La progression évolutive de la démarche TPR

Tendances mondiales

OTT
16 min readJul 16, 2021

Dans cet article:

  • Le changement des normes: investissement responsable et le cas du comportement des entreprises
  • Changement de règles : La gouvernance des ressources naturelles
  • S’assurer que ça fonctionne dans la pratique : la réforme des marchés publics
  • Une évolution incertaine : la responsabilité sociale

Lors de nos entretiens avec les leaders d’opinion sur l’approche TPR, nous avons commencé à voir un modèle. Les sous-domaines de TPR évoluent et passent par trois étapes. Et à chaque étape de l’évolution, il existe des opportunités et des risques spécifiques pour les donateurs.

Étape 1 : Changer les normes

La première étape de l’évolution consiste à diffuser une idée et à changer les normes mondiales. Cette étape est peut-être la moins compliquée à soutenir pour un bailleur de fonds.

La diffusion de normes mondiales commence par l’émergence d’une norme — par exemple, les entreprises devraient investir et se comporter de manière plus responsable. Lorsque suffisamment de pays adoptent la norme, un point de basculement est atteint et de nombreux autres pays suivront en réponse à la pression internationale.

Cette diffusion de normes est principalement le fait d’organisations internationales, d’associations professionnelles et de coalitions internationales de défense des droits, qui mènent les efforts pour rédiger, codifier et valider ces normes mondiales (Finnemore et Sikkink, 1998 ; Martinsson, 2011).

Qu’est-ce que cela signifie pour les organisations dans le domaine de TPR, et pour les opportunités et les risques ? Tout d’abord, l’organisation idéale pour les efforts déployés à cette première étape de l’évolution de la démarche TPR est une ONG internationale axée sur le plaidoyer, présente dans le monde entier et dont le siège se trouve dans des centres politiques importants.

Pour les donateurs, le principal risque lié à cette étape de changement de norme est probablement d’ordre programmatique : les dirigeants politiques peuvent adhérer du bout des lèvres à la nouvelle norme sans avoir à changer quoi que ce soit dans la pratique ; sans résultats tangibles d’une intervention, il peut être difficile de faire respecter la parole de ces dirigeants ou de démontrer les progrès accomplis.

Étape 2 : Changer les règles

Une nouvelle norme mondiale ne peut exister trop longtemps sous une forme abstraite. Elle doit être ancrée dans des lois, des règles et des comportements. C’est à ce stade que la norme nouvellement partagée et adoptée est confrontée au contexte institutionnel et politique d’un pays, y compris aux éventuels intérêts particuliers qui cherchent à maintenir le statu quo.

En remettant en question les modes de fonctionnement établis, l’organisation qui fait avancer l’agenda TPR dans un sous-domaine peut donc chercher des partenaires, par exemple en puisant dans les mouvements de base ou en formant des coalitions avec d’autres organisations.

En d’autres termes, l’ancrage ou l’institutionnalisation d’une nouvelle norme est par nature une entreprise politique dans un pays. En tant que telle, cette étape de changement de règles présente beaucoup plus de risques pour un donateur ou un financeur externe, et tout soutien qu’il apporte à un sous-domaine à ce stade doit être fait avec les yeux ouverts.

Étape 3 : S’assurer que cela fonctionne dans la pratique

Certains sous-domaines de TPR sont suffisamment bien établis pour avoir réussi à ancrer leurs normes dans les politiques ou les lois nationales. Que faire alors ?

La troisième étape de l’évolution d’un sous-domaine concerne la mise en œuvre : il s’agit de s’assurer que les politiques et les lois soient respectées comme prévu, ce qui peut être considéré comme le test décisif pour savoir si T + P = R.

À ce stade, il s’agit moins de la grande politique nationale et plus des relations de redevabilité, qui peuvent être beaucoup plus localisées et micro. Bien que cela réduise les risques pour les donateurs et les bailleurs de fonds, les occasions de démontrer le succès, que l’annonce d’une réforme politique peut apporter, sont également moins nombreuses.

