Nicolas de Staël, Noir désir

Silvia S. Castello © 🎼
3 min readSep 18, 2023

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Nicolas de Staël, ‘le Prince’ des couleurs. Photographie originale par Denise Colomb. Tirage argentique d’époque (1954) sur papier Agfa Brovira.

Extraordinaire tirage figurant l’artiste de plain-pied, dévisageant l’objectif de toute sa beauté, dans son atelier de la rue Gauguet à Paris, quelques mois avant sa mort tragique.

Denise Colomb écrivit à propos de cette séance:

« C’est la rencontre choc de ma carrière. Souvenirs rendus plus émouvants encore après le drame, souvenirs restés tout à fait présents. Ce fut à la fois un affrontement et une complicité. Il tira une grande toile dont je ne vis que le châssis et que je soupçonne avoir été l’un de ses célèbres tableaux aux bouteilles. L’effort l’avait fatigué. J’ai pris de Staël, les bras ballants, comme s’il était épuisé. Puis, il a croisé les bras, m’a défiée, a défié le monde. Je tenais ma photo. Je le pris en contre-plongée pour accentuer sa haute silhouette. Quelle émotion. » (via Autographes des Siècles)

Située près du parc Montsouris, la rue Gauguet devient dès 1947 le point d’ancrage du peintre: le lieu où Staël, qui s’est marié avec Françoise Chapouton, va trouver un véritable atelier et un toit pour sa famille. Avec ses huit mètres de hauteur sous plafond, l’atelier « tient du puits, de la chapelle et de la grange », écrit le critique Patrick Waldberg, qui décrit « sa blancheur austère et son atmosphère d’activité intense, mais recluse ». Adossant ses toiles contre le mur, Staël conçoit plusieurs œuvres en même temps, passant de l’huile à l’encre de Chine, de la toile au papier. À la fin des années 1940, dans ce lieu inondé de lumière, sa palette s’éclaircit. Aux élans obscurs des toiles précédentes succède une manière de peindre moins violente, plus organique. Peu à peu, ses compositions se desserrent: les faisceaux dynamiques et enchevêtrés laissent place à des formes plus amples, plus stables et aériennes. Renouvelant constamment sa pratique, Staël se méfie de la répétition comme des étiquettes. Ce peintre que l’on dit abstrait déclare alors, à rebours de l’époque, que « les tendances non figuratives n’existent pas », affirmant que « le peintre aura toujours besoin d’avoir devant les yeux, de près ou de loin, la mouvante source d’inspiration qu’est l’univers sensible ».

(Nicolas de Staël, Parcours de l’exposition: « Rue Gauguet » — MAM, Paris)

Le Musée d’Art Moderne de Paris consacre une grande rétrospective à Nicolas de Staël (1914–1955), figure incontournable de la scène artistique française d’après-guerre. Vingt ans après celle organisée par le Centre Pompidou en 2003, l’exposition propose un nouveau regard sur le travail de l’artiste, en tirant parti d’expositions thématiques plus récentes ayant mis en lumière certains aspects méconnus de sa carrière (Antibes en 2014, Le Havre en 2014, Aix-en-Provence en 2018).

(Paris, MAM, 15 septembre 2023–21 janvier 2024. Fondation de l’Hermitage à Lausanne, du 9 février au 9 juin 2024.)

More coming soon…

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Silvia S. Castello © 🎼

Autrice/Artiste, UK Royal Reporter. (Journaliste, già correspondant diplomatique près le Saint-Siège). American Notes. Cultural Politics & Ideas