Heri
16 min readAug 22, 2020

La mission 2

«… assis côte à côte sur la chaise longue se trouvant sur son balcon, nous digérons notre dîner tout en regardant le ciel étoilé. Une petite couverture nous protège de la brise qui s’invite de temps à autres, pendant que la lune, toute brillante haut dans le ciel, complimente ce tableau. Ce moment est si simple mais en même temps si parfait. Et comme à chaque fois que nous sommes ensemble, l’atmosphère a ce petit côté magique. Contrairement à moi qui aime les sorties, lui est plutôt casanier et a reussi à influencer mes habitudes. C’est à croire qu’en à peine 3 mois de relation, je l’ai laissé entrer dans mon monde et changer la disposition de tout ce qui s’y trouvait. Cette pensée me fait un peu peur car elle prouve que je me suis attaché à lui relativement vite.

Comme à nos habitudes, nous discutons de tout et de rien. Ce soir, le sujet est l’infidélité feminine et pourquoi elle se pardonne si difficilement. Tout comme moi, il trouve que c’est une question d’égo.

-Au delà de la peine et de la douleur, l’homme se sent blessé dans son égo, dans sa fierté d’homme.

-Et vous pensez que nous ne ressentons pas cette blessure, cette humiliation lorsque les tables sont tournées?

-Bien sûr que si. Mais vous savez remonter la pente beaucoup mieux que nous parce que vous êtes plus fortes.

-Ah non hein! Faut arrêter avec cette habitude de mesurer la force de la femme uniquement par son niveau de souffrance avec et pour un homme. Oui nous sommes fortes, mais cette histoire de “ride or die” n’est pas une mesure de force.

-Oui je comprends et je ne dis pas que la force de la femme c’est souffrir pour moi. Mais n’empêche que l’égo n’est pas démesuré chez vous. Pour moi par exemple, mis à part mon égo qui y prendrait un sacré coup, il y a également l’éstime des autres. Si cela affectait en même temps comment je suis vu dans la société ou encore par mes subordonnés, là tu m’as vraiment fait quelque chose. C’est égoiste, égocentrique ou tout ce que tu veux, mais c’est vrai. Tu touches à mon égo ainsi que mon éstime aux yeux des autres, tu as gagné…»

Ces dernières paroles résonnent encore dans ma tête et me procurent un sourire machiavélique. Un peu comme Samson qui avait révélé à Delilah l’origine de sa force, cet homme m’avait donné la recette pour le blesser. Comme on dit, aimer c’est donner à quelqu’un l’arme qui pourrait nous tuer tout en espérant que la personne ne s’en serve pas. Et malgré ce petit grain de doute qui commençait à germer en moi, ce côté conciliant qui voulait prendre le dessus, je voulais vraiment aller au bout de ma mission et j’instruisais mon coeur d’arrêter de réfléchir et revenir à son rôle initial, celui de pomper le sang.

Une fois chez moi, je file vers la douche et en quelques minutes j’ai fini. Comme je vous l’ai dit, cela fait quelques semaines que je prépare ce coup et donc, j’ai pris le soin de tout mettre en place. Sur le lit se trouve toute mon artillerie lourde pour ce soir. Mais avant, hair and makeup.

Sur la commode se trouve une tête de mannequin avec une perruque prête. J’aime mes cheveux naturels, je suis black and proud, black girl magic et tout ce que vous voulez, mais j’adore la versatilité que me donne les perruques. Aller de brune à blonde, de lisse à kinky en 5 minutes est juste fascinant. Pour ce soir, c’est brune avec des boucles qui ajoutent du volume. Étape suivante, maquillage. Apprêt pour le visage, fond de teint et sourcils se font assez rapidement. Ensuite c’est highlight et contouring pour sculpter à la perfection les traits de mon visage. Pour les yeux, pas besoin d’y aller fort. Un fard à paupières assez simple, double eyeliner noir et doré pour ressortir encore plus mes grands yeux, et pour finir, cils 3D pour l’effet wow. Pour la bouche, nude fatale d’Estée Lauder, collection Pure Color Envy. On pose le tout avec un spray fixateur et un coup de highlight. Je retourne vers le lit et mon téléphone m’informe qu’il ne me reste plus que 20 min pour quitter les lieux. Pas de problème, ça me va.

