Accès à l’avortement au Nouveau-Brunswick : la vente de Clinic 554

Restrictions de financement sur les avortements chirurgicaux, Le Conseil des femmes du Nouveau-Brunswick

Ceci est une introduction sur les restrictions de financement auxquelles Clinic 554 est assujettie, en ce qui concerne les avortements chirurgicaux, leurs conséquences et pourquoi le gouvernement devrait y accorder une attention particulière. Cette publication n’adresse pas les autres défis auxquels Clinic 554 a mentionnée faire face (incluant le sous-financement des avortements médicaux et les soins de santé pour les personnes trans).

Quel est le rôle de Clinic 554?

Clinic 554 est une clinique de médecine familiale à Fredericton, également dotée d’expertise pour servir la communauté LGBTQ2S+ et est aussi la seule qui offre des avortements chirurgicaux en dehors des hôpitaux. Dans sa déclaration sur la mise en vente de Clinic 554 à cause de son instabilité financière, le Dr Adrian Edgar, directeur de la clinique, explique que 3 000 patients ont eu recours à ses services de médecine familiale. Clinic 554 est aussi située dans un édifice qui habitait les locaux de The Morgentaler Clinic (clinique autonome qui offrait seulement des services d’avortement) jusqu’en 2014 lors de sa fermeture après plusieurs années de fonctionnement à perte.

On présente souvent Clinic 554 comme une redoutable « clinique privée ». En raison du fonctionnement de notre système de santé, il est plus exact de parler de services assurés et de services non assurés que de fournisseurs de services privés et de services publics. Les services assurés sont financés par l’assurance-maladie : ils sont dispensés dans un établissement public de soins de santé, comme un hôpital ou une clinique communautaire, ou dans le cabinet d’un médecin de famille ou une clinique sans rendez-vous qui facture ensuite l’assurance-maladie. Clinic 554, comme tous les autres cabinets de médecine familiale, facture ses services à l’assurance-maladie, à l’exception des avortements chirurgicaux.

Pourquoi Clinic 554 ne peut-elle pas facturer les avortements chirurgicaux à l’assurance-maladie?

L’annexe 2 du Règlement 84–20, pris en vertu de la Loi sur le paiement des services médicaux, répertorie les services médicaux qui ne sont pas assurés. L’avortement, « sauf lorsqu’il est pratiqué dans un établissement hospitalier qu’approuve l’autorité compétente dans lequel celui-ci est situé », fait partie de ces services non assurés.

Par conséquent, les avortements chirurgicaux pratiqués dans les trois hôpitaux désignés de la province sont assurés et financés par l’assurance-maladie et tous les autres avortements chirurgicaux ne sont pas assurés et sont à la charge des personnes qui reçoivent ce service. En application de ce règlement, les personnes qui obtiennent des avortements chirurgicaux à Clinic 554 les paient de leur poche ou la clinique les dispense de ces frais, qu’elle assume elle-même. L’ancienne Morgentaler Clinic, qui avait comme politique de ne jamais refuser une personne qui ne pouvait pas se payer les services, a démontré que cette pratique n’est pas durable. Ce paiement est la raison pour laquelle la Clinic 554 est présentée comme « clinique privée ».

Il convient de souligner que la majorité des avortements chirurgicaux pratiqués en dehors des hôpitaux dans les autres administrations canadiennes sont assurés (la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, le Québec et Terre-Neuve et Labrador assurent les avortements chirurgicaux dans les cliniques; l’Ontario finance certaines de ses cliniques, et les territoires, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard n’ont pas de cliniques qui offrent des avortements chirurgicaux). Depuis 2015, les rapport annuels de Santé Canada à propos de la Loi canadienne sur la Santé ont démontré des préoccupations au sujet des avortements qui ne sont pas financés par l’assurance-maladie au Nouveau-Brunswick lorsqu’ils sont pratiqués en dehors des hôpitaux. Plus tôt cette année, la ministre fédérale de la Santé a répétée ces préoccupations dans une lettre acheminée aux provinces qui indiquait que « L’imposition de tels frais pour un service assuré par le régime public contrevient à la Loi canadienne sur la santé ».