La légitimité de la voix est ici importante ; ce n’est pas seulement ce qui est dit qui compte, mais qui le dit. Et, alors que les coalitions stratégiques étaient essentielles dans l’étape précédente, dans cette étape, tout est question de participation de masse.

La question qui se pose est la suivante : où cela mène-t-il les donateurs ? Quels types d’organisations sont les mieux placés pour soutenir les sous-domaines de TPR à ce stade de leur évolution, et quels sont les points d’entrée et les opportunités pour les donateurs et les financeurs ?

On peut trouver des indices en examinant les sous-domaines de TPR qui ont atteint cette troisième étape (du moins dans certains pays).

Le changement des normes: investissement responsable et le cas du comportement des entreprises

À ce stade de son évolution, le sous-domaine de l’investissement responsable et du comportement des entreprises concerne principalement la diffusion de l’idée que la fiscalité devrait être plus transparente. La transparence fiscale est censée réduire l’évasion fiscale des entreprises, notamment des multinationales. Et comme l’impôt sur les sociétés représente une part nettement plus importante des recettes publiques dans les pays en développement (environ 16 %) que dans les pays de l’OCDE (environ 8 %), ce changement de norme particulier a le potentiel d’être très favorable au développement.

L’un des principaux acteurs de ce sous-domaine de TPR est ‘B-Team’, un collectif d’entreprises et de dirigeants de la société civile qui se sont réunis après la crise financière mondiale de 2008 pour lutter contre ce qu’ils considéraient comme un défaut de la culture d’entreprise, notamment le court-termisme et la primauté des actionnaires.

L’accent mis par l’approche TPR sur une fiscalité des entreprises plus responsable est né du constat que les approches habituelles ne favorisaient pas la confiance entre les entreprises et la société. L’un des principaux facteurs contribuant à cette méfiance était la perception croissante d’une évasion fiscale généralisée des entreprises et la reconnaissance du fait que la manière dont le système fiscal international a été construit a permis aux entreprises (en particulier les multinationales) de jouer avec le système, d’exploiter les failles et, par conséquent, de minimiser leurs obligations fiscales.

Cette situation a suscité l’élaboration d’un ensemble de Principes de Fiscalité Responsable, développés par ‘B-Team’, en collaboration avec des organisations de la société civile, des investisseurs, des institutions internationales et neuf multinationales. Et, trois ans après la publication de ces Principes, nous constatons que les normes commencent à changer. Il est particulièrement encourageant de constater que de nombreux grands investisseurs commencent à considérer les affaires fiscales des multinationales comme une source de risque et exigent à leur tour un comportement plus responsable de la part des entreprises. Comme l’a expliqué un leader d’opinion :

Nous constatons que de plus en plus d’investisseurs, grands et petits, commencent à réaliser que la fiscalité est un risque clé qui doit être intégré dans leurs stratégies d’investissement. Il s’agit d’un risque de réputation si les entreprises sont considérées comme des fraudeurs fiscaux. Il s’agit également d’un risque financier, car si les entreprises ont des positions fiscales susceptibles d’être contestées par les autorités fiscales, elles peuvent se retrouver avec une facture fiscale élevée. Nous commençons également à voir des investisseurs affirmer que l’impôt est lié au risque contextuel, car c’est l’impôt, en fin de compte, qui finance le type de sociétés modernes et fonctionnelles auxquelles nous aspirons tous et sur lesquelles, en fait, les entreprises comptent. Elles ont besoin d’infrastructures pour fonctionner, d’une main-d’œuvre bien formée et d’un système de santé qui soutienne leur personnel. En conséquence, les investisseurs ont commencé à relever leurs attentes vis-à-vis des entreprises.