Comme plusieurs femmes, la lingerie fine me donne ce côté femme fatale, prête à tout conquerir. Et même quand j’ai une présentation importante à faire au boulot, je m’assure toujours de mettre un ensemble de ma collection “spicy secrets” pour booster ma confidence. Pour moi, la lingerie est comme ce costume de super héros qui peut transformer Clark Kent en Superman. D’ailleurs, pourquoi se baladerait-il en caleçon si pas parce qu’il se sentait plus fort comme ça?

J’enfile rapidement mon ensemble de dentelle noire avec petits noeux rouges à l’arrière du thong ainsi qu’à l’origine de chaque bretelle du soutien-gorge. Je mets ensuite un porte-jarretelles en cuir noir, enfile des bas transparents noirs qui m’arrivent à mi-cuisses et les attache au porte-jarretelles en utilisant les bretelles pendantes. Je regarde mon reflet dans le grand miroir de l’autre côté de la chambre, fais un tour sur moi-même et je suis satisfaite du résultat. Quelques gouttes de Coco Mademoiselle, une paire de boucles d’oreille et une paire d’escarpins plus tard, je suis presque prête et pile à l’heure. Je porte alors mon trench coat, m’assure qu’il soit bien noué, prends mon petit sac, fais une petite prière en me regardant dans le miroir puis je sors.

Une fois dans la voiture je fais un petit message à mon “office husband” question de m’assurer que tout se passe comme prévu. Il me repond par “oui je suis toujours au bureau. Je ne sais pas pour les autres, mais j’ai vu ton boss il y a quelques minutes quand je me faisais du café”. Perfect! Non seulement il est là, mais ils se sont vus ce qui m’arrange totalement. Il est 19h03 lorsque je passe l’entrée de l’immeuble dans lequel je travaille. Mon gars de la sécurité me regarde et sourit. Un monsieur très discret qui a vu et entendu plusieurs choses pendant les nuits de travail du temps où tout était encore rose entre Mr Boss et moi. Ce soir, il sait déjà qu’elle est sa mission. Il m’assure que l’immeuble est vide à l’exception des 2 hommes à notre étage. C’est un vendredi soir, le contraire m’aurait vraiment etonné. On peut lancer la machine.

Étape 1: je commande 2 pizzas pendant que le garde appelle le bureau de Mr Boss et lui dit qu’il y a une livraison pour lui en bas. Il n’a rien commandé donc il pose des questions pendant un temps pour s’assurer qu’il n’y a pas eu erreur. Au final, il décide de descendre vu que les livreurs ne peuvent pas monter après les heures de travail. Voilà mon signal pour l’étape 2, prendre l’ascenseur avant lui. Quelques secondes plus tard, je suis dans l’ascenseur qui monte vers notre niveau. À vrai dire, j’ai perdu une petite portion de ma confidence. L’idée de le perdre définitivement m’a traversé l’esprit et ne m’a pas du tout plu. Mon vrai besoin, c’est juste le voir vulnérable pour une fois, qu’il perde son allure parfaite, qu’il montre que lui aussi a mal, que j’ai quand même représenté quelque chose, pas juste un fling que l’on oublie du jour au lendemain. J’ai commencé toute cette histoire après avoir lu quelque chose qui disait “if love doesn’t teach you how to care, loss will” (si l’amour ne t’apprend pas comment te soucier, la perte le fera) et je me suis dit que cela était également son cas. Ces dernières semaines, il a repris avec les sourires et les petites attentions sûrement parce qu’il sait qu’il a toujours de l’effet sur moi, qu’il y a encore de l’amour. Il se dit que je vais encore tomber sous son charme, passer de nouveau par des montagnes russes pendant que lui pourra continuer avec sa vie comme si de rien n’était. C’est ça qui m’énerve et que je veux changer. Donc si ce soir je peux lui donner l’impression de m’avoir perdu, j’aurai accompli ma mission.

