Les citoyens acteurs de la décision à Kingersheim : le regard de Jo Spiegel
Par Jo Spiegel, Maire de Kingersheim
A Kingersheim, nous expérimentons une démocratie de construction, qui change le rapport à la décision et à l’élu. L’objectif pour nous n’est pas d’opposer mais au contraire de réconcilier le citoyen et l’élu, la représentation et la participation, la phase décisionnelle et la phase décisive. L’une des conséquences pour le Conseil Municipal est que celui-ci n’est plus l’alpha et l’oméga de la décision politique : il est l’animateur du processus de décision. Plus précisément, il clôture une séquence démocratique, vivante et édifiante, ouverte en amont.
Cette séquence démocratique s’ouvre à chaque fois qu’un nouveau projet d’intérêt général est amené par des élus ou des habitants de la commune. Concrètement, c’est un conseil participatif qui prend en charge la délibération et la préparation de la prise de décision. Afin de favoriser la fertilisation des points de vue, ce conseil participatif est constitué de 4 collèges : celui des citoyens tirés au sort, des élus de la majorité et de l’opposition, des agents et experts et celui des organisations et associations.
Ce conseil participatif, c’est l’agora au sens grec : il se réunit pour dialoguer, créer des compromis dynamiques entre les différents points de vue. Le conseil municipal joue son rôle d’ecclesia, c’est-à-dire un rôle décisionnel. Concrètement, le projet est présenté en Conseil Municipal, la séance est suspendue pour que les représentants des différents collèges puissent présenter les propositions auxquelles ils ont abouti, puis seulement les élus se positionnent et votent lorsque la séance reprend.
Cette articulation entre instance décisive (le conseil participatif) et instance décisionnelle (le conseil municipal) redonne sens à l’élection : c’est un passeport vers une démocratie effective et continue. La démocratie de construction change ainsi le rôle de l’élu et de la représentation au sein du conseil municipal : ce dernier assure le continuum entre délibération et décision. Elle permet de casser l’entre-soi des élus, souvent enfermés dans une opposition stérile entre la majorité et la minorité. En résumé, elle remet le triptyque démocratique Débattre, Élaborer Ensemble, Décider au coeur du processus décisionnel de la commune.
Il y a parfois des contraintes qui empêchent un tel processus de démocratie lente et de co-construction. Cela peut-être des contraintes budgétaires, des contraintes de complexité (le projet est trop technique) ou des contraintes de périmètre démocratique. Ce dernier pose la question : qu’est-ce qui est négociable, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Apporter des réponses claires sur les marges de manœuvre de la démarche participative permet d’éviter des frustrations. La question des valeurs et de leur respect est également fondamentale : le contrat municipal passé avec les habitants lors de l’élection fait partie intégrante de ce périmètre démocratique. A Kingersheim, c’est l’accès à la connaissance et la culture, la transition écologique et la démocratisation de la démocratie. Nous assumons ces valeurs, tout en gardant à l’esprit que le processus participatif est un processus de rassemblement, sur des sujets très concrets qui dépassent et transcendent les clivages politiques. C’est tout l’équilibre entre représentation, vision, leadership et partage, ou encore entre démocratie et république.