Et si on profitait de cette énième gueule de bois électorale pour agir?

Félix de Monts
9 min readDec 7, 2015

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Hier, dimanche 6 Décembre, j’ai voté blanc pour la première fois. Hélàs, je ne le regrette pas.

Depuis mon plus jeune âge, je pense que j’aime la politique. J’aime la politique, au sens noble du terme, cet art qui vise à organiser le vivre ensemble.

Mon premier souvenir politique remonte au printemps 2002. J’étais en CM2 et avec mon meilleur ami de l’époque on s’était passionné pour l’élection présidentielle. Un peu étrange en CM2 mais bon personne n’est parfait ;)
Je me souviens de débats sur les choix de société et les candidats. Je me souviens des clips de campagne que je regardais à l’heure du goûter et des tartines de nutella. Surtout de celui de Besancenot qui parlait vrai. Et puis il y avait eu la surprise du 21 avril.
Une grande secousse à l’époque. Un épiphénomène avec un peu de recul. Je me souviens du « sursaut républicain » et des bulletins de vote « Jean-Marie Le Pen » jonchant la rue Lamarck.

Accroc au sport, j’ai toujours suivi avec attention et passion le jeu politique. Souvent déçu par le niveau de jeu proposé je n’ai pourtant jamais complètement déserté les stades, en l’occurrence les émissions politiques et les débats entre amis.

J’étais sans doute porté par l’espoir du fan des premières heures, celui de voir naître une grande figure, un mouvement de société ou que certains sujets de fond soient pris à bras le corps. J’ai hélas souvent trouvé mon bonheur dans les championnats étrangers notamment cette superbe saison 2008 américaine, un autre rêve évanoui.
J’ai toujours voté, parfois par procuration.
J’ai aussi toujours choisi, un candidat, une liste, sans passion.
J’ai donc pris parti, pas au sens partisan, mais avec la volonté d’indiquer une préférence, un soutien.

Souvent de gauche, parfois écologiste et même récemment pour une liste citoyenne.

Et puis vendredi soir j’ai pris le métro pour rentrer du boulot. Et je suis tombé sur un tract de la liste PS Ile de France. J’avais prévu de voter PS.
Ce tract évoquait de façon quasi exclusive les attentats avec un champ lexical martial prononcé et notamment cette “guerre là bas”.
A peine quelques mots sur les lycées, et les transports, rien sur l’aide aux entreprises, la politique économique et les enjeux d’environnement, alors qu’en aucun cas les questions sécuritaires ne relèvent des compétences régionales contrairement aux autres évoquées.

Une fois de retour chez moi j’ai pris le temps d’analyser les programmes reçus par courrier. Et là absolument rien. Enfin si un vide sur le fond.
La liste citoyenne ? Une terrible déception quant à la pauvreté des propositions. L’ubérisation des transports par les citoyens parmi les 2 propositions principales. Vraiment ?
Les écologistes ? Ce parti incarne à mes yeux le pire du système avec une logique clanique digne de la 4ème République.
Les Républicains ? Pécresse a su faire bouger les lignes dans le domaine de l’enseignement supérieur. Mais franchement : Voter Les Républicains après la course à l’échalotte de son actuel président aux lendemains des tragiques attentats ? Certainement pas.

A deux jours du scrutin ce tract a agi comme un catalyseur. J’ai pris conscience que cela faisait trop longtemps que j’en avais marre. Un raz le bol de l’offre politique. Du niveau de débat.

Et puis je me suis dit : « Et si je votais blanc ».
Le vote blanc comme solution pour montrer mon attachement aux valeurs démocratiques, à ce droit si chèrement acquis, à ce symbole républicain.

La solution surtout pour indiquer un rejet de l’offre politique actuelle. Un refus de ce manque de vision de société de notre classe politique.
Une classe politique incapable de fédérer une société ballottée par le chômage, un ascenseur social enclavé, un vivre ensemble remis en cause…
Une classe politique entraînée dans la surenchère médiatique, qui mène une course effrenée au buzz, arrimée aux sondages et focalisée sur les luttes partisanes pour préparer La Grande Election.
Une classe politique qui subit les transformations sociétales et agit toujours à rebours.

