L’affaire Mann v. Ball (2)

NLMR
4 min readSep 2, 2019

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Suite de l’article publié ici : L’affaire Mann v. Ball

Le 31/08, une vidéo de Tim Ball a été publiée avec le titre “Le Dr. Tim Ball réagit à sa victoire sur Michael Mann” :

Cette vidéo contient très peu d’information sur l’affaire et beaucoup de conjonctures qu’on pourrait qualifier de conspirationnistes sur les buts plus ou moins cachés du GIEC. Limitons-nous à ce qui nous intéresse directement :

  • Il parle de son procès contre Andrew Weaver en disant simplement qu’il a gagné, sous-entendant que cela apporte du crédit à sa position, ce qui on a vu n’est pas le cas.
  • Sur l’affaire Mann, sans donner bien plus d’informations, il implique que l’affaire tourne autour du graphe (“Hockey stick”) et dit une phrase étrange : “Dès que j’ai vu ce graphe j’ai su qu’il était faux et j’ai commencé à l’attaquer ouvertement et immédiatement je reçois une plainte de M. Mann” (vers 3:52).

Ce qui est étrange là-dedans, c’est que le graphe en question a été produit par Mann et ses coauteurs en 1998 puis amendé en 1999 avant d’apparaître dans le rapport du GIEC de 2001 puis dans le film d’Al Gore (2006). Les écrits de Ball que Mann jugent diffamatoires ont été publiés autour du 9 février 2011, et la plainte déposée en mars de cette même année.

Il se passe donc 10 ans entre la parution du graphe dans le rapport du GIEC et le dépôt de plainte. Ce qui est encore plus étrange, c’est que dans cette même vidéo Tim Ball retrace l’historique du GIEC. Il aurait donc du effectivement avoir eu connaissance de ce graphe au plus tard en 2001.

Cela semble confirmer que le procès n’a rien à voir avec ce graphe.

La reconstruction historique des températures sur le dernier millénaire que Mann, Bradley et Hughes ont réalisé en 1998 (MBH98, la crosse de hockey — “Hockey stick” — originale) est rapidement devenu un symbole du réchauffement climatique d’origine humaine. Ce n’est donc pas sur l’abondance de publications scientifiques démontrant la composante humaine de l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère sur la période (de 280ppm à 410ppm) et/ou son effet sur le climat que se sont concentrées les attaques des climato-”sceptiques” mais sur ce symbole qu’il convenait (et convient toujours, 20 ans après) de décrédibiliser.

Voici un résumé de l’histoire de ces attaques. Les sources sont dans l’article de Wikipédia déjà cité plus haut :

Le graphe original (MBH98) montrait une reconstruction des températures de l’hémisphère Nord de 1400 à nos jours. Une nouvelle version en 1999 étendait cette période de l’an mille à aujourd’hui. C’est cette version que le GIEC à fait apparaître de manière prééminente dans son rapport de 2001 ainsi que 4 autres reconstructions montrant une évolution similaires.

Au début des années 2000, les Etats-Unis doivent ratifié le protocole de Tokyo, mais nombre d’élus conservateurs s’opposent aux limitations qu’un tel accord pourrait imposés aux industries productrices de gaz à effet de serre.

En 2003, une étude a été publié démontrant que certaines périodes du passé avaient en fait été plus chaudes que ce que nous vivons aujourd’hui et notamment la période de réchauffement médiéval (Medieval Warm Period — MWP). Les méthodes et données utilisées dans l’étude publiée par Climate Research furent très critiquées par nombre de scientifiques et au final la revue a admis que le papier n’aurait jamais du être publié.

Cette étude a néanmoins été utilisé par l’administration Bush (Jr.) pour modifier les conclusions de son rapport sur l’environnement et a servi de base aux premières attaques contre le concept même de réchauffement climatique qualifié de “hoax” (canular) par le sénateur républicain Jim Inhofe en juillet 2003.

De 2003 à 2005, plusieurs nouvelles études critique de MBH ont été publiée, chacune épinglées pour des erreurs de méthodologies par des études-réponses.

En 2005 l’élu républicain Joe Barton lance une enquête sur les données, méthodes et auteurs du MBH. A la demande de Sherwood Boehlert, un républicain plus modéré qui préside le comité scientifique de la chambre des représentants, un groupe de recherche est formé. Il rendra en 2006 ses conclusions supportant les grandes lignes du MBH.

En 2009, une série d’emails piratés appartenant à des scientifiques liés au GIEC relance les polémiques. Mais plusieurs enquêtes indépendantes ont rejeté de nouvelles accusations de manipulations frauduleuses des données.

Pendant ce temps, des dizaines de nouvelles études furent publiées confirmant l’affirmation que les températures de la fin du XXème siècle sont très probablement les plus hautes depuis au moins 1300 ans.

Cela n’a pas empêcher le procureur général de l’état de Virginie de lancer une action en 2011 demandant à l’université de l’état ou Mann effectuait ces recherche de rendre public l’ensemble de ces travaux passés ou en cours. L’université s’y est opposé et la cour suprême a finalement rejeté la demande en 2014.

Il semble que c’est de cette dernière affaire que vienne l’affirmation que Mann garderait secret ces données et méthode.

Le graphe que les sceptiques opposent au MBH est représenté en bas dans l’image ci-dessous :

Celui-ci provient en fait d’un parution de H. H. Lamb (“Climate, History and the Modern World”, 1982) déjà reprise dans le premier rapport du GIEC (1990), p. 202.
Il s’agit en fait d’une illustration schématique (pas une représentation quantitative) des températures pour le centre de l’Angleterre. Voici la même courbe mise à l’échelle (en rouge). Les données en bleue représente les relevés réels de températures dans la même région jusqu’en 2007 :

Source : https://skepticalscience.com/IPCC-Medieval-Warm-Period.htm

[EDIT 19/08] Fin de la série : L’affaire Mann v. Ball (3)

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