Du design pour soi (et plus encore)

Intermediius
7 min readAug 19, 2016

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Le design est une chose merveilleuse. Tout le monde a ressenti la force d’une émotion forte en face d’un bel objet utile, d’un univers “à part”, d’un sentiment de griserie initié par l’usage d’un outil et de . En cela, le design est un outil très utile pour façonner et donner des sens à nos objets du quotidien.

Mais il est aussi une pensée utile pour changer la vie des gens. A condition de ne pas en limiter les visées.

Dernièrement, un article intéressant, écrit par Irene Au, a eu le mérite d’éclairer plus en détail cette force de changement mais aussi sa portée réelle :

The ability for design to influence how we think and feel goes beyond physical objects and spaces and extends into ephemeral experiences like service design and digital product design.

Mais aussi

« What we become, so we make. What we make and consume, is what we become. »

Cette analyse dit ce que beaucoup de designers ressentent.
Le design est un accélérateur de particules et des coeurs, un architecte de l’intangible.

Certes le design est connu pour servir les innovations des entreprises et leur permettre de mieux orienter leurs solutions.
Mais le défi du design n’est pas uniquement de générer des solutions.
Il vise aussi, et c’est le défi d’une acculturation à faire pour tous les leaders et les organisations, à créer des cadres inspirants.
A générer une forme de “mojo”.

Non par “mojo” je n’entends pas une référence à Austin Powers

Mais plus un sentiment que connaissent les participants de Secret Cinema, Hit records ou encore Incredible Edible.

Autrement dit :

Un peu perché quand même cette approche ?

Et pourtant…

Pourtant, quand on jette un coup d’oeil en profondeur dans l’histoire des success stories, on se rend compte d’une réalité méconnue et d’autre origine de ce succès :
Par exemple, l’un des deux buts recherchés par Steve Jobs, à part avoir la meilleure part de marché, était (via ses produits) d’éduquer les gens au zen et à ses perspectives de développement et d’harmonie. (à lire dans sa biographie).
Un grand inventeur, Gérard Blietz, parlait, à propos de ce qui a révolutionné l’industrie du tourisme, le Club Med, de volonté de redonner à l’individu son “être-té” (voir l’extrait du documentaire pour aller au delà de l’étiquette baroque)
Un des plus grands entrepreneurs du 21ème siècle, Tony Hsieh, fondateur de Zappos, parle de créer une véritable culture positive, faites de moments positifs entre salariés, entre salariés et clients, capitalisant sur une forme d’élégance sociale, comme véritable sens de son entreprise.
Rover dans son approche de l’intermédiation entre propriétaires de chien et de dogsitter cherche à trouver les meilleurs moyens de passer des moments avec un chien. Parce que le monde, c’est leur vision, et les gens qui la composent ont tout à gagner à passer plus de temps avec un canidé.
Etc. Etc.

Dans son article, Irene Au, parle de Self Design. De Design de soi. Ou de « design pour soi ». Un design pour être meilleur, pour s’épanouir, s’affranchir.
Ce « design pour l’élévation de soi » a un potentiel très fort d’engagement des gens. Tout simplement parce que l’incertitude, la complexité et le chaos se sont développés. Et en ce sens il constitue le meilleur effet de levier à rechercher pour toute organisation.

Prenons un café. Non, pas en vrai. Mais, métaphoriquement. Faisons une pause, activons le métabolisme, ressourçons nos sens et examinons les choses sous un autre angle.

Sous un angle psychologique et philosophique.
Dans le gros carrefour de nos vies, carrefour permanent, on doit faire des choix plus nombreux qu’auparavant, des choix plus heurtés.
Le design permet de jouer sur ces carrefours,
d’accélérer des promesses à portée de main
de résoudre des tensions, des frustrations
de mettre en perspective des complexes et de réordonner dans une logique positive
de mettre en contact, de créer des interactions qui font sens
de générer du plaisir et de l’expérience esthétique, sans laquelle l’humain a du mal à s’élever
de faciliter les processus d’apprentissage
et plein d’autres encore

Délirant me direz vous ?
Ok, des faits.
1/ La plupart des secteurs marchands connaissent une durée de vie de produit de plus en plus courte.
2/ De nombreux secteurs sont touchés aujourd’hui par « l’âge de l’accès » comme disait Rifkin : plus de location moins de propriété
3/ Au coeur du business et des stratégies marketing, l’expérience (et son design) sont devenus des enjeux clés.