Les Principes sont désormais suivis par 20 multinationales et des efforts sont en cours pour accroître ce nombre et améliorer la mise en œuvre des Principes. En outre, B-team, qui devait initialement convaincre activement les entreprises d’adhérer aux Principes, est désormais sollicité par les entreprises elles-mêmes, qui considèrent qu’il est dans leur propre intérêt d’adhérer aux Principes.

Au-delà de l’établissement et du changement de normes, l’ambition dans ce sous-domaine est de créer une sorte de coalition de plaidoyer informel, formée de ces sociétés multinationales, qui s’exprimerait en faveur d’un changement de règles, c’est-à-dire qui ferait pression sur les gouvernements pour que toutes les sociétés soient légalement tenues d’adopter certains des comportements responsables que ces sociétés adoptent volontairement.

À terme, nous serons en mesure de mener des actions de plaidoyer avec ce groupe d’entreprises et je pense que cela sera très efficace. L’une des principales raisons pour lesquelles la modification des règles/la législation en matière de fiscalité, notamment en ce qui concerne la transparence fiscale, est délicate est que les entreprises font pression contre elle. Nous avons maintenant un groupe d’entreprises qui le font volontairement et le meilleur dans tout cela, c’est que tous les arguments qui ont été utilisés par les entreprises contre la transparence — le genre d’arguments qui disent que la transparence sape les positions concurrentielles et est incroyablement coûteuse d’un point de vue administratif — sont en quelque sorte en train de se désintégrer parce que nous avons montré que cela peut être fait.

Changement de règles : La gouvernance des ressources naturelles

La transparence et la participation des citoyens sont considérées comme essentielles pour garantir que la richesse générée par les secteurs extractifs contribue à la croissance et à la réduction de la pauvreté.

Pour les initiatives travaillant dans ce sous-domaine de TPR, la théorie du changement est que la société civile et les citoyens utiliseront les informations sur les contrats, les revenus et les paiements du gouvernement liés au secteur extractif pour tenir le gouvernement responsable de ses décisions en matière de dépenses publiques et du respect de l’intégrité.

De même, les citoyens, s’ils disposent des informations, s’en serviront pour tenir les entreprises extractives responsables de leurs actions — y compris de leur contribution ou de leur absence de contribution aux communautés affectées par leur présence (Banque Mondiale, 2016).

Depuis le début des années 2000, les initiatives et les acteurs de TPR, notamment ‘Publish What You Pay’, l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) et l’Institut de gouvernance des ressources naturelles (Natural Resource Governance Institute — connu précédemment sous le nom de ‘Revenue Watch Institute’), ont réussi à faire évoluer les normes en matière de transparence dans le secteur extractif.

Plus de 50 pays produisent désormais des rapports détaillés accessibles au public sur les revenus que le gouvernement tire des industries pétrolières, gazières et minières (Gaventa, 2019). Ce n’est pas un mince exploit, d’autant plus que les conversations autour de la gouvernance des industries extractives dans de nombreux pays étaient taboues et très sensibles.

Les efforts de type TPR dans le domaine de la gouvernance des ressources naturelles ont commencé par se concentrer sur la transparence des revenus — ce que les gouvernements reçoivent et ce que les entreprises paient — avec les OSC utilisant le récit de la “malédiction des ressources” : pourquoi les populations des pays riches en ressources sont-elles si pauvres ?

Aujourd’hui, ce sous-domaine couvre l’ensemble de la chaîne de décision des industries extractives, depuis les décisions d’exploitation, les contrats, la législation, les systèmes de gestion de la collecte des revenus et le développement durable. Plus récemment, l’ITIE a également commencé à s’intéresser à des éléments qui dépassent le cadre direct de la gouvernance extractive, notamment les questions d’égalité des sexes et de transition énergétique.

Après avoir obtenu de bons résultats dans le changement des normes relatives à l’approche TPR dans le secteur extractif, ce sous-domaine a progressé dans de nombreux pays pour initier des réformes politiques, institutionnelles et juridiques.

