La France au bord du burn-out : contre la résignation, l’action locale pour changer de modèle
« La France est au bord du burn-out…et nos résignations » : la semaine dernière, le succès sur les réseaux sociaux de ce billet de blog de l’influenceur « Vinvin » en disait long sur l’état d’esprit qui règne en France actuellement, depuis de (trop) longues années.
Pour celles et ceux qui ne l’auraient pas lu, quelques extraits éloquents :
- « Je vis dans un pays malade de partout, avec à sa tête des petits Français, élus par la magie de tous nos renoncements, assis sur leurs privilèges, vidant les caisses à tour de rôle et à tours de bras sous nos yeux ébahis, se moquant allègrement de nos conversations et de nos avis, s’octroyant des primes, des salaires, des taux, des toits et des avantages généreux, inventant des lois scélérates sous la panique, chantant la Marseillaise au Congrès de Versailles, la larme à l’oeil entre deux mises en examen, désertant leur poste à l’Assemblée… »
- « J’ai la nausée, elle est là et elle ne me quitte plus, elle s’intensifie. Je cherche des traces de l’intérêt général, je ne le trouve pas. Il a été noyé sous les partis, les syndicats, les associations, les lobbies, les groupes, les intérêts particuliers, les privilèges des uns qui font les bénéfices des autres. Le blocage est total, les verrous sont rouillés et les flambeurs continuent de parader devant six millions de chômeurs, une école qui se délite, une santé attardée, un indice de bonheur qui s’écroule au 29ème rang derrière le Qatar et une consommation d’anti dépresseurs qui fait le délice de nos laboratoires… »
- « Je dégueule ma peine et je pisse dans un violon. Comme vous. Français impuissant à qui l’on fait croire tous les cinq ans qu’ils ont leur destin en main, comme des veaux qu’on mène à l’abattoir en leur caressant le flanc sous une musique douce pour faciliter l’anesthésie. »
- « Je ne veux plus d’un homme qui dit “moi je”, il est temps que nous disions Nous. »
Malgré cette dernière phrase, nul élan créateur ou mobilisateur dans ce billet de Vinvin — pourtant pas le premier des aigris : « Le pays est au bord du burn out et à la fin de cet article, je ne sais toujours pas ce que je peux faire. Cercle vicieux et vertigineux. Ce qui me fait peur, c’est ma propre résignation et cette colère stérile qui ne fait qu’engendrer de la colère stérile. »
Vinvin est désabusé, il ne sait pas quoi faire, il ne sait plus quoi faire. Il chute alors sur une question : « À quel moment la somme de ces colères pourra-t-elle produire un son commun, un premier pas vers une remise au goût du jour de notre dignité? ».
Les institutions ne décident plus du sens collectif de nos vies
Ce texte met des mots, justes, sur l’écoeurement ressenti par une majorité de Français. Mais, malgré toute la modernité que peut représenter Vinvin (alias Cyrille de Lasteyrie, un des premiers blogueurs « influents » de France), il me semble révélateur d’une pensée encore très, trop, marquée par le passé : Vinvin s’exprime comme si les responsables politiques, les institutions, étaient encore les décideurs du sens collectif de nos vies.
Or les institutions ont failli. Au 21ème siècle, le sens ne se crée pas d’en haut pour se diffuser vers le bas : fini le top-down, place à l’empowerment individuel ! C’est à chacun d’entre nous, à son niveau, de créer du sens, son sens. C’est à chacun d’entre nous de s’investir, à son échelle, locale, dans ce qui fait sens pour lui.
Solutions locales, sens global
Nous vivons dans un monde extrêmement complexe, où chacun d’entre nous dispose d’à peu près 5% d’influence sur sa propre situation. Au lieu d’attendre que les « décideurs » choisissent — ou pas — pour nous, saisissons-nous de ces 5%, embrassons-les ! C’est de l’agrégation de toutes les micro-initiatives locales que naîtra un sens global, que naîtront des sens globaux. Aujourd’hui, le célèbre adage « Think global, act local » se renverse : dans un monde aussi complexe que le nôtre c’est de l’action locale, portée par des valeurs que l’on veut universelles, que naîtra le sens global.
Dans son documentaire Solutions locales pour un désordre global, la réalisatrice Coline Serreau avait lancé l’alerte, il y a 6 ans déjà. Son oeuvre est aujourd’hui poursuivie par le documentaire Demain : que ce soit à Detroit, à Bristol ou en Bretagne, les gens qui changent les choses sont ceux qui agissent avec LEUR niveau d’influence — c’est la somme et le rapprochement par capillarité de leurs initiatives qui crée des mouvements collectifs qui changent la destinée de villes entières.
Aujourd’hui, un individu peut changer le monde : c’était mieux avant ?
A Vinvin comme à toutes celles et ceux qui continuent d’espérer une nouvelle classe politique, un élan de courage, de vérité ou de modernité : laissez tomber ce vieux rêve qui n’a plus d’avenir, passez à un rêve qui sera porteur dans le futur ! Prenez conscience et émerveillez-vous du fait que, aujourd’hui, l’individu peut changer le monde ! Ce n’était pas le cas dans les années 70, où l’individu n’était rien, pris en tenaille dans la guerre froide entre l’empire américain et le bloc soviétique : qui regrettera cette époque ?!
Nous vivons une époque qui fait peur, parce que le vieux modèle se meurt. Mais passionnante et formidable parce que nous pouvons nous rendre compte que les initiatives qui changent déjà le monde à leur échelle fleurissent ! Aujourd’hui, un jeune homme de 15 ans invente un outil de dépistage du cancer du pancréas en fouinant sur Google, une jeune fille de 14 ans crée des choux géants pour servir de la soupe aux choux à des centaines de SDF de son quartier, un vétéran de la Guerre du Golfe crée une ONG qui adapte les logements aux personnes handicapées…
Do it Yourselves !
La plupart de ces initiatives micro, locales, sont scalables, peuvent devenir massives : avec les nouvelles technologies notamment, plus besoin de l’Etat : il « suffit » aujourd’hui d’agréger les actes individuels en une volonté collective pour passer à l’échelle et changer de modèle.
L’époque est à l’éloge — ou à la crainte — du risque. Mais nous ne risquons pas grand chose à prendre des initiatives pour changer notre monde, à notre échelle : le modèle dans lequel nous vivons est dans un tel état de délabrement que nous n’avons rien à perdre — ou presque. “Do It Yourself !, et agrège tes actions à celle des autres” : tel doit être le credo du 21ème siècle.