Ou plutôt avons-nous été imprécis : par « sentience », désigne-t-on la totalité des expériences subjectives, ou spécifiquement les expériences agréables ou désagréables ?
On pourrait donner à ces premières le nom de « conscience » et à ces dernières le nom de « sentience »[*]. Ainsi, les êtres conscients percevraient le monde à la première personne et les êtres sentients éprouveraient plus spécifiquement le plaisir, la peur, la douleur, l’affection, le chagrin, etc.
Mais il y a une seconde proposition : la « sentience » désignerait les expériences subjectives en général et l’on donnerait aux expériences agréables ou désagréables le nom de « sentience affective ».
Alors quel couple privilégier ? « Conscience/sentience » ou « sentience/sentience affective » ? Je dirais… le second. Pourquoi ?
D’une part, je l’ai déjà dit, le mot « conscience » prête à confusion, car il comporte bon nombre de sens différents. D’autre part, à ne voir dans la sentience que les expériences agréables ou désagréables, on risquerait de ne voir dans les êtres sentients que des jouisseurs ou des souffrants, ce qui, pour certaines personnes, relève de la mièvrerie puérile.
Les êtres sentients sont des êtres complets, non seulement capables de souffrir et de se sentir bien, mais aussi d’explorer une gamme riche de sensations neutres : voir, entendre, se concentrer, penser, comprendre, ou réfléchir.
Au fond, utilisez le couple qui vous convient : le plus important, c’est qu’on se comprenne. Mais en considérant la sentience d’une façon large, on permet aux êtres sentients d’être largement considérés.
D’ailleurs, une question se pose : existe-t-il des êtres sentients dont la vie n’est qu’une succession d’expériences neutres, incapables d’éprouver quoi que ce soit d’agréable ou de désagréable ? Autrement dit : existe-t-il des êtres sentients incapables d’éprouver le moindre affect ? Et si c’est le cas, faut-il les considérer moralement ?
[*] Distinction proposée notamment par Jonathan Birch, « Animal Sentience and Interspecies Welfare Comparisons » (2022) (4min30)