Cette deuxième étape de modification des règles s’est toutefois révélée délicate. Non seulement le secteur des industries extractives dispose d’un puissant lobby commercial qui rendrait difficile l’adoption de tout changement qui pourrait être considéré comme désavantageux pour les sociétés extractives, mais le gouvernement lui-même peut également avoir de fortes raisons de résister à la réforme.

En fait, le contrôle du secteur des ressources est considéré comme l’un des atouts les plus précieux sur le plan politique, en particulier dans les nations les plus pauvres (Smith et Rosenblum, 2011). Comme l’a expliqué un leader d’opinion :

Une contrainte à prendre en compte dans ce domaine est que la gouvernance du secteur extractif ne peut pas être dissociée de l’état général de la démocratie. Dans certains pays africains, les dirigeants sont en poste depuis des décennies parce qu’ils ont pu utiliser le secteur extractif à des fins politiques. Ainsi, tout changement dans ce secteur risque d’être difficile sur le plan politique, en particulier en Afrique puisque la survie même de nombreux régimes africains se résume à leur implication directe dans les industries extractives.

Cette sensibilité politique s’est traduite par un certain niveau de “ poudre aux yeux “, avec des lois sur la transparence rédigées et promulguées mais non ratifiées, appliquées ou mises en œuvre (ce qui entraîne ce que l’on appelle des lacunes dans la mise en œuvre, comme indiqué dans la section 2 de ce rapport). Certains gouvernements ont adhéré à l’ITIE uniquement pour gagner en popularité auprès des citoyens et des donateurs (Sovacool et Andrews, 2015). Dans de tels contextes, les progrès réels vers les aspects TPR sont naturellement lents.

Dans ce type d’environnement d’économie politique, le pouvoir peut pencher en faveur de la bonne gouvernance si les organisations de la société civile sont capables de former de grandes coalitions et de mobiliser une masse critique de personnes et d’institutions en faveur de la cause.

Quant aux donateurs, la nature politique des efforts déployés à cette deuxième étape devrait inciter les donateurs peu enclins au risque à faire preuve de prudence. Ceux qui cherchent à soutenir des sous-domaines à ce stade de leur évolution doivent s’efforcer de comprendre l’économie politique de ces sous-domaines dans les pays qu’ils soutiennent.

Les recherches récentes publiées par le Partenariat budgétaire international sur la politique de la réforme fiscale (Lakin, 2020) constituent un bon pas dans la bonne direction qui pourrait être entrepris pour d’autres sous-domaines de TPR également, y compris dans la gouvernance des ressources naturelles.

S’assurer que ça fonctionne dans la pratique : la réforme des marchés publics

Les marchés publics représentent environ 50 % du total des dépenses publiques dans les pays à revenu faible et intermédiaire, ce qui en fait l’un des plus grands risques de corruption. En effet, plus de la moitié (57 %) des 427 affaires de corruption conclues dans le cadre de la Convention anticorruption de l’OCDE concernaient des pots-de-vin versés pour obtenir des contrats sur les marchés publics (Amin, 2017).

Pour remédier à ce problème, garantir l’équité et l’optimisation des ressources, les pays ont entrepris diverses réformes visant à accroître la transparence et l’ouverture des passations de contrats sur les marchés publics.

Les Contrats Ouverts (Open Contracting) reposent sur l’hypothèse selon laquelle, lorsque les gouvernements rendent accessibles les informations relatives aux marchés publics, les entreprises peuvent se livrer à une concurrence loyale pour remporter des contrats et la société civile peut surveiller le processus afin d’identifier et de contester les irrégularités telles que la corruption et la captation de l’État (Amin, 2017).

Le Partenariat pour les Contrats Ouverts a joué un rôle normatif dans ce sous-domaine de TPR, aidé par la Norme de Données pour des Contrats Ouverts (Open Contracting Data Standard), que de nombreux pays ont approuvée par le biais du Partenariat pour un gouvernement ouvert (en tant qu’engagements dans leurs plans d’action nationaux). Plusieurs pays ont également approuvé publiquement la norme lors du sommet international sur la lutte contre la corruption qui s’est tenu à Londres en 2016.

