Dossier Dépenses Publiques : Boulogne épisode n°2
Dans l’épisode n°1 (ici > https://bit.ly/3KinqP9) j’explique que j’ai récupéré tous les magazines déposés physiquement dans ma boite aux lettres et fabriqués par ma ville avec l’argent des citoyens français.
J’annonce que je vais faire un retour à l’envoyeur… C’est fait !
J’ai apporté au Maire de Boulogne, en mairie, notre lieu à tous, une boite avec les éléments décris dans l’épisode n°1 et la copie du post sur Medium. J’ai même marqué mon nom et mon numéro de téléphone sur le paquet. Je vous relate la scène car elle est pittoresque, rajoute la description ethnographique des espaces de la fonction publique territoriale, et disperse quelques épices savoureuses dans ma recette de dénonciations des disfonctionnements des allocations budgétaires dans les territoires citoyens français. Bien sûr cela n’est pas original, tout le monde est au courant que nous faisons n’importe quoi avec notre argent public, mais il est toujours bien de rappeler aux européens que nous sommes tous responsables, car c’est à nous de rentrer dans le système pour le changer.
Arrivée en mairie de Boulogne (92), je suis reçue comme une moins que rien, sans sourire, par une personne qui me dit de partir car je n’ai pas de rendez-vous. Justement ! Je viens pour prendre rendez-vous pour renouveler mon passeport, mon dossier étant prêt, je suis le processus imposé par la préfecture en mode tout numérique. Après avoir tenté à plusieurs reprises d’obtenir un rendez-vous via la plateforme de l’ANTS (nom horrible et incompréhensible pour le système de numérisation totale de nos démarches administratives françaises), j’avais subtilement tenté d’avoir un rendez-vous de deux autres manières : en appelant la mairie comme proposé par le système; et en allant sur le site d’une autre mairie comme aussi proposé par le système. Aucune solution ne fonctionnant, je me déplace seulement pour prendre le fameux rendez-vous.
Si j’avais été la citoyenne lambda fatiguée des démarches bureaucratiques, je serais en effet rentrée chez moi et je n’aurais jamais de nouveau passeport. Et si je devais partir dans une semaine pour des raisons professionnelle à l’étranger ?
DEMARCHE RENOUVELLEMENT DE PASSEPORT :
Bien sûr j’use de mes ruses et je retourne la situation, je dis même “c’est mon droit !”. La jeune fille de l’accueil change en un clin d’œil de ton, de visage, de comportement, je la guide dans ses démarches, prenant mon ton autoritaire, je demande à voir immédiatement un responsable du service : elle s’exécute. Mais moi je dois être patiente, il faut attendre que quelqu’un daigne répondre au téléphone en interne. Je suis fort patiente. Sa collègue qui assiste sans rien faire à la scène depuis le début, intervient : “ça doit être une urgence…”. Pour finir, l’hypocrite incompétente de service mal formée fini par m’accompagner jusqu’au bureau même de la responsable de service. Sur le chemin je repère le processus en observant les citoyens aux guichets de la vie civique où nous obtenons nos papiers d’identité. Je suis stupéfaite que nous ne puissions pas venir à cet étage pour seulement demander un rendez-vous.
Avec mon aisance relationnelle je mets au courant la cheffe de service et explique qu’après avoir obtenu mon rendez-vous je souhaite déposer un cadeau au maire… Elle en profite pour m’expliquer comment elle travaille et prend des notes quand je lui donne mon feedback de consommatrice des services civiques et de la plateforme web qui en découle. Elle n’était pas du tout au courant.
Qui aurait pris la peine et le temps de faire un retour d’expérience utilisateur à des fonctionnaires ? On baisse tous les bras !
Je raconte la scène de mon appel téléphonique en mairie de Boulogne : l’agent de la fonction publique territoriale qui répond au téléphone n’arrive pas à trouver des mots, ni faire des phrases, pour me dire qu’il faut rappeler dans l’après-midi. Après avoir expliqué je ne sais quoi en étant confus et malpoli, et aussi avoir compris que je ne baisserai pas les bras et que je savais de quoi je parlais, il confirme qu’il n’a pas de réponse. Apparemment les agents sont dépendants de leur chef de service pour avoir les informations. Peut-être que les manques de formation et d’information les mettent tellement mal à l’aise qu’ils en perdent leur français ?
J’obtiens un rendez-vous pour faire fabriquer mon passeport mais dans un délai bien trop long pour satisfaire un besoin professionnel. J’abdique. Je veux aller porter le cadeau au maire…
Il faut “repasser par l’accueil”. Retour à la case départ sans jetons.
A force de patienter devant le comptoir de l’hypocrite mal formée, je vois passer les boulonnais qui entrent en mairie. Deux personnes âgées, dont un monsieur en mauvais état qui cherche à s’assoir car il est très essoufflé. Les trois pauvres chaises sont loin et il faut faire un tour de la salle car il y a des séparations. Le vieil homme le voit mais il doit pouvoir parler au comptoir d’accueil et préfère allez de l’avant, ce qui semble logique, or, en cherchant des yeux il ne trouve aucun endroit où s’assoir. Une deuxième personne âgée avec le même problème passe avec moins de soucis car il est très bien accompagné et en meilleure forme. Finalement la femme qui accompagne le vieil homme finit par lui dire qu’il faut qu’il se repose et se met à chercher aussi … un endroit où s’assoir…
J’ai patienté pour donner mon paquet au maire. J’avais d’ailleurs précisé : “le secrétariat du cabinet du maire”. On attend… La salle d’accueil en mairie est très grande, il y a tout pour y mettre des bancs, des fauteuils, des fontaines à eau, des poubelles transparentes, et même les fameux magazines qui sont rangés sagement dans la boite cadeau ! Sur le comptoir des fleurs arrangées, des orchidées, des montages floraux. Quel prix pour les montages floraux du comptoir où personne ne s’attarde puisqu’il n’y a pas d’endroit pour s’assoir ? Quelle somme par semaine ? Dans certaines entreprises il est prévu un budget mensuel ou hebdomadaire pour le décor floral. Et si ce budget des citoyens français était utilisé pour la bienveillance envers nos personnes âgées ? Qui se rappelle que ce budget est vraiment le nôtre ?
Au bout de plus de 10 minutes debout avec mon paquet, un agent tout en noir vêtu arrive. Il n’est ni très efficace, ni très poli. Je fais la maline pour demander son nom et j’indique que le mien est sur le paquet.
Je repars navrée, en pensant à la suite que va prendre cette démarche. Le maire est-il au courant ? Le chef de cabinet ? Vais-je recevoir une réponse ? Mes voisins me confirment qu’ils ne lisent jamais les magazines insérés par la ville ou le département dans leur boite aux lettres, et que cela va directement à la poubelle. Et vous ?