En réalité ce ras le bol d’un système sclérosé, manichéen, dépassé, cela fait de nombreuses années que je le ressens. Tout comme mes amis. Pourtant eux aussi la politique les intéresse. Ce ras le bol il s’exprime à chaque élection qui sacre de façon quasi-systématique le premier parti de France : celui des abstentionnistes. Et ça les média oublient souvent de le dire.

Source: Vincent Tiberj

A 20 heures, je me suis donc retrouvé devant ma télé ; un peu par hasard je dois l’avouer car j’avais prévu de dîner avec une fille qui me plait pas mal.

Et là, le malaise. Le FN premier parti de France, en tête dans 6 régions. Et parfois largement. Mais cette victoire était attendue. Elle est quasiment légitime au vu du piètre spectacle qu’offre les deux partis de gouvernement.
Le malaise personnel je l’ai surtout vécu à cause d’une forte impression de déjà vu. En regardant les débats télévisuels j’ai été atteint d’une profonde déception. Le niveau du discours des personnalités sur les plateaux télévisions légitimait le vote FN. « Fusion/Pas fusion » ? « Front Républicain » ? A qui la faute ? A la politique de Hollande ? Au quinquenat de Sarkozy ? Aux attentats ? A aucun moment le débat ne s’est élevé. Comme d’habitude.

Aucune analyse de fond sur l’abstention. Aucune explication sur la nature du vote FN. Aucun discours sur l’absence de vision commune. De l’absence totale de représentativité de la classe politique : Où sont les femmes ? Où sont les minorités visibles ?

Et puis comme de nombreux amis j’ai commenté spontanément sur facebook. « Aie j’ai mal à la tête. Quel cauchemar ces résultats. ».

Assez puéril. Pas très utile. Comme beaucoup de commentaires sur les réseaux sociaux.
Je me suis souvenu d’un message datant du 21 Mars 2011 suite aux cantonnales. Que je vous partage.

Il y a déjà cinq ans j’écrivais : « Notre démocratie est malade faute d’une classe politique en décalage complet avec les Français. Et comme depuis déjà 20 ans, c’est au FN que cela profite. »

En fait rien a changé dans le fond. J’ai donc voulu écrire. Partager un ressenti. Ecrire de façon spontané et imprécise dans la nuit. Il est 5 heures du matin et demain je travaille demain d’ailleurs.

Ce vote blanc je ne le regrette nullement. Ce que je regrette c’est l’offre politique.

Au foot comme en politique on peut changer d’équipe. Discrètement. Sans trop le dire.
Mais le problème aujourd’hui ce n’est pas l’équipe, c’est le championnat.
Au foot on peut changer de championnat si on trouve le sien médiocre. D’ailleurs c’est ce que font la plupart de mes potes qui regardent La Premier League.
Au foot il y a la Champions League pour rêver.
Là le problème c’est que ce n’est pas un jeu. Le problème c’est que zapper, ne plus aller au stade, écouter comme si de rien n’était les résultats, c’est se mettre en danger.
En plus, la Champions League de la politique, l’UE, personne n’y comprend rien.

Alors qu’est ce qu’on fait ? On attend le prochain tour et on se plaindra à nouveau ? On reste tous assis sur son canapé ou autour de bire?

L’histoire se répète, élection après élection, sauf qu’à chaque fois le Front National progresse. Jusqu’à où ? Quand cela s’arrêtera t il ?
Avant qu’il ne soit trop tard il est peut être temps d’agir.
On a la classe politique qu’on mérite. Nous sommes hélas tous responsables.

La situation du pays me fait penser à celle de la quatrième république agonisante. Un « système » délaissé par les citoyens. Un système qui présente tout de même l’avantage d’être opérationnel : rendons à César ce qui est à César.

Sur ce système non représentatif prospère un parti protéiforme, le Front National, qui s’appuie sur les thèses maurassiennes revivifiées sous couvert de nationalisme, de protectionnisme, de défense du vivre français. Personne ne sait ce qui nous attend avec ce parti attrape tout.

Le problème c’est qu’il n’y a pas de Pierre Mendès France ou de de Gaulle pour jouer les figures salvatrices.

Que pouvons nous faire pour réenchanter la politique? Quel rôle chacun d’entre nous peut jouer concrètement ? Comment transformer ce ras le bol collectif en énergie positive ? Comment faire pour que ces twitts et autres messages facebook ne restent pas des cris d’orfraies complices ?
Et surtout pour qu’on ne se réveille pas un jour avec une sacré gueule de bois en se disant comment on en est arrivé là.

