Candide en Provence, une visite à The Camp

Mickael GUERIN
7 min readJun 21, 2018

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Mai 2018, Aix en Provence. J’ai rendez-vous avec Lucie Phaosady et Pierre Billet pour la présentation des appels à projet du Bigup4startup PACA. A The Camp. The Camp, enfin. Depuis le temps que j’essaie d’approcher ce drôle d’oiseau. Pourtant, provençal, je réside et je travaille à moins d’une heure de route. Mais que voulez-vous, c’est presque aussi dur que d’aller de Paris centre en banlieue… Pourtant ce n’est pas la frontière du périph’ qui bloque. Non, c’est plutôt l’idée de ne pas y avoir sa place, ce sentiment qu’un projet formidable est bien trop imposant pour soi. Une sorte de timidité. Chez Microsoft je m’étais vu en Candide au Pays de l’IA ; à The Camp, je me sentais plutôt Gulliver à Brobdingang (mais si, quand à rebours de Lilliput, il se retrouve tout petit au pays des géants). Malgré quelques tentatives, la seule visite que j’avais pu faire était virtuelle, au Lab Postal 2017 Alors quand Lucie et Pierre m’ont invité à leur présentation, c’est les yeux brillants et l’âme enjouée que j’ai fait mon petit détour… Et quel détour.

D’abord au cœur même de notre belle civilisation post — industrielle, le territoire d’Aix la Duranne , un pôle d’affaires, créé en 2000 et devenu en quelques années une véritable agglomération, avec école, crèches, commerces, équipements sportifs et de loisirs… Et c’est après avoir traversé la zone d’activité que m’est apparu The Camp. Soudain, un air d’enfance me revint à l’oreille : « Nous arrivions d’un pays sans lumière, nous naviguions sans but près de la Terre, quand apparut au détour d’un nuage, devant nos yeux un pays bleu… Un monde à part Perché sur un nuage, ce monde à part est un petit village qui, en secret, flotte autour de la Terre… Viens avec nous, Au pays doux, Au pays fou… » Mais si, souvenez-vous … le Village dans les Nuages. Et franchement, ces quelques mots décrivent parfaitement ce que j’ai ressenti à la vue de The Camp.

Alors justement, The Camp c’est quoi ? Comme l’indique leur base line, c’est un camp de base pour explorer le futur. Ok. Effectivement, déjà rien que l’architecture du lieu (merci madame Corinne Vezzoni) nous amène dans un autre monde. Du rond, du bois, du béton, de la toile, du vert, du blanc, du verre, des bancs… Le tout, posé, lové au cœur de la garrigue et de la nature. Jusqu’au toit de l’espace principal conçu pour ne pas dépasser la cime des arbres (« Jamais une statue ne sera assez grande pour dépasser la cime du moindre peuplier. Et les arbres ont le cœur infiniment plus tendre que celui des hommes qui les ont plantés », merci Renaud).

L’idée du fondateur, Frédéric Chevalier, lorsqu’il a pensé son projet en 2013 était de trouver de nouvelles approches à des défis universels, et fédérer personnes et projets autour de futurs à imaginer. S’est ainsi constituée une équipe multiple (créatifs, designers, artistes numériques, codeurs, entrepreneurs, chercheurs, dirigeants d’entreprises, …), animée d’un état d’esprit particulier: des rêveurs, aventuriers et passionnés, un écosystème d’explorateurs du futur; des rêveurs d’étoiles à la façon des clochards célestes de Kérouac, faisant de The Camp, un lieu de questionnement et d’échange sur demain: nourriture, apprentissage, organisation(s) sociale(s)… Comme dirait Yves Simon, qu’est-ce que sera demain? (et oui ça ne nous rajeunit pas…). The Camp s’est fixé comme mission de préparer les différentes orientations possibles de notre avenir, mais le plus concrètement possible, en intelligence collective.

Cette vision humaniste est portée par le lieu : 10 000m2 de bâtiments futuristes, bâtis sur 7 hectares, pensés comme des campements nomades en symbiose avec l’environnement, éloignés de l’activité bruyante de la ville. Situé au milieu du terrain, tapi contre la forêt, posé sur les dénivelés naturels, The Camp est totalement respectueux de la nature, en osmose avec le site, permettant le passage de notre monde de l’urbain à celui de la nature, comme une porte donnant sur un autre univers. Conception renforcée par la géographie des lieux, sous la canopée, ouverts sur 3 points cardinaux — la Sainte Victoire, le piton rocheux de la Roche aux fées et le bois d’Arbois.

