Terrorisme : les cinq défis d’Emmanuel Macron

Marc Hecker, chercheur au centre des études de sécurité de l’Ifri, identifie cinq menaces terroristes que le nouveau président de la République doit appréhender.

Ifri
4 min readMay 18, 2017

La France fait partie des pays occidentaux les plus ciblés par la mouvance djihadiste. Son passé colonial, sa laïcité, sa culture et ses interventions militaires dans le monde musulman lui sont tour à tour reprochés.

La société française est aussi perçue comme particulièrement fragmentée et vulnérable. Le groupe terroriste Daech ne cache pas sa volonté de faire voler en éclats la cohésion nationale en exacerbant les tensions entre les musulmans et le reste de la population.

L’élection passée, le nouveau président de la République doit désormais faire face à cinq menaces principales.

Les retours de Syrie et d’Irak

La plus évidente concerne la zone syro-irakienne où ont été planifiés plusieurs attentats, dont ceux du 13 novembre 2015. 700 Français adultes et 450 enfants sont encore sur place. Environ 250 sont déjà revenus.

Le traitement des « revenants » qui ne présentent pas tous le même degré de dangerosité — est particulièrement ardu et a évolué depuis trois ans. La tendance à la judiciarisation, au placement en détention provisoire et à l’alourdissement des peines est claire.

La méfiance à l’égard des femmes et des adolescents s’est accrue. Des dizaines de procès auront lieu dans les prochaines années, et les prisons — au demeurant surpeuplées — vont devoir accueillir de nombreux individus radicalisés.

Emmanuel Macron devra accroître le budget du ministère de la Justice, augmenter le nombre de magistrats spécialisés, engager la construction de nouveaux établissements pénitentiaires et ne pas abandonner le chantier de la contre-radicalisation malgré de premières expérimentations difficiles.

Les individus condamnés pour terrorisme et libérés de prison

La deuxième menace a trait à la réactivation de réseaux anciens. La France n’a pas découvert les filières djihadistes avec la guerre en Syrie. Des ressortissants français avaient déjà participé — quoique dans une proportion bien moindre — à d’autres conflits, notamment en Afghanistan, en Bosnie, en Tchétchénie et en Irak.

Comme l’ont montré les cas de Chérif Kouachi et Larossi Abballa, des personnes condamnées il y a plusieurs années peuvent récidiver. Or, au cours des cinq prochaines années, 80 % des personnes actuellement détenues pour des faits de terrorisme seront relâchées.

Ces individus devront faire l’objet d’une surveillance et il n’est pas certain que les effectifs actuels des services de renseignement suffisent, malgré les renforcements annoncés depuis 2014.

Les personnes fichées

La troisième menace concerne les personnes susceptibles de passer à l’acte directement sur le territoire national. Ces personnes peuvent être recrutées physiquement, « téléguidées » par des djihadistes opérant de l’étranger, ou simplement influencées par la propagande circulant sur internet.

Depuis 2015, il existe un fichier des personnes radicalisées. Selon les sources, il compte aujourd’hui entre 12.000 et 16.000 « fichés », présentant un niveau de dangerosité hétérogène et nécessitant des réponses adaptées.

La logique du décèlement précoce de la menace peut se révéler pernicieuse. Plus les pouvoirs publics chercheront à intervenir en amont, plus les fichiers gonfleront, ce qui aura pour double conséquence d’engorger les services compétents et d’accroître les risques d’erreurs.

Or, les erreurs ne sont pas uniquement problématiques d’un point de vue éthique et juridique ; elles le sont aussi au niveau stratégique puisqu’elles risquent d’être exploitées par l’adversaire à des fins de radicalisation.

La protection des frontières

La quatrième menace relève de ce que les services de renseignement appellent les « frappes obliques ». Cette expression renvoie à la capacité de ressortissants étrangers à perpétrer une attaque sur le territoire national.

Pour éviter un tel scénario, le contrôle des frontières externes de l’Union européenne et des flux intra-européens doit être renforcé. En outre, certains États membres doivent investir davantage dans leur sécurité, condition sine qua non à une coopération efficace.

Le terrorisme d’extrême droite

Les quatre menaces identifiées jusqu’alors ont trait au djihadisme, qu’il émane de Daech, d’Al-Qaïda, voire d’une autre entité susceptible d’émerger. Toutefois, la focalisation sur le djihadisme ne doit pas faire oublier d’autres menaces potentielles. Celle du terrorisme d’extrême droite mérite une attention particulière.

Le cas d’Anders Breivik est bien sûr présent à l’esprit, mais aussi celui d’Alexandre Bissonnette, auteur présumé de la fusillade dans une mosquée de Québec en janvier 2017. La tension est aujourd’hui si forte en France, qu’un attentat de ce type pourrait déclencher des réactions en chaîne difficiles à anticiper.

En conclusion, la menace terroriste restera très élevée au cours des prochaines années. Le nouveau président ne devra pas se tromper dans le diagnostic et bien doser la réponse. La France n’est pas à l’abri d’un choc anaphylactique.

Marc Hecker est chercheur au Centre des études de sécurité de l’Ifri et rédacteur en chef de la revue « Politique étrangère ». Il a contribué à l’étude « L’agenda diplomatique du nouveau président » publiée par l’Ifri.

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