Plus que 2 niveaux de plus, donc je desserre mon trench coat, le déboutonne complètement, et prends une pose qui se veut sexy. Jambes légèrement croisées, mains aux hanches de manière à révéler l’interieur du manteau, bouche entrouverte et regard charmeur, j’entends le bip qui indique que je suis sur le point d’arriver. L’ascenseur s’ouvre et je tombe immédiatement sur lui alors qu’il fait un pas en avant et est stoppé net dans son élan. Il a la bouche ouverte, un air étonné mélangé à de la fatigue. Un peu plus d’un mètre me sépare de la sortie où son corps se trouve. Il prend un moment pour me scruter de la tête aux pieds et remonte encore une fois vers la tête comme s’il scannait mon corps. Nous ne disons toujours rien, mais son étonnement commence à laisser place au désir que je peux lire dans son regard qui devient de plus en plus sombre. Un petit sourire se dessinne également sur ses lèvres et une voix plus roque que d’habitude s’échappe de sa bouche.

-Damn! Si je savais que c’était ça que je me faisais livrer, je serais déscendu immédiatement. You look amazing baby girl.

Je ne dis toujours rien, réponds timidement à son sourire mais pour une raison toute autre. Tout marche à merveille. De ma main droite, je ramène quelques mèches de cheveux à l’arrière de mon oreille et le fixe du regard. Je sais qu’il reconnait ce petit signal que nous avions il y a quelques mois et je le vois avancer vers moi, sourire aux lèvres. Lorsqu’il est à un pas de moi, je peux sentir sa respiration accélérée et je vois ses bras venir vers moi. Je bouge sur le côté pour l’éviter. Il croit sûrement que je le charrie un peu vu que ce sourire n’a pas quitté son visage. Il avance encore vers moi convaincu que cette fois c’est la bonne. C’est alors que je décide de parler, arborant un visage grave.

-Pouvez-vous me laisser passer? Y a quelqu’un qui m’attend. (Ah oui hein, vouvoyons-nous vivants)

-Huh? Dit-il un peu déboussolé

-Je peux passer? Je dois être quelque part et on m’attend. Je lui dis ces mots calmement en pointant du doigt le côté gauche du couloir pour lui faire comprendre que je vais vers les bureaux de mon “office husband” et non les nôtres. Il reste là à me regarder un moment et son visage va du désir, du sourire à de la colère. Il voudra sans doute cacher ça d’ici peu mais malheureusement pour lui, j’ai vu la métamorphose, j’ai vu sa reaction dans son état brut. Je ne peux pas jubiler maintenant, mais à l’interieur je danse, je saute même. Nous restons là encore une minute et voilà, comme je l’ai dit, son petit air serrein revient et il me laisse le passage en disant “okay, vas-y”.

Je quitte cet endroit à grand pas, sans me retourner, et envahis les premières toilettes que je vois sur mon chemin. Une fois la porte fermée derrière moi, je danse et bouge dans tous les sens tout en essayant de ne pas faire trop de bruit. Merde!! Ça c’était top! Ce regard m’a parlé. Cette colère interne qu’il ne peut pas évacuer, cette sensation d’impuissance vu que c’est lui qui a voulu que ça s’arrête entre nous, ce regret qu’il ressent sûrement en ce moment, cette frustration mentale et même sexuelle, l’idée de savoir ce que je suis venu faire ici, avec qui, les souvenirs des fois où nous avons passé nos soirées ici en faisant plus que notre boulot,… Comme il l’avait si bien dit, touche à mon égo et tu as gagné.

Je passe plusieurs minutes en face du miroir à sourire bêtement. Je décide finalement de sortir mais avant, j’essuie mon rouge à lèvres et le remplace par un gloss. Je retire mes bas et mon porte-jarretelles et les range dans mon petit sac d’où je sors une robe midi moulante assez décontractée que j’enfile . Petit conseil pour vous messieurs: méfiez-vous des sacs de femmes. Ils peuvent paraître petits, mais l’avenir de toute une nation pourrait s’y trouver. Avec un petit bandeau, j’attache mes cheveux en queue de cheval et aussi simplement que ça, je vais de séductrice à fille sage. Cela me rappelle une influenceuse nigérianne qui dit: after God, fear woman!