Certaines initiatives de transparence des marchés publics ont attiré l’attention internationale, ce qui a favorisé les progrès dans ce sous-domaine. Par exemple, l’initiative ukrainienne ‘ProZorro’, qui a été développée en étroite collaboration entre le gouvernement, le secteur privé et la société civile, a obtenu une reconnaissance internationale lorsqu’elle a remporté le ‘World Procurement Award’ (Prix Mondial de la Passation de Marchés) en 2016 (Bugay, 2016).

Plus récemment, en 2020, une initiative de transparence des marchés publics a été le projet anti-corruption gagnant d’un concours organisé par le Fonds Monétaire International. Le projet, intitulé “Public Procurement Corruption Risks : Harnessing Big Data for Better Fiscal Growth” (Risques relatifs aux passations de marchés publics : se servir de Big Data pour une meilleure croissance fiscale) — a créé un outil de renseignement qui exploite les Big Data pour repérer les risques de corruption dans les processus de passation de marchés publics.

Dans certains pays, il existe désormais de bons cadres juridiques pour la transparence des marchés publics et les gouvernements partagent les données relatives aux marchés publics. Cependant, comme dans le sous-domaine de la transparence budgétaire, les travaux visant à garantir la redevabilité en matière de passation de marchés ne font que commencer. En prenant l’exemple du Nigeria, un leader d’opinion a expliqué :

Grâce aux efforts de la société civile, il existe désormais au Nigeria un bon cadre juridique pour la transparence des marchés publics. Cette loi est bien établie et utilisée à tous les niveaux du gouvernement. Toutefois, le problème est que nous ne savons pas si cela a eu un quelconque impact sur l’efficacité des marchés publics et sur la réduction de la corruption. Ce qu’il nous faut maintenant, c’est un contrôle des marchés publics, qui se concentre spécifiquement sur la manière dont les contrats publics sont mis en œuvre. Ces contrats peuvent sembler bons sur le papier et ils peuvent avoir suivi la bonne procédure, mais s’ils sont mis en œuvre d’une manière qui n’est pas conforme à ce que prévoit le contrat, ils n’auront probablement pas les résultats escomptés et ne seront pas rentables.

Comme pour la transparence et le suivi du budget, les OSC professionnalisées dans cet espace manquent de capacité et de légitimité pour assumer cette tâche de suivi. Au lieu de cela, cela doit se faire à un niveau beaucoup plus localisé.

Les organisations spécialisées de la société civile travaillant dans ce sous-domaine joueront donc davantage un rôle de facilitateur, qui peut inclure la formation de contrôleurs communautaires, la fourniture de services technologiques (par exemple, la numérisation des informations de contrôle) et la traduction des informations relatives aux contrats dans les langues locales.

Une évolution incertaine : la responsabilité sociale

Vous pensez que la responsabilité sociale est la réponse du gouvernement à la pression de la société civile, mais ce qui a changé ces dernières années, c’est l’émergence d’une cohorte de gouvernements qui n’attendent plus la pression de la société civile pour apprécier la responsabilité sociale, mais qui l’utilisent de manière proactive dans le cadre de leur système de redevabilité. C’est une tendance importante à surveiller. (Leader d’opinion)

La responsabilité sociale (avec une attention particulière à la santé) est une forme d’engagement participatif des citoyens. Elle reconnaît que les citoyens sont les personnes qui sont finalement affectées par les décisions en matière de soins de santé et sont donc les personnes qui devraient influer sur le changement des politiques de santé, des services de santé et du comportement des prestataires de soins de santé par une influence et une action collective (Danhoundo et al., 2018).