Le contexte historique de ce règlement est important. Les dispositions spécifiques sur l’avortement furent ajoutées par le gouvernement provincial à la fin des année 80 en réponse à la complète décriminalisation de l’avortement. En 1988, la Cour suprême du Canada a tranchée qu’inclure l’avortement au Code criminel du Canada contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés. Auparavant, l’avortement était seulement légal lorsqu’il était approuvé par un comité de l’hôpital. Suivant la décision (et en réponse aux efforts du Dr Henry Morgentaler d’établir des cliniques d’avortement indépendantes au Canada, qui, selon son argument, offriraient des meilleurs soins d’avortement plus rentables que dans les hôpitaux), le gouvernement provincial a créé un règlement qui indique qu’afin que l’avortement soit assurée, il devait être certifié comme nécessaire médicalement par deux médecins et effectué par un spécialiste d’un hôpital autorisé. Ceci, selon nous, a rendu l’accès à l’avortement presque semblable à ce que c’était avant 1988 avec des coûts qui remplace la criminalisation en tant que pénalité.

Le règlement s’est assoupli au fil des ans mais demeure tout de même en place aujourd’hui. En 2014, les exigences pour une référence par deux médecins et un spécialiste furent retirées; en 2015, le Moncton Hospital a commencé à offrir des avortements chirurgicaux. Malgré que ceci a permi un accès élargi à 3 hôpitaux de la province, il n’a pas amélioré l’accès régional étant donné que le Moncton Hospital est moins de 3 kilomètres d’un autre fournisseur, soit l’hôpital Dr. Georges-L.-Dumont.

La position du gouvernement semble être que les lieux hospitaliers rencontrent la demande pour ce service. En 2016, le ministre de la Santé de l’époque avait donné cette explication aux médias; plus tard, ce même gouvernement se concentrait sur le financement des avortements non chirurgicaux afin d’améliorer l’accès. Un représentant du gouvernement actuel a fourni une déclaration à CBC qui disait que leur position demeurait inchangée. On croit penser que la demande réelle n’est pas encore connue car la Clinic 554 aborde présentement certains besoins alors qu’elle ne reçoit aucun payment de l’assurance-maladie.

Le Nouveau-Brunswick a-t-il vraiment besoin de l’accès aux avortements chirurgicaux offert par Clinic 554?

L’accès à l’avortement s’est amélioré ces dernières années au Nouveau-Brunswick. Les personnes qui désirent ce service peuvent désormais se présenter pour un avortement à des hôpitaux de Moncton et Bathurst sans avoir été référée par des médecins. Le Mifegymiso (la combinaison de médicaments employés dans les avortements non chirurgicaux, appelés avortements médicaux) est gratuit pour les personnes ayant une carte d’assurance-maladie valide. Si Clinic 554 ferme ses portes, ces options demeureront disponibles.

Dans ces conditions, avons-nous vraiment besoin de Clinic 554? Comme de nombreux Néo-Brunswickoises et Néo-Brunswickois doivent se déplacer pour des actes médicaux, pourquoi l’accès offert aux hôpitaux de Moncton et de Bathurst ne suffit-il pas?

Les gens ont besoin du plus grand nombre d’options possible pour accéder à l’avortement. Un avortement doit se dérouler dans un délai déterminé, est souvent recherché dans des circonstances difficiles et les préoccupations des personnes en matière de confidentialité sont exacerbées. Ces personnes ont besoin d’options qui leur offrent le meilleur choix dans des conditions de sécurité optimales pour leur situation particulière.

Certaines personnes peuvent préférer des avortements médicaux. D’autres peuvent préférer les avortements chirurgicaux (ou n’ont pas d’autre choix). Certaines personnes peuvent solliciter un avortement à un endroit particulier parce qu’il est proche de chez eux et limite les coûts de déplacement. D’autres peuvent décider d’obtenir ce service à un endroit plus éloigné où d’après eux le risque d’être reconnu est moindre ou à un endroit où aucun autre service ne sera solicité. Certaines personnes peuvent préférer une clinique en dehors des hôpitaux qui, selon elles, protégera leur confidentialité ou qu’elles jugeront moins intimidante.

Pour certaines personnes, si leurs options seraient limitées cela pourrait les forcer de révéler leur grossesse et leur intention d’y mettre fin à leur partenaire, à un-e ami-e ou à un-e membre de leur famille pour des raisons de transport, de garde d’enfants, de soins à une personne âgée, etc. Cette situation pourrait non seulement exposer un patient à un jugement moral et à une stigmatisation, mais également menacer sa sécurité. Selon une étude* de la revue BMC Pregnancy & Childbirth, une grossesse non planifiée est plus probable chez une femme qui a déjà subi de la violence. De plus, selon un article* du Journal of Obstetrics and Gynaecology Canada, le risque d’être victime de violence physique est particulièrement élevé chez les femmes qui cherchent à obtenir une interruption volontaire de grossesse.

