Pourquoi nous fondons Noice

Noice
6 min readOct 3, 2017

Quand nous nous sommes rencontrés en 2011, la communication digitale n’était ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.

Les réseaux sociaux restaient une terra incognita à explorer pour la plupart des marques et des institutions. Pour nous aussi d’ailleurs. Les promesses étaient nombreuses et le terrain de jeu vaste.

Cette nouvelle forme du web social était une opportunité à saisir. Un espace idéal pour quiconque voulait se faire connaître, partager un récit, une conviction, un avis. Nous invitions nos clients, publics et privés, à entrer dans l’arène et à y proposer quelque chose d’original. A créer et à mettre cette proposition face à une audience pour voir comment elle allait s’en saisir.

Nous étions loin d’être les seuls à faire cela et petit à petit, la surpopulation et la surmédiatisation ont commencé à pointer le bout de leurs nez. Être vu/lu demandait déjà de jouer des coudes et de maîtriser l’alchimie des algorithmes. Nous répondions à ce défi de visibilité par un surplus de créativité. Nous rusions pour émerger.

Et puis, très vite, le flux est devenu torrent. Il a commencé à charrier d’énormes volumes de contenus et de sollicitations, de plus en plus inintelligibles.

En l’espace de quelques années, notre métier a considérablement évolué.

La multiplication des émetteurs — marques-média, « experts », blogueurs, citoyens, robots… — et la vitesse de circulation de l’information ont saturé les réseaux.

On est entré de plain pied dans l’économie de l’attention, avec des audiences sans cesse plus grandes, et toujours plus exposées à des messages en tout genre.

Pour les toucher aujourd’hui, les règles ont changé : la créativité ne suffit plus, il faut jouer le jeu du flux. Un jeu où tout le monde est perdant.

Nous y voyons trois conséquences sur le métier de communicant :

1. La crise de l’attention oblige les communicants à formater leurs messages pour être « flux-compatibles » : à ce jeu-là, c’est le court qui l’emporte.

Le court porte la promesse de la facilité : lisez-moi, regardez-moi, ce sera vite fini, vous pourrez passer à autre chose. Seulement, par définition, le court est aussi moins à même de véhiculer le complexe, le fin, le pondéré. Au mieux, il intrigue, questionne et donne envie d’aller plus loin.

A l’opposé, le long porte le signe de la complexité. Poster un texte un tant soit peu développé ou un format riche de plusieurs minutes est un défi posé à l’audience. Il demande un effort. C’est donc naturellement que le flux attire les messages courts, les pastilles. Le facilement consommable.

2. La crise de l’attention consacre l’outrance et la caricature, au détriment du sens, de la finesse et de la modération.

Le flux s’écoule en permanence, à très haute vitesse. Il met tout au même niveau et condamne le passé immédiat à l’obsolescence. Les fakes, les fails, les petites phrases et les caricatures triomphent.

Le sensationnel prend alors le pas sur le sens, l’émotion sur la pertinence, la vitesse sur la profondeur, la forme sur le fond. L’outrance fait la une et monopolise les conversations. Elle dicte son tempo et emporte les suffrages.

3. La crise de l’attention transforme les communicants en traders, plus intéressés par leurs metrics que par leurs messages.

Pour être vu, il faut désormais payer. Payer donne l’assurance, sinon le sentiment, de dompter les algorithmes. Ainsi, le web est devenu une place de marché, où les producteurs de discours guerroient pour grappiller quelques secondes d’attention à leurs cibles.

A force d’acheter de la visibilité et du clic, les communicants — ils ne sont pas les seuls — se sont peu à peu mutés en traders, plus occupés par la rentabilité et la performance de leurs investissements que par le message délivré. La bonne stratégie de communication devient celle qui permet, en fin de mois, de présenter les meilleurs KPIs. Las.

Si maintenant on se place du côté des publics, qu’observe-t-on ?

  • Une hyper-sollicitation constante, de signaux, de messages et d’images, qui demandent réponse, opinion. Et un ras-le-bol légitime ;
  • Un sentiment de défiance qui se généralise : dans ce tumulte qui mélange news et fake news, information, communication et parodie, tout est soupçonnable et soupçonné ;
  • Une prise de conscience de plus en plus large des enjeux de privacy et de l’utilisation faite des données personnelles ;
  • Un développement de comportements addictifs, qui font qu’un moment de silence ou de solitude est instantanément comblé par l’irruption d’un smartphone et par la recherche d’une gratification immédiate (notification, like, message)
  • Un début de désaffection, dont on voit ici et là les signaux dans les mouvements de déconnexion, dans le retour des téléphones non-intelligents ou dans le succès d’initiatives qui visent à aider les utilisateurs à récupérer le contrôle de leur navigation.

Le tableau est sombre mais il ne doit pas pour autant faire oublier la richesse du web. La beauté du partage, l’authenticité des échanges, la curiosité des communautés qui s’écharpent sur des sujets infiniment précis et le sentiment d’appartenance qui en résulte sont là pour le rappeler.

Nous fondons Noice comme nous posons une question

Après bientôt dix ans à accompagner nos clients dans leur communication en ligne, nous nous interrogeons : doit-on creuser cette voie, continuer à chercher les bonnes manières de s’insérer dans le flux, et d’y véhiculer le plus de sens possible ? Ou doit-on chercher à inventer une voie alternative, plus durable, plus éthique vis-à-vis de nos publics, moins soumise à la cadence infernale des réseaux ?

« Quand l’étreinte n’a plus d’air, on dit qu’elle est éteinte »

concluait Alain Damasio dans So phare away. C’est précisément pour cela que nous optons pour la seconde solution.

En fondant Noice, nous voulons interroger les règles et défricher ce que pourrait être une communication hors du flux.

  • Quel est le temps de la communication ? Quel est le bon rythme pour toucher ses publics, les emmener ailleurs, les faire réfléchir ?
  • Comment toucher hors du flux une audience à l’écoute, disposée à cheminer avec nous ?
  • Comment inventer un autre modèle de communication, tourné d’avantage vers la qualité de réception des messages, plutôt que vers la quantité des « interactions » générées ?
  • Et (beaucoup) plus largement : quel est notre rôle, en tant que communicants, et notre responsabilité, en tant que citoyens, dans la création du web de demain ?

En fondant Noice, nous n’avons bien sûr pas la réponse à ces questions.

Nous avons des intuitions — que nous voulons tester — et une envie : celle de faire le pari d’une communication qui s’affranchisse des modes et qui mette le temps long au cœur de sa démarche. Qui prenne le parti de ses publics, sans les contraindre, mais en les écoutant, et en essayant de leur apporter toujours quelque chose de plus.

Nous ne sommes pas les seuls à nous interroger autour de cette idée que le rythme du flux n’est pas tenable, et que ce qu’il véhicule n’est pas viable.
Autour de nous, des entreprises de presse s’écartent de la marche forcée de l’actu, des entreprises se mettent enfin à penser « purpose » et engagement sociétal plutôt que bilan de fin d’année (même au sein du CAC40 !); les acteurs de la culture explorent de nouveaux modes de narration, en série.

C’est dans cette recherche, qui dépasse l’univers de la communication, que nous souhaitons nous inscrire.

Nous serions ravis d’en discuter avec vous, de savoir ce que cela vous évoque. On serait aussi, vous vous en doutez, très honorés que vous nous fassiez confiance pour étudier vos problématiques, et, pourquoi pas, pour vous accompagner dans votre communication hors du flux.

A bientôt,

Arthur Jauffret & Brice Le Roy
http://noice.fr

--

--