profils six fois de suite, mes découvertes sont nombreuses. Je découvre vingt-et-un profils saillants; certains drôles car leurs projections sur des proches sont aisées; d’autres étonnants.
S’engage alors une identification des schémas comportementaux proches.
Enfin, pour chacun des groupements ou schémas identifiés, il ne reste plus qu’à synthétiser les données liées à chaque participant en vue de modéliser les personae.
Une cartographie humaine et déboussolée
Comme dans la découverte de tous lieux méconnus, les surprises sont une juste récompense.
Le résultat de cette phase d’analyse est une cartographie de comportements culturels dont la latitude est représentée par les différentes dimensions comportementales; la longitude se retrouvant quand à elle à les regrouper par similarités.
Mes premiers jours d’observation et d’analyse me font comprendre davantage les éléments qui constituent cette zone.
J’en comprends suffisamment d’enjeux, de motivations et de façons d’être pour m’aventurer à modéliser les premiers archétypes.
La seconde phase de mon exploration sera un exercice de modélisation, c’est-à-dire de mettre en forme les personae.