Ce que Mélenchon aurait pu faire pour nous

Petite leçon de polarisation

Nicolas Colin
3 min readApr 28, 2017
Huey P. Long, le “Kingfish” de Louisiane

Quand Franklin D. Roosevelt a été élu pour la première fois à la présidence des États-Unis en 1932, il était un technocrate sans grandes convictions — il avait promis de résorber le chômage tout en réduisant le déficit tout en baissant les impôts, c’est dire.

Après son élection, un trublion, le nouveau sénateur (et ancien gouverneur) de Louisiane Huey P. Long, a commencé à s’agiter au Sénat pour exiger de Roosevelt une politique plus à gauche, une redistribution plus importante de la richesse au profit des travailleurs, un rapport de force plus dur avec les patrons — bref, un nouveau contrat social.

Roosevelt a commencé par l’ignorer. Il a mis au travail les technocrates, a mis en œuvre des solutions technocratiques pour tenter de contenir la crise : toutes ont échoué—certaines faute de moyens, certaines parce qu’elles étaient mal conçues, certaines parce qu’elles étaient inconstitutionnelles. C’est ce premier train de mesures que les historiens appellent aujourd’hui le “First New Deal”.

Pendant ce temps, Huey P. Long a gagné en influence et en visibilité auprès de l’électorat, au point de commencer à inquiéter Roosevelt. Le “Kingfish” de Louisiane menaçait de se présenter comme candidat indépendant à la prochaine élection présidentielle. Il risquait d’affaiblir le président et de donner la victoire au candidat républicain en 1936.

Alors Roosevelt a décidé de contourner Long par sa gauche. Il a donné carte blanche à Frances Perkins, sa secrétaire au travail, pour mettre en place les premiers régimes fédéraux d’assurance sociale. Il s’est appuyé sur le sénateur Wagner de New York pour rendre les syndicats plus puissants.

Huey P. Long a été assassiné à Baton Rouge en Louisiane en 1935 et n’a finalement pas pu défier Roosevelt en 1936. En revanche, il avait suffisamment réussi, avant sa mort, à inquiéter le président démocrate pour lui imposer un coup de barre à gauche. C’est de ce rapport de force qu’est né le Second New Deal, celui dont on se souvient encore aujourd’hui comme le socle du contrat social américain — et la raison principale de l’extraordinaire période de prospérité du “post-war boom”.

Mélenchon est un imbécile irresponsable. Il aurait pu être notre Huey P. Long à nous (sans l’assassinat évidemment). Il aurait appelé à voter Macron avec détermination mais en gardant ses distances, l’aurait soutenu à travers une série de meetings partout en France, aurait profité de ce momentum pour faire élire une centaine des siens à l’Assemblée nationale, et aurait ensuite fait pression pour imposer au nouveau président un virage à gauche et la négociation d’un nouveau contrat social privilégiant la sécurité économique et la réduction des inégalités.

Au lieu de ça, il s’est laissé voler la vedette de ce second tour par Dupont-Aignant, et au profit de Marine Le Pen. C’est bien triste — et personnellement je suis inquiet pour la première fois : Dupont-Aignan pourrait être à Le Pen ce que Bayrou a été à Macron avant le premier tour. Alors votez Macron.

--

--

Nicolas Colin

Entrepreneurship, finance, strategy, policy. Co-Founder & Director @_TheFamily.