Les activités visant à faire progresser la responsabilité sociale dans le domaine de la santé peuvent être entreprises tout au long du cycle budgétaire — en commençant par la budgétisation participative, suivie du suivi des services de santé (pour s’assurer que la politique et le budget sont mis en œuvre comme prévu) et enfin en engageant les citoyens dans le processus d’audit par le biais d’audits sociaux et en partageant des informations avec l’institution suprême d’audit.

La responsabilité sociale s’est imposée au cours de la troisième vague de démocratie au début des années 1990, à un moment où il y avait une abondance de nouvelle énergie civique qui poussait à la démocratie et aux droits démocratiques. C’était aussi une époque où de nombreux pays élaboraient des programmes de décentralisation pour lesquels l’engagement des citoyens était un élément naturel. Au début des années 2000, la Banque Mondiale a intégré la participation des citoyens dans son programme de responsabilisation, dans le but de faciliter la responsabilisation des institutions publiques par les citoyens, en plus de l’engagement de base des citoyens.

La question est de savoir où est passé ce sous-domaine de TPR après cette première étape de changement de normes.

Malgré son histoire relativement longue en tant que thème, on peut dire qu’il n’a jamais été institutionnalisé comme d’autres sous-domaines de TPR (étape 2 : changer les règles).

D’autre part, des composantes uniques de ce sous-domaine — notamment le budget participatif et l’audit social — ont clairement été institutionnalisées dans divers endroits du monde (Mills, 2016). Une tendance intéressante se dessine où le gouvernement lui-même est un moteur de la responsabilité sociale.

Le leader d’opinion cité en haut de cet article a poursuivi en décrivant comment le gouvernement du Ghana est l’un des pays à l’avant-garde de cette tendance. Plus précisément, il a créé une Direction de la Responsabilité Sociale au sein du ministère du gouvernement local, dont le mandat est de relier le gouvernement central au gouvernement local et à la société civile. Le fait que le gouvernement investisse dans ce rôle montre la valeur qu’il accorde à la garantie que la pratique de la responsabilité sociale est une caractéristique de son écosystème de responsabilité.

Le gouvernement du Ghana (et ses ministères de tutelle), apprécie la responsabilité sociale pour sa capacité à combler les lacunes qui existent dans la capacité du gouvernement à surveiller efficacement la prestation de services et la mise en œuvre des politiques au niveau local. Lors d’un entretien en septembre 2019, un représentant du secteur de la santé au Ghana a décrit cela comme suit :

Il y a tellement de petits prestataires de services de santé que nous n’avons pas la capacité de suivre et de superviser ce qui se passe. C’est pourquoi les [projets de responsabilité sociale] sont si importants. Ils nous fournissent de nombreuses informations au niveau communautaire qui, à leur tour, peuvent nous éclairer dans nos délibérations politiques. Ils permettent également de demander des comptes au gouvernement, en examinant comment l’argent qu’il dépense pour fournir des services de santé est utilisé dans la pratique… En outre, les organisations de la société civile (OSC) ont la capacité d’obtenir des réponses honnêtes de la part des gens, ce que nous, au gouvernement, ne sommes pas toujours en mesure d’obtenir. (Mills, 2019)

Il est intéressant de noter que les gouvernements qui ne sont pas connus pour donner aux OSC une grande marge de manœuvre en ce qui concerne les autres facettes de TPR font partie des gouvernements qui ont commencé à institutionnaliser les activités de responsabilité sociale.

Le gouvernement rwandais, par exemple, met en place une structure rigide autour des relations avec la société civile ; pourtant, il a également développé un cadre pour la surveillance par les OSC des contrats publics dans le secteur agricole afin de rendre les ressources gouvernementales dans l’agriculture plus transparentes et responsables. De même, en Ouganda, malgré son manque général de libéralisme, certains secteurs du gouvernement sont très attachés à la responsabilité sociale, ce qui se manifeste notamment par le suivi des contrats publics par les citoyens.

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