La Recherche et L’Espérance, par François Roux

PublicaPersonae · Et si les publics étaient des archétypes…

Nouvelle d’une exploration méthodologique · Chapitre final · Bilan & perspectives

Thomas Grospiron

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Essai sur une nouvelle méthodologie d’approche des publics culturels
Proof of Concept sur une adaptation méthodologique des personae au profit de l’étude des publics.

Me voici de retour de mon exploration après plusieurs semaines…
Comme pour toute exploration, j’en reviens avec des résultats, des questions plus nombreuses qu’au démarrage du processus de recherche, sans oublier des perspectives et des améliorations.
Après plusieurs semaines, ma motivation n’a pas faibli; elle a changé.
Les doutes évanouis, ce travail m’apparaît clairement possible, adaptable au secteur culturel répondant à davantage d’enjeux pratiques que je ne le pensais.

Y ajouter quelques ingrédients…

Mon objectif était de tester la viabilité d’une méthodologie d’études des publics en utilisant la méthode des personae. Cette méthode levait le frein des études monographiques et basées sur des critères socio-démographiques.
De plus, cela permettait de nommer autrement les publics, dont les titres actuels généraient plus d’appréhension que de solutions innovantes à mettre en place.

Mon postulat de départ était une qualification des publics basée sur leur propre interprétation de leurs personnalités et de leurs pratiques culturelles.

L’enjeu de cette exploration était de prouver tout d’abord qu’une adaptation de méthodes marketing au secteur culturel est possible; et d’autre part, que les personae, les archétypes de personnalités sont devenus des outils d’action culturelle et de communication efficaces n’étant pas contraints par la diversité des pratiques culturelles.

On pourrait comparer cela à une recette de cuisine… ou à un algorithme pour les plus informaticiens d’entre nous. J’ai désormais une recette mais qui tend à être améliorée… Pour une P.O.C. réussie, il faudra y ajouter quelques ingrédients avec parcimonie…

Sonder n’est pas jouer…

Le récit d’une exploration pourrait se limiter aux détails croustillants, aux anecdotes : elle a été riche d’enseignements et de rencontres.
Toutefois, si cette aventure devait être reconduite, elle ne se ferait pas dans les mêmes conditions : j’emporterais de nouveaux outils dans mon sac et prendrait le temps de le tester.

L’utilisation de la méthode des personnas de Cooper, guidé par WeLoveUsers fut une vrai découverte en ce qui me concerne. Cependant, utiliser une méthode dépendant de données standard, de méthodes de sondage usées voires poncées dans le marketing, de plus sans équipier fut un challenge non négligeable mais passionnant.
Les données prévues pour une utilisation optimale de Cooper nécessitaient quelles soient indiquées socio-démographiquement (CSP, âge, revenu…); à l’inverse de celles motivées par mon travail.
Mes modalités de sondage furent limitées; n’ayant pas les moyens financiers et techniques, l’outil de sondage utilisé se limitait à questionner sans donner les résultats aux sondés.
Enfin, le processus de travail classique nécessite un brainstorming avec autrui, ayant pour but d’offrir plusieurs points de vue et faisant foi d’objectivité. Étant seul, le défi fut de garder une objectivité; de prendre du recul sur la démarche et sur les résultats et éviter les biais d’attribution.
Un travail de recadrage permanent

En ce qui concerne le fond du travail, cela a permis de proposer une nouvelle qualification du pratiquant culturel : la nommer, la définir et la qualifier est possible.
De plus, dans le process de sondage, ce qui m’a le plus surpris fut la motivation et l’intérêt des sondés : ils se sont rapidement approprié la question, souhaitaient comprendre et participer à leur échelle. Cerise sur le gâteau, décomplexer “les publics” en les considérant comme “pratiquants culturels” a permis de recueillir des critiques et des préconisations pour améliorer ma démarche.
Enfin, des émotions, des sentiments et des terminologies ont surgi de la bouche de mes interlocuteurs et sondés, des termes que j’avais omis inconsciemment de ma pratique professionnelle mais qui ont su redonner du relief et quelque part, du sens à ma démarche.

Un des enseignements le moins inconnu mais le plus surprenant fut celui du jeu. En effet, j’ai construit le sondage dans les seuls buts de faire comprendre simplement la démarche et de recueillir les données les plus hétérogènes.
De nombreuses remarques m’ont été faites sur l’aspect ludique du sondage, ce qui avait pour effet de favoriser la participation.

(…) Ça ressemble à un test du Elle ou de Psychologies Magazine. (…) c’est le côté “Quel pratiquant culturel êtes-vous ?” qui pousse à répondre à tes questions.

Jouer pour sonder… Ne manque plus qu’à donner les réponses à la suite du sondage. Sonder n’est pas jouer…

Enfin, le dernier point qui m’a semblé plus instructif fut l’investissement des personnes dans la démarche de réflexion. En dehors de leur avis, les sondés ou personnes questionnées sont toutes intriguées voire se sentent impliquées dans mon exploration.
Que ce soit à travers des questions sur le fond, la forme ou sur l’intérêt même d’une telle question, j’ai ressenti un engouement certain pour la pratique culturelle en général. “Quelle est-elle ?” “Est-ce que ma culture est LA culture ?” “À quoi puis-je ressembler ou a quel groupe j’appartiens en tant que pratiquant culturel ?”
Voici les questions qui sont les plus marquantes et les plus chargées d’intérêt.