Vous-vous souvenez des pizzas que j’ai commandé n’est-ce pas? Elles seront bientôt là et mon ami de la sécurité vas laisser le livreur monter vu que l’une d’elles est pour lui en guise de remerciement. Donc téchniquement, j’étais dans les parages et j’ai décidé de passer faire un coucou à mon “office hubby” et lui apporter une pizza vu que j’allais m’ennuyer toute seule chez moi. Tout va bien se passer parce que contrairement à ce que tout le monde croit, ce gars a une fiancée qui finit sa dernière année de maitrise dans un autre pays. J’ai eu la chance de la rencontrer une fois, et ils sont follement amoureux l’un de l’autre. Ce soir nous allons juste rire, passer du bon temps et surtout être assez bruyants pour que l’autre là entende. Vous avez bien compris le deal j’espère? Okay, on y va maintenant…

Il est 9h15 lorsque j’ouvre les yeux ce samedi matin. Les images de la soirée d’hier me reviennent et je souris encore. À ma sortie, j’ai demandé au garde si Mr Boss était toujours là. Il était bizarrement tout excité de me raconter comment il s’est fait gueler dessus pour l’avoir appelé pour des bêtises. À entendre le garde, il était vraiment énervé et est rentré chez lui à peine quelques minutes plus tard et ce après avoir vociféré dans le vide. Cela m’a fait encore plus de bien et je suis rentré chez moi toute légère.

Certains parmi vous pensent sans doute que ce n’était pas necessaire, qu’il fallait que je laisse passer, que je prenne de la hauteur. Cela ne m’étonne pas du tout. Vous voyez toujours la logique quand ce sont les enfants d’autrui qui pleurent. Mais moi, j’avais besoin de le faire, de me liberer de ce poids, de savoir que lui aussi pouvait avoir mal. Maintenant que c’est fait, je vais profiter de mon weekend, relaxer, me concentrer sur moi et sur mon boulot surtout qu’à partir de lundi c’est la periode de l’année que nous n’aimons pas –l’audit de l’entreprise.

Lundi matin, il est 7h50 et je franchis la porte de la salle de reunion sur mon 31. Oui je veux encore remuer le couteau un tout petit peu mais en même temps, je veux faire une bonne première impression avec les auditeurs. Ces gens peuvent te rendre la vie dure pour rien. Je me souviens encore de l’équipe qui est venu dans notre service la dernière fois. Alors que la dame était vraiment aimable, le monsieur lui, on aurait dit qu’il avait une dent contre moi. Mais bien évidenment, on nous rappelle qu’ils ne sont là que pour faire leur boulot et nous devons les aider du mieux que nous pouvons. Je m’installe sur ma chaise habituelle tout en saluant les collègues qui me complimentent sur ma tenue. Quelques minutes plus tard, Mr Boss arrive accompagné du MD pour nous briefer. Après le speech habituel, ils invitent l’équipe d’audit à entrer dans la salle. Les auditeurs passent la porte l’un après l’autre et lorsque c’est au tour du dernier, j’ai l’impression que le temps s’est arrêté. Un air étrange s’installe, une éléctricité bizarre me traverse le corps et je constate que je ne suis pas la seule à la ressentir lorsque je regarde mes collègues. Woow!!! C’est qui lui?? Le petit frère d’Apollon? Un être humain aussi beau qu’un dieu grec vient de franchir la porte et je ne sais pas décoller mon regard de lui. Je vous explique. Il doit faire 180 cm ou quelque part là-bas, 2 à 3 teints plus claires que Mr Boss, belle carrure, les yeux noisette enfouis dans le crâne avec pleins de sourcils lui donnant un regard ténébreux, lèvres bien roses. Mais ce qui fait son charme, c’est sans aucun doute ces cheveux bouclés qu’il a en style mohawk et cette démarche à tout casser. Dans ma ville natale lorsqu’on voit une telle beauté, y a une expression qui dit: mungu aliumba na mama alizala. Traduisez par là, Dieu créa et la mère enfanta!