Soit, me direz-vous. Le type est en train de dire qu’il faudrait maintenant se concentrer sur l’intangible pour faire du business ? Et que le monde va changer de paradigme de faire des affaires.
Evidemment non.

Toute activité a ses logiques de ROI et… utilisons les gros mots de « barrières à l’entrée » . Cet délicieux objectif qui sécurise les entrepreneurs et les investisseurs, et empêchent accessoirement le concurrence de venir rapidement vous chercher des poux.

Partie importante : Bien evidemment, les infrastructures, en particulier technologiques, restent des éléments valorisées, et loin devant tout le reste. Ce n’est rationnellement pas juste mais cela tient en deux raisons :
1/ les valorisations d’infrastructures sont plus faciles à produire

2/ elles sont tangibles et collent plus avec la culture et psychologie des investisseurs. On peut les facilement les posséder / céder. Elles sont lisibles et « liquides » (au sens de la liquidité de la monnaie).

Vous, investisseurs, managers, financiers, vous voilà rassurés ?

On parle votre langage ? Of course, personne n’a jamais dit le contraire. Mais comme le marketing a utilisé l’art de la proximité et de la compréhension des publics pour optimiser l’activité, le design pour soi, ou design de mojo vise à s’adapter à un monde plus aspirationnel.

La satisfaction des besoins prend donc un tour moins matérialiste que dans le développement des sociétés modernes. Nous passons à l’ère de la satisfaction des inspirations. Ou plutôt de l’irrigation des inspirations. Comme dans la pyramide de Maslow, ce n’est pas les besoins de la base qui sont susceptibles de créer les plus gros effets de levier sur votre public mais les étages du dessus. A condition de faire le bon mix entre eux.
Comment motiver, comment inspirer, comment aider à passer à l’action, à se construire. Tel doit être le moto de toute organisation qui vise le succès durable. Cela peut paraitre étonnant mais tout comme Jobs gérait sa schizophrénie de pourvoyeur d’ordinateurs et d’éducateur zen (et cela ne lui a pas trop mal réussi un temps).

Ces défis peuvent paraitre énormes ou démesuré par rapport à une activité économique.
Google se pose bien en facilitateur de la connaissance. Redbull en libérateur de son potentiel et en facilitateur d’adrénaline, qui ouvre l’individu vers des territoires inconnus.
Patagonia propose un autre manière d’envisager les vêtements et notre manière de les consommer, au service d’un monde (vraiment) plus écologique.

Alors le design pour soi, le design d’élévation, le design de « mojo » et les infrastructures sont elles incompatibles ?
Non. Ce “meta design” doit intégrer ces infrastructures dans son approche. Les inclure comme un cahier des charges en quelque sorte.
Les deux approches ne s’opposent pas. C’est la recherche d’un sentiment de dynamique de bien être et d’amélioration continue qui alimentera le succès de l’écosystème. Ce succès valorisera les infrastructures pour ce qu’elles sont : la colonne vertébrale d’un corps incarné qui produit de l’extraordinaire.
Au design de bien faire comprendre qu’il a une approche intégrée et qu’il saura mieux valoriser qu’une approche gestionnaire et/ou financière (ie logique de réduction des couts).

Le design est donc un outil essentiel dans une vie plus chaotique, complexe et riche qu’avant.
A l’ère des logiques d’enrôlement et d’empowrement, de co construction, il permet de travailler sur 3 niveaux d’inspiration : intime, collective et collaborative.

Ces 3 axes correspondent à des contextes différents mais aussi des leviers distincts.

Au délà de la réponse à des besoins, le design vise à générer un état d’être et une dynamique de progression. Ce n’est pas un voeu pieux. C’est un paradigme, c’est un cadre de vue. Il y a moins de 100 ans, des entrepreneurs et des leaders ont saisi la révolution du marketing dans une logique de winwin. Plus de prise en compte de la réalité et des aspirations des individus, plus de produits pertinents et de manière de les rendre accessible, plus de profits pour l’entreprise.

A ce titre, la pleine utilisation du design constitue le vrai défi et l’aventure humaine de cette nouvelle ère. Quels sont ces nouveaux “fous” qui sauront faire vivre cet esprit du mojo ?

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La clé, c'est de créer du mojo. Le Design au service de l’Engagement. www.mojolab.eu