Le gouvernement russe débat de ses futures orientations économiques

MEF Moscow
3 min readSep 23, 2020

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La conjugaison de la baisse des prix du pétrole et de la crise du coronavirus forcent la Russie à revoir son modèle économique. Le gouvernement souhaite évoluer vers un modèle plus redistributif, mais les milieux libéraux poussent plutôt une privatisation plus importante de l’économie.

Le gouvernement russe a dévoilé mercredi dernier un programme intitulé « mobilisation des revenus » : il s’agit d’une réforme fiscale, associée à une réduction des dépenses budgétaires, devant compenser les milliards dépensés pour lutter contre le coronavirus et les pertes liées à la chute des prix du pétrole. Les principaux concernés en sont les grandes entreprises et les particuliers les plus aisés ; et il est probable que cette approche, plus redistributive que ce dont la Russie a l’habitude, persistera après la crise.

Au total, ce sont 1800 milliards de roubles qui doivent être récoltés et devraient couvrir la moitié des pertes liées à la pandémie (4000 milliards). Le programme inclut à la fois des mesures annoncées dès le début de la pandémie, comme l’imposition des revenus du capital à partir d’un million de roubles, l’augmentation de l’impôt sur le revenu pour les Russes les plus aisés ou l’impôt sur les dividendes offshore ; mais aussi de nouvelles mesures comme la multiplication par 3,5 de l’impôt sur l’extraction des ressources naturelles pour les secteur de l’industrie chimique et métallurgique, des suppressions de niches fiscales pour le secteur des hydrocarbures et une hausse de 20 % de la taxe sur le tabac.

Par ailleurs, le gouvernement russe a été très clair à l’annonce de ces différentes mesures : si celles-ci sont prises en réaction à la crise économique provoquée par le coronavirus et le confinement, elles ont vocation à être pérennisées. « Il ne s’agit pas de la situation économique actuelle mais de la nécessité d’assurer l’équilibre financier et économique de notre budget à long terme », explicitait ainsi le premier ministre Mikhaïl Michoustine le 31 mars dernier.

Les annonces divisent les experts russes quant à leur pertinence, et même au sujet de leur réelle cible. 55 % des dépôts bancaires russes sont supérieurs à 1 million de roubles : « L’impôt sur les dépôts frappera tous ceux qui en possèdent. Mais pour ceux dont les revenus sont relativement moins élevés, la mesure sera plus douloureuse », estime ainsi Alexandra Souslina, analyste au sein du Groupe d’Expertise Économique. Quant aux Russes « réellement riches », ils ne seraient pratiquement pas touchés car ils ne conserveraient pas leur argent dans des banques russes. L’impact est plus évident pour l’augmentation de l’impôt sur le revenu de 13 % à 15% pour les revenus supérieurs à 5 millions de roubles par an : statistiquement, elle ne concernera qu’entre 0,3 et 0,4 % des salariés russes.

Si certains saluent des mesure redistributives bienvenues, alors que la précarité grandit parmi la population russe (selon l’agence Rosstat, le nombre de Russes vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de 1,3 millions de personnes au second trimestre), d’autres, principalement au sein des milieux libéraux, préféreraient voir le gouvernement se concentrer sur la réduction des dépenses publiques.

« Je ne suis pas un partisan de quelque augmentation de la pression fiscale que ce soit », a par exemple récemment déclaré Guerman Gref, directeur de la banque publique Sberbank. « Notre avantage concurrentiel, ce sont justement nos taux bas, et nous allons le perdre. Pour moi, augmenter les impôts est la dernière de choses à faire. Nous n’en tirerons pas de croissance économique. »

Alexeï Koudrine, l’ancien ministre de l’économie et actuel président de la Cour des Comptes, recommande de son côté des privatisations plus étendues : « Nous avons reçu en 2019 11,5 milliards de roubles grâce aux privatisations », déclarait-il le 21 septembre dernier. « Et sur cette somme, 7,4 sont des revenus différés des privatisations de 2010. En réalité nous n’avons reçu que 4,2 milliards de roubles ». Pourtant, fait-il remarquer, « notre économie est encore étatisée à un tel point que nous pourrions sans difficulté recevoir entre 200 et 300 milliards de roubles par an sur les 5 ou 6 ans à venir. Cela pourrait permettre d’éviter certaines hausses d’impôts. »

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