Le chef de leur équipe prend la parole et j’essaye tant bien que mal de reprendre mes ésprits et l’écouter. Après les présentations d’usage et un petit speech sur comment il compte sur notre coopération, il se met à repartir son équipe dans les differents services. Interieurement, je me mets à prier demandant à Dieu que fine boy ne soit pas assigné à mon service. J’ai déjà assez de problèmes de concentration avec l’autre. Je n’ai pas besoin de plus d’ennuis dis-je dans ma prière. Mais bien évidenment, le ciel me nargue aujourd’hui parce qu’à peine ma prière fini, j’entends le monsieur qui dit que fine boy traveillera avec Mr Boss et moi. Je me lève pour m’identifier et je vois les regards des 2 hommes qui s’abbattent sur moi au point où je bégaye un peu pour dire mon nom. La réunion prend fin assez vite et je vois tout le monde quitter la salle. C’est normal que Mr Boss ne soit pas d’humeur à me parler après ce weekend, donc je vais parler à l’auditeur question de faire connaissance et l’installer dans nos locaux.

-Bonjour, vous allez bien? Bienvenu chez nous dis-je en un seul coup. Et merde! Ça commence bien on dirait.

Il me sourit un instant et répond par “bonjour, oui et vous? Merci”. Je réponds à son sourire et dis que ça va bien. Je lui propose d’aller voir son bureau pour les 3 prochaines semaines et au passage, je croise un regard grincheux qui n’a sûrement rien manqué de la conversation. Ces 3 semaines seront longues; alors là très longues et je peux déjà le sentir…

Le premier jour n’était pas si mal en fin de compte. À part la crise cardiaque que j’ai évité de justesse lorsque fine boy est entré dans mon bureau avec sur le nez des verres lui donnant un côté intello, il y a juste eu le moment bizarre dans l’ascenseur. À la sortie, nous nous sommes retrouvés tous les 3 dans l’ascenseur vu que nous avions fini ensemble. Les souvenirs du vendredi soir étaient encore trop frais pour ne pas ressentir cette lourde tension qui s’était installée. L’interminable descente a finalement pris fin, mais il a fallu également traverser le parking avant que chacun ne parte de son côté après des bonsoirs à peine audibles. Donc aujourd’hui, je m’assure qu’aucun des 2 ne soit dans les parages avant de prendre l’ascenseur. Une fois à notre étage, je décide de me faire une tasse de thé. À quelques pas de la cuisine j’entends des voix qui me donnent envie de rebrousser chemin mais malheureusement j’ai été repéré.

-Bonjour mademoiselle dit-il souriant.

J’entre dans la cuisine et réponds tout en essayant de lui rendre son sourire. Je salue également Mr Boss qui me répond de manière plus audible ce matin. Humm, peut-être que la colère est passée finalement. “Vous êtes très ravissante ce matin” dit le petit frère d’Apollon. “Au fait, on pourrait se tutoyer? On va travailler ensemble pendant des semaines. C’est la moindre des choses n’est-ce pas?” De manière instinctive, je regarde Mr “réspectons le cadre professionnel et arrêtons avec le tutoiement” qui n’affiche aucune expression sur son visage. Que cet homme m’énerve! J’en ai marre de vivre au rythme de ses humeurs. Ma vie m’appartient après tout! J’ai le droit d’échanger, de rire avec les gens sans me sentir observée ni contrôlée. Je crois que je devrais me lancer dans une nouvelle mission: reprendre les rênes de ma vie, faire ce qui me plait sans ce sentiment de culpabilité. Je dois laisser le passé où il est et vivre le présent. Sur cette pensée, je réponds par “oui bien sûr, on peut se tutoyer. Mon thé est prêt, on y vas?” et je sors de la cuisine suivie de près par l’auditeur qui me pose quelques questions sur moi.

