Pourquoi mieux vaut-il parler d’inclusivité plutôt que d’intégration ou de diversité?

Imane Assaad
3 min readApr 6, 2019

Ces dernières années, la notion d’inclusion s’est substituée à celle d’intégration ou de diversité dans l’espace public et médiatique. Ce glissement sémantique souligne un changement de paradigme dans notre rapport à l’autre et à la société dans ce qu’elle doit tendre vers.

Le terme d’inclusion fait son entrée dans la loi française en 2013 avec l’idée d’une école inclusive envers les publics handicapés en première instance. C’est à Charles Gardou, anthropologue et chercheur à l’Université Lumière Lyon 2, que l’on doit la conceptualisation de l’inclusivité scolaire qu’il définit comme un «chez soi pour tous ». Rien de plus énigmatique ! L’une des façons simples et efficaces de comprendre la complexité de cette définition est de penser la notion d’inclusivité à partir de celle de diversité, d’intégration, ou encore pour commencer, d’exclusion.

L’inclusion, antonyme d’exclusion

Sémantiquement, l’inclusion est l’antonyme d’exclusion. Etymologiquement, ces deux noms proviennent du latin et se sont construits sur la racine “cludere” qui signifie “fermer”, “interdire l’accès à”. On ne peut donc pas comprendre l’inclusion sans passer rapidement par le principe d’exclusion, que Pascal définit au XVIIe siècle dans ses Pensées comme le fait de “rejeter une chose comme incompatible avec une autre”. L’exclusion est donc une action qui agit sur un sujet par rapport à un autre. L’avènement des sciences sociales au XIXe siècle fait évoluer le concept d’exclusion, que l’on connait aujourd’hui comme tel, en y ajoutant la notion de rapport de force entre un individu et la société. Le sociologue Robert Castel est le premier, en 1960, à intégrer la notion d’inclusivité dans ses travaux, en définissant ce qu’il appelle la « vulnérabilité » de certaines catégories de la population à être en marge du corps social majoritaire.

L’inclusion, versus l’intégration

La notion d’intégration apparaît dans les années 1970 et reste très populaire jusqu’à la première décennie des années 2000. À la différence de l’inclusivité, l’intégration se restreint à une dimension socio-économique : il s’agit avant tout d’intégrer une partie de la population dans la société par le biais du travail. C’est en ce sens que l’on parvient aussi facilement à interchanger l’intégration avec l’insertion. Le rapport Schwartz pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes (16–25 ans) paru en 1981 est à ce titre révélateur. L’intégration a néanmoins le mérite de commencer à nous faire penser la société, non seulement dans sa dimension verticale, mais également horizontale. Comme l’explique le sociologue Alain Touraine, on ne peut pas simplement situer les individus en haut ou en bas de la société, mais aussi au centre ou à la marge. L’intégration est donc le moyen socio-économique que la société donne à l’individu pour qu’il rentre dans son espace, tandis que l’inclusivité est l’élargissement de ce même espace afin que la place de chacun y soit garantie de droit. En d’autres termes, alors qu’on faisait jusqu’alors entrer les individus dans le cercle, celui-ci doit à présent s’agrandir de lui-même pour que chacun y trouve sa place. L’effort ne doit plus venir des individus, mais bien de la société.

L’inclusion, versus la diversité

La critique de la diversité peut paraître plus compliqué tant nous avons en image la célébration des différences. Cela étant, cette notion a bien des limites. La diversité met la focale sur l’individu qui est défini en tant que différent selon certains critères : le genre, la pigmentation de la peau, l’orientation sexuelle, la confession religieuse etc. Cette stigmatisation des différences peut s’avérer d’autant plus vicieuse qu’elle laisse supposer une hiérarchie entre elles, quelles sont les différences acceptables ? À partir de quel moment l’individu doit cacher ses différences pour se faire accepter ? La différence n’est différence qu’en comparaison à un modèle dominant : on ne peut être différent que « par rapport à ». Alors que la diversité s’appuie sur la notion de différence et souligne en ce sens les écarts entre la norme et les « non-normes », l’inclusion remet en cause cette norme. Au lieu de pointer un “qui” selon un “quoi”, on se questionne sur “comment” supprimer la norme. Vernā Myers, vice présidente des stratégies d’inclusion chez Netflix, déclare: “Diversity is being invited to the party; inclusion is being asked to dance.” L’inclusivité ne voit plus les différences car celles-ci sont devenues la nouvelle norme, et concrètement, cela se traduit par une société où chaque individu a le droit de s’exprimer sans que cela puisse étonner personne.

--

--

Imane Assaad

Student in Innovation and Digital Transformation. Dual Mater Degree Sciences Po Paris and Telecom Paristech. President of Women in Business