GAM #02 : Breath of Fire Dragon Quarter

Pierre Maugein
4 min readJun 8, 2017

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Petit rappel : Qu’est-ce que c’est que cet acronyme digne de la COGIP ? GAM rassemble trois éléments liés au jeu vidéo: Game/Art/Music. De l’anglais certes, mais cette langue barbare est ce qui se fait de mieux dans le domaine du concept. Le principe est simple : régulièrement — dans un rythme qui ira du une fois par semaine au une fois par jour dans des moments d’intense excitation — je vous donne trois éléments relatifs à une oeuvre du domaine du jv. Pas forcément une inspiration directe, mais un ensemble de connexions qui rapprochent chacun de ces éléments. Dans la majeure partie des cas le format sera court, mais il y aura également parfois des interviews en compléments pour densifier le machin.

Game :

Breath of Fire V — Dragon Quarter (PS2)

Développé par Capcom début 2000, le RPG quasi tactique Breath of Fire V sort au Japon en novembre 2002 et il faudra attendre une année pour le voir débarquer en Europe. Il réunit en grande partie l’équipe de Breath of Fire IV, notamment Makoto Ikehara (superviseur et scénariste) passant ici réalisateur, ainsi que Tatsuya Yoshikawa au chara et monster-design. A la différence des autres épisodes de la série, celui-ci se déroule dans un monde dystopique, où les tuyaux et le goût du fer ont remplacé vallées et baies sauvages. Inspiré par la lecture d’Ikehara du roman Gofungo no Sekai de Ryu Murakami selon le très bel artbook “Breath of Fire V Dragon Quarter Official Design Materials” cet univers souterrain diffuse une ambiance étouffante. Elle est accentuée par une difficulté désormais célèbre et un système de jeu axé autour d’une mort immédiate en cas d’utilisation trop poussée des pouvoirs de dragon.

Art :

Point de vue parisien de Viktor Antonov pour le film Renaissance (2006)

Artiste originaire de Bulgarie, Viktor Antonov a travaillé comme conceptual artist sur Half-Life 2 (City 17), ainsi que sur Dishonored. Sa particularité est de concevoir des environnements agités par des déformations fantastiques. Il oscille entre des bases visuelles historiques et leur émancipation dans des architectures fines et chaotiques. Grand artiste de la ville tentaculaire, il évoque sa vision de la cité :

Il y a sûrement dans la ville japonaise un côté artificiel. Il y a une grosse coupure entre le côté très traditionnel et la guerre, la reconstruction du pays. En Europe, ça s’est fait de façon plus douce et on vit dans les mêmes villes depuis très longtemps. En Amérique, ce sont soit des utopies, soit des dystopies, il n’y a pas de milieu. Moi je cherche le juste milieu entre l’horreur de la ville-machine et l’ambiance sublime. Dans un film comme Taxi Driver, là c’est la ville américaine vécue comme une ville-horreur, la ville-ennemie, complètement, du début à la fin. Une ville pré-fabriquée. Dans le Paris parallèle que je fais [pour The Crossing, un projet annulé, ndr], Londres, il y a toujours une belle lumière, une ambiance qui t’attire et tu te sens bien, même s’il y a des dangers […]
C’est la frontière entre la capitale et la campagne. Chaque capitale est une ville théorique et imaginaire où tous les fantasmes se projettent. Quand on sort, c’est tout vide, il y a des villages, etc., mais ce n’est pas intéressant du point de vue ludique, la ville est une sangsue. C’est un rapport qui se perd aux États-Unis, où tout devient une zone urbaine moyenne, mais la ville c’est un fantasme magnifique, depuis très longtemps. C’est toujours un sujet, la ville est un personnage. On vit dans une ville qui est un spectacle, et l’on fait partie de ce spectacle-là. Mais après, la ville se termine. En France heureusement, il y a une périphérie. Quand on sort de Paris, on le sait, par les sensations, les gueules. Cest une expérience particulière. Alors oui, la ville isolée est un univers à part.

(propos recueillis lors d’une table-ronde en 2012)

Music :

Breath of Fire Dragon Quarter : Sorrowful Color

Composée par Hitoshi Sakimoto (Vagrant Story, Final Fantasy Tactics) et supervisée par Yasunori Mitsuda (Xenogears, Chrono Cross), ce qu’on appelle une dream-team, la bande-son de Breath of Fire V illustre à merveille la cité souterraine dans laquelle se déroule l’aventure. Avec ses plages de synthé aux sonorités électro qui résonnent dans une sorte d’inconnu vaporeux, ses rythmes lancinants et profonds, elle figure la violence d’une société déshumanisée. Rares sont les pistes lumineuses, nimbées de la harpe habituelle de Sakimoto, mais elles disposent de fait d’une rare puissance, faisant un contrepoint rassurant à la noirceur ambiante. Faisant partie des compositions les plus travaillées du compositeur, cette BO abrite un thème à la fois étrange et mélancolique (ci-dessus) qui ne verrait sûrement aucun problème à se glisser entre deux morceaux du long-métrage Akira.

Rendez-vous donc pour le GAM#03 d’ici peu de temps.

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Pierre Maugein

Barbu qui écrit des mots chez @ThirdEditions, @JVlemag et le @journaldugamer. Mec à la bourre depuis 1982. J'aime aussi manger une truite devant un feu de bois.