Les jours passent et je me sens beaucoup mieux dans ma peau. Mes journées sont plus détendues depuis que j’ai décidé de rétirer cette épée de Damoclès qui me pourrissait la vie. D’autre part, notre chèr auditeur est un flirt qui ne le cache même pas. Quand ce ne sont pas les compliments chaque matin sur ma tenue ou encore mon eau de parfum, c’est une galenterie à outrance entre les portes qu’il tient, les chaises qu’il tire, les tasses de thé qu’il me rapporte et les petites escortes jusqu’à ma voiture chaque soir. Cela fait juste une semaine que nous travaillons ensemble, mais je ne me souviens pas avoir eu autant de joie à venir dans cet immeuble depuis des mois.

Mais il y a également le revers de la médaille. Les 2 hommes ne s’aiment pas et ça, pas besoin d’être magicien pour le voir. Ils se supportent à peine dans l’interêt du boulot. Lorsqu’ils sont dans la même pièce, c’est un combat d’égos; 2 males dominants voulant chacun marquer son territoire. J’essaye de concilier les 2 extrêmes du mieux que je peux sans pour autant tout prendre sur moi. Mais pour être honnête, l’attention que je reçois de cet homme me plait bien. Il a cette facilité avec les mots qui change vraiment de l’autre. Hier il m’a même demandé si je voyais quelqu’un. Et quand j’ai dit que je sortais d’une relation il y a à peine quelques mois, il s’est arrêté net, m’a regardé droit dans les yeux avant de dire “cet homme est un con et je suis sûr que de là où il est, il regrette sa bêtise”. Humm, si seulement tu savais qu’il est dans le bureau juste à côté me dis-je interieurement.

À la pause ce vendredi, l’auditeur et moi allons aux archives à la recherche d’un dossier qui ne colle pas selon lui. Vous savez déjà qui nous risquons de croiser là-bas et je n’ai juste pas envie d’assister à un autre moment tendu. Une fois aux archives, je scanne rapidement la pièce du regard et ne vois aucun signe de sa presence. Nous entrons donc et je me mets à chercher le dossier dont nous avons besoin pendant que fine boy lui fait la conversation.

-Au fait, ton boss ne m’aime pas beaucoup et j’ai l’impression que tu y es pour quelque chose.

-Mais non, qu’est-ce qui te fait dire ça? Il est juste de nature calme.

-Non, je sais voir quand c’est une affaire de femme. Est-il intéressé par toi?

Je réponds immédiatement par NON de vive voix tout en lui lançant un regard grave. Un petit silence s’intalle… Alors que je cherche les mots pour m’excuser, il poursuit.

-Good! Dans ce cas, je peux t’inviter à prendre un verre ce weekend?

Ces paroles me prennent par surprise et j’essaye de les assimiler. Sa demande me flatte mais je ne crois pas que ce soit une bonne idée et donc je réponds pas la négative.

-Et pourquoi donc? On pourrait passer un bon moment, parler d’autre chose comme la musique par exemple.

-Je dis non parce que le règlement interdit toute relation autre que professionnelle entre employés.

-Heureusement pour moi, je ne suis pas un employé de cette boite donc ce règlement ne s’applique pas à moi. On dit samedi 20h?

Je réfléchis sur comment échapper à cette situation lorsque quelqu’un tousse et nous nous retournons vers la porte pour voir un Mr Boss adossé au mur, mains dans les poches. Je savais bien qu’il n’allait pas manquer d’apparaître vu que c’est son coin préféré pendant la pause. Je ne sais pas depuis quand il est là, mais à voir sa tête je dirais un bon moment. Heureusement que j’ai trouvé le dossier que je cherchais et donc nous pouvons partir. En montant au bureau je réfléchis sur l’invitation que je viens de recevoir. C’est peut-être de ça que j’ai besoin. Passer du bon temps avec quelqu’un d’autre. Je n’ai de compte à rendre à personne, cela fait longtemps que je suis sorti, et j’ai une envie de cocktail professionnel pour changer un peu de mes conconctions faites maison. Et d’ailleurs, même s’il arrivait qu’il y ait plus que des boissons, cela ne serait pas bien mal.

Sur ce, j’ai un rendez-vous pour samedi. Souhaitez-moi bonne chance.

H.