Perspectives d’ordre pratique

J’ai déjà évoqué certains ralentissements durant mon exploration, qu’ils soient méthodologiques, techniques ou liés à la donnée récoltée. Dans l’hypothèse de mener une seconde exploration, je serai davantage équipé.

En ce qui concerne le sondage, il sera nécessaire pour mener une adaptation complète de la méthode des “personas” (version anglophone) d’optimiser le barème.

Schéma représentatif des améliorations — Sondage — Thomas Grospiron

L’optimisation devra être complétée par un barème supplémentaire comportant 2 variables d’activités : celle de la fréquence de la pratique culturelle me semble appropriée.
Pour être honnête, un trait de personnalité concernant la fréquence fut relevé dans mes entretiens. Cependant, n’ayant pas de trait antonymique, je ne l’ai pas retenu. Mon exploration méthodologique terminée, il me semble nécessaire de trouver ces 2 variables et de sonder également les personnalités à travers elles.

Enfin, les échanges lors des entretiens m’ont montré l’intérêt de mettre des mots sur les enjeux des pratiquants culturels. Le vocabulaire ne manquait pas, loin de là… En revanche, il était issu de mon propre lexique : en proposant ma terminologie, je biaisais les termes utilisés par les sondés.
Il sera donc nécessaire de compléter le sondage des traits par un panier de motivations.
Chaque personne sondée devra choisir dans un panier de mots-clés désignant des enjeux culturels. Chaque individu répondant aura donc un panier de mots-clés attribués; recoupé par la suite à travers les personae.
Je vais rester sur des chiffres psychologiques pour éviter un volume de mots disponibles trop élevé ou frustant : 5 mots devront être choisis parmi une vingtaine…
Parmi ceux-ci, je pourrai utiliser ceux relevés pendant mes entretiens et échanges tels que : “émotions”, “inspiration”, “science”, etc.

Pour la phase d’analyse, l’enjeu est double : me permettre une identification des groupes plus aisée sans toutefois m’égarer dans la lecture par conditions et par nuages de mots-clés (Si j’utilise les paniers de mots-clés, ceux-ci feront partie des données à regrouper par schémas proches…)
D’autre part, cette amélioration me permettra d’avoir la possibilité de profiter de chiffres issus de tris croisés dynamiques, me garantissant un “pare-feu” à tous biais d’interprétation.

Schéma représentatif des améliorations — Analyse — Thomas Grospiron

Le fait d’utiliser les tris croisés dynamiques me permettrait d’élargir le panel de personnes sondés sans perdre la tête. D’autre part, je souhaiterai y intégrer une règle marketing issue du web me semblant des plus intéressantes : la règle des 90/9/1. En effet, à titre d’information, cette règle éprouvée sur les pratiques web ne me semble pas dénuée d’intérêts concernant la pratique culturelle. Y a-t-elle une place dans cette démarche ? Peut-être… En tous cas, elle pourrait vérifier ou pointer des schémas comportementaux d’individus seuls ou en groupes.
Enfin, les statistiques issues de ces tris croisés permettront de générer des résultats “à la volée” et d’en suivre leurs évolutions.

Pour finir, la modélisation doit être mise à l’épreuve logique.
Je souhaiterai adosser la méthodologie aux scenarii de Carroll, écrite en 1997 ou tout du moins celle classique des scenarii.
Rappelons brièvement ce qu’est la méthode des scenarii : elle désigne l’utilisation de techniques projectives pour décrire une situation donnée ou un individu. Ces scenarii sont ensuite présentés aux répondants pour leur permettre de s’y projeter, et de réagir à l’issue.
Cette technique utilisée en groupe peut ressembler à celle des six chapeaux de Bono.

De plus, il me semblerait pertinent de confronter les résultats de cette P.O.C. ou d’une future aux résultats d’actions culturelles et aux expertises des personnes en lien avec les publics.
Enfin, nous pourrions confronter les résultats de cette méthode aux analyses et aux diagnostics existants dans des structures culturelles menant une politique des publics.

Intérêt d’une aventure méthodologique : creuser pour bâtir

Contée sous forme d’exploration méthodologique, j’ai vécu ce travail de recherche presque comme une aventure scientifique; aventure idéalisée par certains documentaires audiovisuels; ceux capables de pervertir votre quotidien, l’histoire d’un instant en transformant votre furieux désir de “faire comme eux” en orientation professionnelle plus que décidée !

Elle fut riche en échanges, en surprises et en challenges. “Mais quel intérêt professionnel ?” me demanderiez-vous circonspects et avides d’une réponse concrète…
· Le premier intérêt serait de mettre en relief l’expérience “public” et les logiques de pratiques culturelles.
· Le second est de définir autrement les publics.
· Enfin, je souhaite proposer une étude des publics réplicable et rapidement effective.

Si cette Proof of Concept fut une expérience personnelle éprouvante, elle fut surtout une formidable occasion de mettre en application des méthodes marketing anxiogènes et pourtant totalement d’actualité.

Et une belle occasion de vivre une aventure…

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Thomas Grospiron

Artisan en #Communications #Marketing #Culture · S’y connait en méthodes, outils et stratégies + coordonne le RéseauRP (www.reseaurp.org)