Une visite à The Camp c’est l’assurance de rentrer dans un univers apaisant, avec ses sentiers de randonnée, ses couleurs, ses formes, et propice aux fulgurances avec un Fablab (espace de prototypage de 120m² quand même, autour de trois zones de travail : prototypage, conception et fabrication manuelle) et un Inspire lab (espace d’inspiration pour découvrir des projets collaboratifs, imaginer des supports innovants pour présenter des projets conçus sur place) en accès libre où les campers peuvent lire, travailler, écouter de la musique… Les espaces de travail sont idéalement calibrées et équipées : 21 salles modulables, adaptées à des groupes de 6 à 24 personnes, deux studios collaboratifs modulables accueillant jusqu’à 40 personnes, un auditorium de170 places au cœur du campus, et même u dôme temporaire et un amphithéâtre de verdure…

La proximité avec la nature, au-delà de la conception architecturale ou des smartflower, repose aussi sur la restauration veggie : fidèle au concept qui sous-tend le projet, The Camp, propose de se poser de manière concrète la question de nos habitude de consommation et de vie, de s’interroger sur le lien avec la nature dans un environnement futuriste et bien sûr de l’alimentation du futur : comment se nourrir aujourd’hui et demain, de manière saine et en quantité suffisante pour tous les humains, et respectueuse de l’environnement et des animaux ? Un potager en permaculture a même été installé, capable de fournir une partie des besoins en fruits et légumes, sans oublier une unité de compostage…

Parmi les sentiers de randonnée et les vélos, on trouve aussi un bassin de nage naturel en bois massif immergé — sans béton, sans liner et sans PVC — doté d’une filtration retenant les grosses particules par le skimmer centralisé, et garantissant une eau cristalline. Des bactéries, totalement inoffensives pour l’homme, assurent la biodégradation des particules, et les rayons UVc désinfectent et repotabilisent l’eau. Et même un escape game sportif : une salle de sport connectée de 150 m², pour aller … sur Mars (Elon, nous voilà).

The Camp accueille des hébergements durables, des bâtiments en ossature bois, intégrant des toits-terrasses végétalisés, qui participent à la limitation de l’émission de chaleur, et favorisant le ruissèlement de l’eau de pluie. Et ces toits sont aussi producteurs d’électricité grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques. Plus de 150 chambres sont ainsi disponibles, mais à l’atmosphère monacale, conçues pour que les campers passent le plus de temps possible à l’extérieur.

C’est un lieu-lien entre les têtes et les jambes, avec ses espaces d’expérimentation et les différents terrains de sport (multisport, beach volley, pétanque — et oui on est en Provence, quoi…). Tout est pensé pour permettre l’éclosion de mille idées pour demain.

Je terminerai ce voyage par l’arbre des inspirations, application poétique permanente en réalité augmentée, symbole de l’esprit des lieux. Une fois connecté (hélas seulement via IOS) les campers peuvent visualiser un arbre imaginaire peuplé de petites créatures avec qui interagir afin de s’inspirer des réponses des autres. Et même de laisser une trace de son passage en répondant à une question simple : quelle est l’œuvre qui a changé votre vision du monde ? Et ainsi créer du lien entre des personnes qui ne se sont peut-être jamais croisées mais partagent leurs parcours, leurs goûts et leurs expériences personnelles…

Pensé comme un lieu d’expérimentation, de recherche et d’innovation sur les questions de développement durable, c’est un « camp d’entraînement, (…) courroie de transmission et lieu de préparation » du futur, comme le décrit Olivier Mathiot son Président non exécutif. De fait, The Camp veut dépasser r s’imposer sur la scène internationale et développer des projets pour répondre aux enjeux de transformation du monde pour devenir « une référence mondiale et incontournable de l’innovation et de la transformation positive. »

Les yeux grands ouverts, remplis d’étoiles, je suis reparti, avec en tête une fenêtre ouverte vers des futurs prometteurs. The Camp n’est pas qu’une prouesse stylistique et un havre de réflexion sur nos à-venir, c’est aussi un lieu d’invention de nouveaux business. Ouvert en septembre 2017, The Camp a accueilli plus de 15.000 campers « pour réfléchir et prototyper de nouveaux modèles du monde ». Pour ma part je ne veux retenir que cette osmose recherchée entre nature et technologie, entre économie et humanisme. Candide toujours, mais pragmatique aussi, pleinement persuadé de la nécessité d’avoir un discours positif et éthique sur le business, je vois The Camp comme un formidable outil pour être acteur du changement, pour créer dès aujourd’hui des futurs soutenables. Un outil qui prouve que sans humanité(s), la technologie n’est et ne sert à rien…

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Mickael GUERIN

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