En offrant des services d’avortement chirurgical, Clinic 554 élargit l’accès régional et offre aux personnes l’option d’un milieu de soins communautaire. Clinic 554 offre également des avortements chirurgicaux jusqu’à la seizième semaine de gestation, alors que les hôpitaux s’en tiennent à treize semaines et six jours (les personnes dont la grossesse est plus avancée doivent aller à l’extérieur de la province pour obtenir un avortement chirurgical).

Pourquoi le gouvernement devrait-il s’en soucier?

La réponse évidente est la suivante : parce que c’est une question de soins de santé et de droits de la personne. De plus, les femmes et les personnes appartenant à des minorités de genre du Nouveau-Brunswick ont déclaré au Conseil des femmes du Nouveau-Brunswick, dans le cadre de notre initiative Résonances, que les soins de santé sont une question prioritaire pour elles qui doit être résolue. De nombreuses femmes ont cité nommément les difficultés d’accès à la santé génésique et à des soins de santé de base.

Mais pourquoi ce gouvernement particulier devrait-il s’en soucier? Voici pourquoi.

Pour commencer, voici les engagements de la plateforme du gouvernement actuel expressément liés aux femmes :

· mettre en place un conseil consultatif provincial sur la santé des femmes;

· mettre en place une fiducie de recherche sur la santé des femmes au Nouveau-Brunswick;

· réduire le temps d’attente pour les chirurgies gynécologiques;

· informer obligatoirement les patientes sur la densité des seins.

Tous ces engagements se rapportent tous aux soins de santé. Nous espérons pouvoir en conclure que le gouvernement comprend que les besoins des femmes en soins de santé sont particuliers, que ces besoins ne sont pas satisfaits et qu’il souhaite aborder ce problème. La conversation doit inclure l’accès équitable à des soins de santé génésique.

L’attention particulière accordée aux soins de santé fait également partie des priorités officielles du gouvernement. Dans le cadre de la priorité « Soins de santé publics fiables », le gouvernement dit qu’il est en train de « remanier le système de soins de santé du Nouveau-Brunswick pour qu’il soit plus approprié et qu’il offre des services de haute qualité à tous les gens du Nouveau-Brunswick. » Assurer les avortements chirurgicaux en dehors des hôpitaux améliorerait non seulement l’accès aux avortements, mais dans le cas de Clinic 554 pourrait éviter également la fermeture d’un cabinet de médecine familiale, ce qui soulagerait les hôpitaux. Tout cela s’inscrit dans le cadre de soins de santé fiables, appropriés et de haute qualité.

Une autre priorité gouvernementale est d’être un gouvernement abordable et prêt à agir. « Insister pour que nos programmes et services publics soient viables et offrent un bon rapport qualité-prix » est un aspect de cette priorité. Clinic 554 a déclaré pouvoir offrir des avortements chirurgicaux à un coût moins élevé que les hôpitaux (ce que démontre la recherche*) et éviter à quelques personnes à la grossesse plus avancée de devoir obtenir un avortement chirurgical en dehors de la province. Ce service, en plus d’éviter la fermeture d’un cabinet de médecine familiale, est conforme à la priorité d’offrir des soins de santé moins coûteux.

Quelle est la position du Conseil?

En bref, nous avons recommandé au gouvernement que les avortements chirurgicaux pratiqués en dehors des hôpitaux soient financés par les deniers. Les intervenants nécessaires doivent collaborer pour modifier l’annexe 2 du Règlement 84–20 et mettre en place une rémunération à l’acte et un code de facturation raisonnables pour que Clinic 554 puisse facturer les avortements chirurgicaux à l’assurance-maladie.

À noter : vous aurez peut-être remarqué que nous parlons de personnes dans cet article. Ceci est dû au fait que ce n’est pas seulement des femmes qui obtiennent des avortements. Les membres des minorités de genre qui ne sont pas des femmes peuvent également être en situation de grossesse et avoir besoin de soins abortifs. Nous employons délibérément des termes qui incluent ces personnes dans notre travail en matière de justice reproductive.

* Ces articles de journaux sont seulement disponibles en anglais.

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