Je jette pêle-mêle des envies. J’ouvre le débat. N’hésitez pas à rebondir ou critiquer. Il me semble qu’il existe deux voies parallèles pour s’investir. Deux voies que chacun d’entre nous peut emprunter à sa façon.

La première est celle de l’action de terrain, celle du vivre ensemble à notre échelle de citoyen, de nos communautés en fonction de nos passions et des sujets qui nous importent. Il y en a énormément de façon d’agir toute simple qui constituent autant d’actes politiques concrets: prendre le vélo, manger moins de viande (oui la production de viande à grande échelle est une aberration !), donner des cours de soutien scolaire pour les jeunes des milieux défavorisés (les associations membres Des Cordés de la Réussite ou Passeport Avenir), participer à la communauté SINGA pour favoriser l’intégration des réfugiés politiques, débattre avec votre voisin de café sur les choses qui vous pèsent dans le quartier, d’acheter responsable, de rendre service, de participer à un atelier sur le dialogue inter-religieux animé par Coexister.
Cette démocratie vivante chacun en a donc la responsabilité. C’est sur ce terrain qu’on gagnera.
La seconde, essentielle, consiste à ne pas délaisser le terrain politique. Il faut voter quitte à voter blanc. Il faut s’engager sur le terrain des idées. Monter des collectifs. Transformer les partis existants de l’intérieur. Si ce n’est pas possible, créer des listes électorales faute de mieux. Ou ne sais je ? Il faut réussir à fédérer cette envie d’agir. Comment? A nous de trouver la solution.

En fait j’ai une petite idée que j’offre. Un peu une idée d’entrepreneur mais je vous la partage. Et si la matrice politique n’était plus adaptée à notre époque ? Et si on avait entre nos mains le pouvoir de réinventer la politique.

Je m’explique. Le système politique actuel n’a pas connu de mutations profondes, sur son organisation et son fonctionnement depuis 1789. On reste donc sur un schéma classique de gouvernement alors que les outils de partage de l’information, le nerf de la guerre, ont radicalement évolué, tout comme la capacité à évaluer les politiques publiques ou à surveiller les dépenses, deux autres points cruciaux.
Outre le fait de permettre à une majorité de gouverner, le système politique représentatif se justifiait à l’époque où il était impossible de faire vivre la démocratie de façon quotidienne. Car il était impossible de réunir les concitoyens sur l’Agora.

La représentativité nationale paraissait comme l’outil incontournable pour porter la voix de l’ensemble des citoyens.
Est-ce toujours le cas ? Rien n’est moins sur. Pourquoi ne pas faire le pari de laisser les citoyens décider de l’ordre du jour à l’échelon local… et bientôt national ? Pourquoi ne pas faire le pari de la capacité des citoyens de formuler un avis raisonné sur les sujets qui les concernent. Quitte à ce que moins de gens votent sur des sujets précis. Il est peut être temps de prouver que nous ne sommes pas des veaux.
Pourquoi ne pas introduire le vote, en premier lieu indicatif, des citoyens, sur les différents sujets débattus au parlement, dans les conseils municipaux ?

L’éducation a été complètement réinventeé ; sans que l’Education Nationale en prenne véritablement conscience. L’emploi se transforme. Les transports ont connu un bond en avant digne de l’invention de la vapeur en 5 ans. Il y a peut être un nouveau modèle d’organisation politique à tester, avec une approche entrepreneuriale, sans doute en parallèle du système existant au départ.

Oui c’est certain j’irai voter dimanche prochain.
De façon spontanée j’ai voulu partager mon ressenti. De « jeune engagé » qui se désespère et ne sait que faire.
De jeune engagé qui a envie de se réveiller et que le doux cauchemar qui se joue depuis trop longtemps s’arrête.
Il est 5h30 et j’ai peur que ce texte n’ait servi à rien.
Je sais que nous sommes nombreux à partager ce sentiment de colère dépitée, d’impuissance.
Pourtant nous sommes tous un peu responsable de cette situation.

Et si on en profitait pour agir concrètement ? Chacun à notre échelle d’abord, par des petits gestes simples, mais aussi en ré-investissant le terrain politique, collectivement.

Pour vous remonter le moral allez voir le film Demain. Je vous promets ça vous donnera la pêche et pleins d’idées pour passer à l’action.

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Félix de Monts

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